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Moyen-Orient - Syrie

10 ans après, le massacre de Daraya éclairé par la première enquête détaillée

Le groupe de plaidoyer Syrian British Consortium (SBC) a livré jeudi le premier rapport complet sur l’une des campagnes militaires les plus atroces perpétrées par le régime Assad du 20 au 26 août 2012 dans cette ville située aux portes de Damas.

10 ans après, le massacre de Daraya éclairé par la première enquête détaillée

Des habitants au milieu des ruines de Daraya, dans le sud-ouest de la Syrie, en mai 2016. Photo d’archives AFP

C’est le fruit d’une investigation de plus de deux ans menée entre février 2020 et mai 2022 par un groupe d’enquêteurs syriens ou d’origine syrienne, soutenus par le groupe de plaidoyer Syrian British Consortium (SBC). Dix ans après les faits, ils livrent le premier rapport complet sur le massacre de Daraya, resté à ce jour largement non documenté à l’échelle internationale.

Ce mois d’août 2012, le régime de Bachar el-Assad commet pourtant ce qui était considéré à l’époque comme la pire atrocité du conflit syrien. À Daraya, une banlieue du sud-ouest de Damas, la population avait déjà payé le prix de son insoumission. Quelques semaines après le début du soulèvement populaire contre le pouvoir syrien à Deraa (extrême sud-ouest), en mars 2011, le vent de liberté gagne Daraya qui organise à son tour des manifestations. Emprisonnés, torturés et tués par centaines, les civils refusent de répondre par la violence et s’érigent en symbole de la contestation pacifique. Armés de seuls rameaux d’olivier, ils défilent dans les rues à coups de slogans, tels que « Silmiyé, silmiyé (Pacifique, pacifique). » Près d’un an et demi plus tard, tandis que l’armée régulière syrienne cherche à reprendre les zones prises par les rebelles et mater toute opposition aux abords de la capitale, les habitants de Daraya sont livrés, du 20 au 26 août, à des crimes presque sans égaux pour l’époque.

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Les faits sont glaçants. Le 24 août, après plusieurs jours de bombardements quotidiens sur la ville, les forces loyalistes font du porte-à-porte, tuant et capturant des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. En l’espace d’une semaine, plus de 700 personnes auraient été tuées, selon les estimations rapportées par le SBC. Parmi elles, 514 victimes auraient été identifiées à ce jour, dont au moins 36 femmes et 63 enfants. 153 résidents auraient en outre été capturés et au moins 86 mâles portés disparus, dont 5 enfants. Pour mener à bien son enquête, le SBC a retrouvé des survivants et des témoins basés dans le monde entier, certains livrant leur récit pour la première fois. Vingt-trois personnes âgées entre 29 et 75 ans ont ainsi été entendues dans l’espoir que leurs propos serviront un jour à poursuivre en justice les responsables.

Souvenir traumatisant

S’ils sont le fait des membres du régime de Bachar el-Assad, qui avait argué qu’il s’agissait d’une opération antiterroriste, les crimes perpétrés impliquent également le Hezbollah et d’autres milices pro-iraniennes, selon les preuves récoltées par les enquêteurs. Bien qu’elles se soient multipliées au cours de la décennie ayant suivi les faits, les atrocités commises par le régime syrien pendant ce mois d’août continuent de hanter la mémoire des habitants. L’un d’eux, qui travaillait à l’époque de l’attaque comme infirmier, se rappelle de scènes macabres qui ont suivi la campagne de bombardements menée par les forces loyalistes du 20 au 24 août. Débordant de blessés, en majorité des civils, parmi lesquels des enfants, les hôpitaux voyaient arriver des corps mutilés, avec parfois des membres entiers sectionnés. « Le sol de l’hôpital, qui était blanc, est devenu entièrement rouge à cause du sang. Nous avons essayé de passer une petite serpillière juste pour enlever la couleur rouge, témoigne-t-il sous couvert d’anonymat. Je passais devant les corps qui jonchaient le sol de l’hôpital pour voir si quelqu’un était vivant ou s’il y avait quelqu’un de ma famille. »

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Le 24 août, après plusieurs jours de pilonnage indiscriminé de zones résidentielles, les membres de l’armée régulière et ses forces affiliées entrent dans la ville à pied. Jusqu’au 26 août, elles y commettent des exactions extrajudiciaires, laissant un souvenir encore plus traumatisant dans la mémoire des habitants que les bombardements des jours précédents. « Les bombardements ont été plus cléments que les exécutions par le régime, confie un autre témoin sous couvert d’anonymat. C’était comme si les roquettes qui n’avaient pas explosé avaient plus de pitié pour les habitants de Daraya que le régime. »

Ruelle sans issue

Les heures suivantes sont synonymes du pire. Alors que les bombardements se font de plus en plus rare ce 25 août, des civils tentent de fuir Daraya pour Damas. C’est là, à un carrefour où un poste de contrôle gouvernemental a été érigé, que l’un des plus grands nombres de victimes du massacre est exécuté. L’un des témoins a rapporté aux enquêteurs les propos d’un survivant qui était présent sur les lieux, Sami Mourad. Ce dernier lui explique que lui et un autre homme avaient essayé de quitter la ville, mais que l’armée leur avait demandé de s’arrêter et de garer leurs voitures près d’une allée sans issue. « Ils disaient : “À qui appartient cette Volvo ? Qui sont les passagers avec vous ?” La personne répondait : “Ma femme et mes enfants.” “Venez avec nous.” Puis ils les emmenaient dans la ruelle sans issue », rapporte le témoin. Sami réalise que le nombre de familles fouillées ne cesse de diminuer et que les voitures ne bougent pas. Il raconte qu’il pouvait entendre le bruit des tirs et des cris, suivi d’un silence, avant que les soldats ne passent à une autre voiture, et ainsi de suite. « Sami s’est rapproché et a vu que des personnes étaient allongées sur le sol. Il s’est avéré qu’ils prenaient les gens, volaient les biens qu’ils avaient sur eux, comme de l’or, puis les abattaient », relate encore le témoin.

