Peu de temps avant que la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, et des agents de la Sécurité de l’État ne débarquent mardi à la Banque du Liban pour tenter d’en appréhender le gouverneur Riad Salamé, dans le cadre d’une enquête pour des faits de corruption, l’institution venait d’annoncer dans un communiqué une mesure qui était en gestation depuis plusieurs semaines selon les milieux bancaires. Il s’agit de la disparition complète des paiements par carte en dollars bancaires ou « lollars » et la généralisation de ceux effectués en dollars « frais ».
Bien qu’annoncée dans le communiqué, la circulaire concernée n’avait toujours pas été diffusée mardi soir, probablement en raison de la grève décrétée par le syndicat des employés de la Banque centrale pour protester contre la démarche de la procureure à l’encontre du gouverneur. Mais selon une source à la BDL, la mesure est bien actée et le texte devrait être rapidement disponible.
Encourager les paiements par carte
Les dollars bancaires sont ceux qui sont bloqués dans les banques libanaises par les restrictions mises en place unilatéralement par le secteur depuis le début de la crise. Ils ne peuvent pas être transférés à l’étranger et ne peuvent être retirés en espèces qu’en livres à un taux fixe de 8 000 livres pour un dollar, soit bien inférieur à celui du marché des changes (environ 30 000 livres, mardi). En revanche, l’expression « dollars frais » désigne les « vrais » dollars, déposés en espèces ou transférés depuis l’étranger sur des comptes spéciaux protégés par une circulaire de la BDL (n° 150 du 9 avril 2020). La mise en place de cette distinction peu orthodoxe sur le plan financier est un artifice qui a permis aux banques, qui subissent une crise de confiance et de liquidités en devises depuis 2019, d’échapper à leur obligation contractuelle de restituer les dépôts dans leur monnaie d’origine. La mesure a été contestée avec plus ou moins de succès par des déposants mécontents au Liban comme à l’étranger.
Le fait que les « lollars » ne puissent pas être librement utilisés – les plafonds mensuels de conversion à 8 000 livres et de retrait imposés par les banques sont assez limités – a poussé la majorité des commerces à accepter les paiements par carte bancaire en devises bloquées. Les paiements par carte en livres ont également été boudés par les commerçants, dans la mesure où la BDL a également cherché à limiter les plafonds de retraits depuis fin 2020, afin de tenter de contrôler la circulation de la masse monétaire en livre, en hausse exponentielle depuis le début de la crise.
Dans son communiqué mardi, la Banque du Liban a annoncé vouloir « encourager » l’utilisation des cartes bancaires rattachées à des comptes en dollars « frais » sur le territoire. L’effet principal de la nouvelle circulaire consistera ainsi à généraliser l’utilisation des cartes « fresh » via tous les terminaux de paiements par carte sur le territoire, et ce à partir du 25 juillet et sans modifier les commissions applicables par les banques, qui varient d’une enseigne à l’autre. « Il n’est pas impossible que les banques amendent ces commissions dans les jours à venir en faisant valoir la nécessité de financer les frais générés par les transactions », craint un banquier s’exprimant sous couvert d’anonymat.
L’exécution des transactions liées aux paiements par carte « fresh » sera assurée par les sociétés de cartes bancaires Visa et Mastercard, via les comptes des banques libanaises ouverts auprès de leur banques correspondantes à l’étranger. Une subtilité probablement liée à la coexistence des dollars frais et des dollars bancaires dans le système bancaire libanais sur les plans technique et comptable. La BDL assure aussi que les montants réglés par carte « fresh » seront transférés au commerçant qui les reçoit en tant que dollars frais.
Si elle n’indique pas clairement que les paiements par carte en « lollars » seront définitivement stoppés, la BDL semble le reconnaître indirectement en annonçant qu’il sera toujours possible de retirer ces devises bloquées en livres aux conditions de la circulaire n° 151 (celle qui prévoit les retraits à 8 000 livres pour un dollar). En l’absence de plus de détails, il faudra attendre la diffusion de la circulaire pour pouvoir évaluer toutes les subtilités de cette nouvelle mesure.
La BDL a conclu son communiqué en indiquant qu’elle travaillait aussi sur un « nouveau mécanisme » pour encourager les paiements par cartes en livres, sans pour autant fournir d’autres détails. Ce chantier sera probablement scruté avec attention par les supermarchés qui ont décidé en mars de limiter les paiements par carte à 50 % des montants de la facture, le reste étant exigé en espèces. Certaines enseignes ont été plus loin en réduisant encore plus la proportion payable par carte.
"les réfugiés syriens" (et toujours chez nous depuis 2011) seront contents alors, ils ont du fresh dollars des UN !!
07 h 31, le 20 juillet 2022