"Comment osez-vous lancer des accusations contre les proches des victimes" de la double explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020, "alors que chacun de nous a perdu un martyr bien plus précieux et supérieur à votre poste de faussaire ?"
Accusés par le ministre sortant de la Justice Henri Khoury, jeudi dans un entretien télévisé, d'être "à la solde des ambassades" après une manifestation mercredi soir devant son domicile, les proches des morts du drame du 4 août ont répondu dans un communiqué trempé au vitriol et réclamé des excuses.
"De quel droit cette campagne a-t-elle été lancée contre nous ? Nous vous le disons : ce n'est pas nous qui œuvrons avec les ambassades pour recevoir telle ou telle aide, ni nous qui nous déplaçons dans des convois sécurisés avec des voitures de luxe, ni nous qui faisons commerce du sang des victimes", ont répliqué les familles. "Comment osez-vous lancer des accusations contre les proches de victimes, alors que chacun de nous a perdu un martyr, bien plus précieux et supérieur à votre poste de faussaire ? Vous devez vous excuser pour vos paroles injustes et erronées, nous n'accepterons rien d'autre que cela", ont-elles poursuivi en s'adressant directement à M. Khoury.
Fausses accusations
"Nous condamnons toutes les fausses accusations formulées contre nous, qui nuisent davantage à celui qui les profère qu'à nous", écrivent aussi les proches des victimes du drame qui a tué plus de 220 personnes et blessé 6.500 autres. Henri Khoury était "un juge et il est actuellement ministre, il est censé baser tout ce qu'il dit sur des faits concrets", ajoutent-ils.
Le collectif a également évoqué la vive polémique en cours autour d'une décision prise mardi dernier par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), sur base d'une proposition du ministre Khoury, de nommer un juge d'instruction suppléant dans le dossier de l'enquête sur le 4 Août, confiée au juge d'instruction Tarek Bitar. "Nous nous adressons aussi au CSM qui a approuvé une décision suspecte du ministre de la Justice. Où sont votre conscience et votre probité ? Est-ce que la loi change en fonction des sommes d'argent perçues auprès des responsables politiques et des objectifs personnels ? Avez-vous le droit de créer une loi en fonction de ce qui vous sied le mieux ?", ont fustigé les familles des victimes, qui multiplient les mobilisations depuis l'annonce de cette décision, aussi bien contre le ministre de la Justice que contre Souheil Abboud, président du CSM.
Un nouveau ministre des Finances
Les proches des victimes affirment également "avoir pris contact avec le Club des juges, l'ordre des avocats et les députés honnêtes, sans pressions politiques", pour discuter de cette question. Ils évoquent "une proposition du Club des juges consistant à nommer un nouveau ministre des Finances, non politisé et non affilié à un quelconque bord politique, qui accomplisse son devoir". Le ministre sortant des Finances Youssef Khalil est régulièrement pointé du doigt dans l'obstruction de l'enquête du juge Bitar, parce qu'il n'a pas signé un décret qui permettrait de nommer plusieurs membres de l'Assemblée générale de la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire chargée notamment d'examiner tous les recours lancés contre le magistrat Bitar par les responsables politiques. Ces nombreux recours empêchent l'enquête sur le 4 août 2020 de suivre son cours, et celle-ci peine toujours à avancer plus de deux ans après le drame.
Plus tôt dans la journée, le patriarche maronite Béchara Raï avait lui aussi accusé le ministre Khalil de faire obstruction à l'enquête, ce à quoi le ministère des Finances avait répondu en affirmant avoir renvoyé le projet de décret en question aux autorités judiciaires.
commentaires (6)
Ils le feront, contraints et forcés devant un tribunal international… Ils n’ont même pas daigné formuler la moindre excuse ni montré la moindre empathie pour les victimes après le cataclysme qui a déchiré notre capitale et causé la mort des centaines de personnes et mutilé des centaines d’autres, bien au contraire ils se sont mobilisés pour stopper l’enquête et dessaisir le juge Bitar sous prétexte de faute ou de vice de forme allez savoir lesquels. Ils ne faut pas baisser les bras jusqu’il soient tous jugés et enfermés pour le crime horrible qu’ils ont commis ce sera la plus belle excuse que les familles auraient jamais reçues.
Sissi zayyat
18 h 55, le 13 septembre 2022