À l’issue du massacre, les témoins et survivants interrogés décrivent Daraya comme une ville fantôme. Certains d’entre eux ont confié qu’ils pouvaient sentir l’odeur du sang et de la mort partout, et qu’elle les avait accompagnés des mois durant. Des scènes décrites comme « apocalyptiques » et qui, comme l’espèrent les personnes interrogées, serviront aux enquêteurs de l’ONU ainsi qu’à d’autres groupes juridiques. « En dépit de leur déception à l’égard du système international, les témoins ont fourni leurs témoignages, relatant les crimes odieux commis à Daraya par leur propre gouvernement, convaincus que leur histoire – la vraie – n’est pas seulement digne d’être documentée, mais pourrait un jour paver la voie à la justice », indique le SBC. Si les tentatives du Conseil de sécurité de l’ONU de poursuivre en justice le régime Assad devant la Cour pénale internationale se sont heurtées aux veto russe et chinois, un tribunal allemand a récemment condamné, grâce au principe de compétence universelle, un officier syrien à la perpétuité pour crimes contre l’humanité.

C’est le fruit d’une investigation de plus de deux ans menée entre février 2020 et mai 2022 par un groupe d’enquêteurs syriens ou d’origine syrienne, soutenus par le groupe de plaidoyer Syrian British Consortium (SBC). Dix ans après les faits, ils livrent le premier rapport complet sur le massacre de Daraya, resté à ce jour largement non documenté à l’échelle internationale. Ce...

commentaires (3)

Le hezb n'était pas présent à daraya en 2012. Daesh a été créé par les occidentaux ( comme pour Al qaida) et détruit par les russes et leur allié. Les enquêtes occidentales sont fausses et mensongères mais sa n'étonne pas car la guerre ( et non rébellion interne syrienne) a été préparée pensée et dirigée par ces derniers dans le but de remodeler a leur goût le moyen orient comme ils ont essayé de le faire en attaquant l'Irak.

kassem chady

23 h 14, le 28 août 2022

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Commentaires (3)

  • Le hezb n'était pas présent à daraya en 2012. Daesh a été créé par les occidentaux ( comme pour Al qaida) et détruit par les russes et leur allié. Les enquêtes occidentales sont fausses et mensongères mais sa n'étonne pas car la guerre ( et non rébellion interne syrienne) a été préparée pensée et dirigée par ces derniers dans le but de remodeler a leur goût le moyen orient comme ils ont essayé de le faire en attaquant l'Irak.

    kassem chady

    23 h 14, le 28 août 2022

  • Ce n’est pas uniquement le régime des Assad qui est responsable des crimes de guerre contre le peuple syrien, mais également le Hezbollah et les milices pro-iraniennes, donc en deux mots toute l’entité néo-safavide. Le Hezbollah a fait en Syrie ce que l’Irgoun et la Haganah ont fait en Terre Sainte. Et il continue à nous faire croire que sans lui Daëch serait à Jounieh ? Ce sont les occidentaux et les Forces Démocratiques Syriennes qui ont supporté l’essentiel de l’effort de guerre contre Daëch alors que les néo-safavides avec l’aide indispensable des russes se sont surtout attaqués aux honnêtes citoyens syriens ayant pris les armes contre leurs oppresseurs. Sans les bombardements occidentaux en Syrie et en Iraq le Hezbollah serait embourbé dans la guerre contre Daëch, ou sinon aurait fait perdurer le pacte tacite de non-agression initié en 2013, époque où Daëch s’attaquait aux « rebelles » syriens et fichait une paix royale au régime des Assad et au Hezbollah à qui il vendait même du pétrole.. N’oublions pas que le même Hezbollah leur rendit la pareille en 2017 en leur offrant avec le régime des Assad des bus climatisés pour quitter le Liban suite à l’opération de l’armée libanaise « aube des jurds ».

    Citoyen libanais

    15 h 23, le 28 août 2022

  • SYRIAN BRITISH CONSORTIUM (SBC). SYRIENS OU D’ORIGINE SYRIENNE : : Merci pour une enquête sur les massacres perpétrés par les Américains à Raqqa (SYRIE ) . Merci d'expliquer la présence illégale des Anglais et Français EN SYRIE ! le vol continu du PÉTROLE SYRIEN par ce consortium Américano/Anglais/ Français ! Comment justifier que les champs de blé ( SYRIEN ) soient brulés par les Américains….et ,et. Par respect aux ORIGINES de ce groupe d’enquêteurs, il vaut mieux appeler ce consortium : BRITISH CONSORTIUM.

    aliosha

    08 h 48, le 27 août 2022

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