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Culture - Quoi qu’on en lise

L’espion qui voulait rentrer chez lui

Dans « Robert De Niro, le Mossad et moi » (éditions de l’Antilope), l’écrivaine Paule Darmon raconte l’histoire de Dora Bessis prête à tout pour monter un film sur l’espion du Mossad Eli Cohen.

L’espion qui voulait rentrer chez lui

Paule Darmon, une écrivaine qui ne mâche pas ses mots. DR

Loin de moi l’envie de faire l’apologie d’un espion israélien, je les entends déjà, les ayatollahs de la morale et de la censure (les deux vont souvent de pair), et à eux, je répondrai ce que la narratrice du roman Robert De Niro, le Mossad et moi écrit alors qu’elle est coincée dans un dîner avec des amis marocains : « Allez expliquer à des gauchistes marocains le génie et l’ambiguïté d’un espion né à Alexandrie, émigré en Israël, formé en Argentine et pendu à Damas. Allez leur faire comprendre que je me fiche du sionisme et des Palestiniens. Mais Eli Cohen, ce juif arabe, forcé par le plus pendable des tours de l’histoire à choisir son camp, n’avait rien trouvé de mieux que de devenir arabe pour être vraiment juif. »

Dans Robert De Niro, le Mossad et moi, notre espion, c’est donc Eli Cohen, l’espion du Mossad qui, dans les années 1960, a infiltré les plus hautes sphères du pouvoir syrien et a fini pendu sur la place des Martyrs à Damas. On peut d’ailleurs retrouver un extrait de la vidéo de sa pendaison sur la page Facebook intitulée : SyrianArtTreasures. Eli Cohen est né en 1924 à Alexandrie, sa famille quitte l’Égypte en 1949 pour Israël. Lui reste, il est impliqué dans le mouvement sioniste d’Alexandrie et participe à diverses actions clandestines. Il rejoint Israël en 1957 à la suite de l’expulsion des juifs d’Égypte et la confiscation des biens juifs décidée par le gouvernement égyptien, après la crise de Suez. Ici commence le roman, sur le port de Haïfa où, à peine un pied en Israël, Eli Cohen veut déjà repartir. Il annonce à l’officier qui le questionne sur son identité : « Moi, Eliyahou Ben-Shaoul Cohen, né le 26 décembre 1924 à Alexandrie, suis volontaire pour tout pays arabe à l’exception de l’Égypte. Je veux rentrer au Mossad. »

Quelques années plus tard, Eli Cohen devient « Kamal Amin Sabet, né de parents syriens le 6 janvier 1930 à Beyrouth, arrivé en Argentine à l’âge de dix-sept ans après une enfance et une adolescence à Alexandrie ». Eli ou Kamal (on ne sait plus) est envoyé en Argentine pour parfaire son personnage et infiltrer le milieu des émigrés syriens. Par la suite, sur la route qui le mène en Syrie réaliser sa mission, il doit passer par l’Égypte et ces quelques lignes expriment toute l’ambiguïté de l’homme : « En dépit du risque qu’il encourt d’y être reconnu, Eli ne résiste pas à son désir de marcher une dernière fois dans sa ville, dans son quartier. Suivant un itinéraire connu de toute éternité, il passe devant son immeuble, devant son école primaire, devant les cafés, va jusqu’à s’arrêter devant la vitrine du magasin de cravates de son père. »

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Pour raconter la vie de l’espion, il y a Dora Bessis, une scénariste d’origine juive marocaine qui cherche dans les années 80 à monter un film sur lui. Dans le rôle du personnage principal, elle ne voit qu’un homme, la star de l’époque : Robert De Niro et elle est prête à tout pour lui faire lire son scénario. Dora Bessis me rappelle le personnage d’Harry Morgan dans En avoir ou pas d’Ernest Hemingway tout comme Paule Darmon m’évoque Hemingway version femme, juive et marocaine. Paule Darmon y va, elle raconte, elle balance, elle ne mâche pas ses mots et que l’on soit d’accord ou non avec ce qu’elle fait dire à sa narratrice Dora, elle a le mérite de le dire et ce franc-parler fait du bien. Dans ce livre, vous trouverez tout ce qu’il n’y avait pas dans la série The Spy coproduite par Netflix et Canal+ : les nuances et les subtilités, en somme l’humour et l’intelligence. Ma compagne Alma qui m’a observé lire ce livre m’a dit : « Tu dois vraiment l’aimer ce livre, c’est rare que tu restes aussi concentré » et il est vrai que je ne l'ai pas lâché, je l’ai lu d’une traite et j’en redemandais encore.

« Robert De Niro, Le Mossad et moi » de Paule Darmon, Les éditions de l’Antilope.

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Écrivain, journaliste, photographe et commissaire d’exposition, Sabyl Ghoussoub a sorti le 24 août 2022 son troisième roman « Beyrouth-sur-Seine » aux éditions Stock. Il est auparavant l’auteur de deux autres romans aux éditions de l’Antilope : « Le nez juif » et « Beyrouth entre parenthèses ».

Loin de moi l’envie de faire l’apologie d’un espion israélien, je les entends déjà, les ayatollahs de la morale et de la censure (les deux vont souvent de pair), et à eux, je répondrai ce que la narratrice du roman Robert De Niro, le Mossad et moi écrit alors qu’elle est coincée dans un dîner avec des amis marocains : « Allez expliquer à des gauchistes marocains le...

commentaires (1)

...." Mais Eli Cohen, ce juif arabe....n’avait rien trouvé de mieux que de devenir arabe pour être vraiment juif. » Bien dit. C est leur histoire au deux.

Marie Claude

07 h 51, le 25 août 2022

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Commentaires (1)

  • ...." Mais Eli Cohen, ce juif arabe....n’avait rien trouvé de mieux que de devenir arabe pour être vraiment juif. » Bien dit. C est leur histoire au deux.

    Marie Claude

    07 h 51, le 25 août 2022

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