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Nos Lecteurs ont la Parole

Protection des droits LGBTQ : protection des droits de l’homme

Depuis longtemps, la communauté LGBTQ libanaise avait été l’une des communautés les plus carillonnantes et les plus extroverties du Moyen-Orient. Aujourd’hui, elle représente une cible de répression dont les militants homosexuels ont été harcelés et les rassemblements Pride annulés. Cette annulation résulte non seulement d’une vague assourdissante d’oppressions au niveau régional, mais reflète aussi parfaitement l’extrémisme religieux enraciné immuablement dans les traits archaïques du pays.

En juillet 2018, une cour d’appel libanaise a rendu une décision révolutionnaire statuant que le comportement sexuel entre personnes de même sexe n’est pas illégal et a ainsi abandonné les poursuites en vertu de l’article 534 du code pénal, criminalisant « tous les rapports sexuels contre nature ». Pourtant, malgré cette décision, les arrestations aléatoires et les raids continuent envers la communauté sur la base de ce même article ; mais aussi la résistance des parlementaires continue envers l’amendement de ce même article.

Une décision à fins multiples

Le 25 juin 2022, le ministre de l’Intérieur libanais publie une « décision » interdisant tout rassemblement public LGBTQ. Cette décision privative de droit intervient à un moment inconvenable, où les priorités de la population libanaise demeurent dans l’accès des principaux droits et besoins fondamentaux, au moment où toute confiance est perdue en l’État et en la justice. Les Forces de sécurité intérieure avaient tenté de justifier leur décision en affirmant que les organisateurs du rassemblement public « n’avaient pas obtenu l’approbation préalable des autorités », et ce en citant la loi ottomane sur les réunions publiques de 1911. Or cette loi ne s’applique qu’aux réunions publiques, d’où on peut dire la justification de la décision des forces de sécurité contrevient aux orientations internationales sur la liberté de réunion, qui n’exigent pas de notification préalable puisque l’impact de la réunion peut être minime.

La communauté LGBTQ victime du détournement de l’attention de la société libanaise de la dégradation du pays

Ce revers prend place dans une répression plus large des groupes marginalisés et des libertés, qui vise à détourner l’attention de la société libanaise de la spirale de la crise économique et financière au Liban, qui a plongé plus des trois quarts de la population dans la pauvreté et les pénuries de nécessités, et a forcé des dizaines de milliers à quitter le pays recherchant les opportunités à l’étranger. Il est évident que le ministère de l’Intérieur profitant de cette situation, de l’impunité perforant le pays, et de l’appui des dirigeants religieux, sème la confusion autour de questions problématiques au Liban, comme le mariage civil, les droits des femmes, l’accès à l’éducation, le droit à l’expression, et beaucoup d’autres.

Le mariage civil, si proche, mais aussi si loin

Opter pour un mariage civil serait une étape primordiale dans la limitation du pouvoir des autorités religieuses, même si ces dernières le réfutent catégoriquement. Débattu au Parlement depuis les années 1950, le projet de loi introduisant le mariage civil a fait face à de nombreuses controverses nationales. Mais suite aux élections législatives de mai 2022, les législateurs sunnites récemment élus se sont prononcés en faveur du projet de loi, provoquant l’opposition radicale d’un certain nombre de chefs religieux, chrétiens et musulmans. Aujourd’hui, suite aux derniers évènements, le mariage civil est amené à être considéré comme ouverture de la voie aux unions homosexuelles. Cette tentative de reproche du mariage civil s’est concrétisée, le 2 juillet 2022, par une manifestation populaire contre les « manifestations pro-LGBTQ » organisée au centre de Tripoli, lancée la veille par un imam de la ville.

L’ouverture de la boîte de la haine et de l’homophobie

On ne peut considérer que ces incidents ne sont que coïncidence. Ces évènements sont clairement une attaque agressive, coordonnée, extrémiste, bien financée, et conçue pour répondre aux inquiétudes locales et régionales concernant les demandes accrues de libertés individuelles. Ils s’alignent parfaitement à la montée terrifiante mondiale des attaques et reproches conservatrices de droite discriminatoire à l’égard des femmes, des homosexuels, des journalistes et de tout groupe réclamant des droits civils et politiques. En effet, la décision du ministère a été suivie par une vague de discours de haine d’individus et de certains groupes religieux contre les personnes LGBT sur les réseaux sociaux, ainsi que par des incitations à la violence, des menaces de mort et des appels à interdire par la force les événements prévus pro-LGBT. Plusieurs parlementaires ont aussi participé à cette vague en dénonçant dans leurs déclarations la « promotion de l’homosexualité ». Les militants des LGBTQ ayant organisé une marche pacifique le 26 juin 2022 pour dénoncer l’interdiction des évènements pro-LGBT ont déclaré avoir indéfiniment reporté la manifestation en raison des menaces violentes et la crainte permanente que les Forces de sécurité intérieure ne les protègent pas.

Malgré tout…

Cette décision est un recul considérable de la position des autorités libanaises devant les Nations unies, notamment lors des examens liés au bilan du Liban en matière de droits de l’homme devant divers mécanismes contractuels et non contractuels et lors de l’examen périodique universel. Il est nécessaire que le ministre de l’Intérieur annule la décision et il serait temps que le gouvernement libanais se concentre plutôt sur les questions les plus urgentes concernant le pays, comme l’investigation autour de l’explosion du port de Beyrouth.

Malgré le fait que la lutte est longue, les étapes franchies jusqu’à présent sont certainement importantes.‎ Les mentalités changent, les lois ne sont pas ‎statiques… Les revendications continueront, car les personnes LGBTQ sont résidentes et citoyennes de ce pays. Limiter cette revendication ne fera que paralyser la lutte continue pour assurer tous les droits de l’homme, la liberté d’expression, criminaliser la violence à l’égard des femmes, demander la justice pour les travailleurs migrants, ainsi que d’autre victimes.

Être militant des droits de l’homme, c’est être militant de tous les droits de l’homme conçus comme un ensemble, un « package » complet et qui se complète, et dont on ne peut sélectionner un et omettre d’autres, ou prioritiser l’un sur les autres.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Depuis longtemps, la communauté LGBTQ libanaise avait été l’une des communautés les plus carillonnantes et les plus extroverties du Moyen-Orient. Aujourd’hui, elle représente une cible de répression dont les militants homosexuels ont été harcelés et les rassemblements Pride annulés. Cette annulation résulte non seulement d’une vague assourdissante d’oppressions au...

commentaires (1)

Personne ne nie les droits de l'homme de la communaute LGBTQ, mais un peu plus de discretion ferait mieux leur affaire.Ca reste quand meme une attitude offensive, qui gagnerait a montrer plus de modestie.

SATURNE

14 h 53, le 28 juillet 2022

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Commentaires (1)

  • Personne ne nie les droits de l'homme de la communaute LGBTQ, mais un peu plus de discretion ferait mieux leur affaire.Ca reste quand meme une attitude offensive, qui gagnerait a montrer plus de modestie.

    SATURNE

    14 h 53, le 28 juillet 2022

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