
Selon une source entrepreneuriale, les sociétés qui acceptaient encore les paiements par carte en « lollars » ont été récemment notifiées de cette décision. Photo d’illustration Bigstock
Deux sources bancaires et un chef d’entreprise possédant plusieurs points de vente dans le pays ont confirmé à L’Orient-Le Jour les informations circulant hier sur des groupes de messagerie instantanées selon lesquelles les paiements par carte bancaire en dollars bancaires ou « lollars » allaient être définitivement arrêtés. Ces termes désignent les devises bloquées dans le système bancaire par les restrictions unilatéralement mises en place par les banques dès les premiers mois de la crise en 2019. Les paiements en dollars ne pourront plus se faire que via les cartes liées à des comptes de « fonds frais », devises non soumises à restrictions.
Selon une des sources bancaires contactées, la Banque du Liban aurait pris cette décision pour répondre à une demande des sociétés gérant les solutions de paiement au Liban, qui auraient mis en avant la « faiblesse des volumes » de transactions par cartes provisionnées par des dollars bancaires. La décision aurait été prise il y a environ une semaine, mais aucune circulaire n’a pour l’instant été publiée par la banque centrale, dont le service de presse n’était pas joignable hier en fin d’après-midi. Selon la source entrepreneuriale, les sociétés qui acceptaient encore les paiements par carte en « lollars » ont été récemment notifiées de cette décision.
« L’opérateur avec qui je travaille a arrêté de traiter les paiements en lollars hier dans mes points de vente, mais je ne sais pas si la situation est généralisée. D’autres banques nous ont notifiés de cette décision dans la journée. C’est assez dommage, parce que nous acceptions encore ce moyen de paiement privilégié par les personnes qui avaient des devises coincées par les restrictions bancaires », a-t-il ajouté. Il craint que cette mesure n’ait pour effet de doper encore plus l’inflation, dans la mesure où les titulaires de ces devises bloquées n’auront d’autre choix légal que de les retirer en livres au taux de 8 000 livres pour un dollar imposé par la BDL via la circulaire n° 151. Une fois convertis en livres, ces montants peuvent être retirés soit dans cette même monnaie, soit en dollars au taux de la plateforme Sayrafa à 25 400 livres pour un dollar hier, contre près de 30 000 livres sur le marché libre.
Autre option : échanger des chèques de lollars contre des espèces sur le marché informel qui s’est créé en subissant une violente décote au passage (de l’ordre de 87 % actuellement, contre environ 25 % pour les chèques en livres, selon les informations circulant parmi les groupes d’initiés). « Avec la suspension des paiements par carte en lollars, ces taux d’escompte vont encore augmenter », craint le chef d’entreprise.
Depuis le début de la crise mi-2019, la Banque du Liban a de plus en plus réduit les plafonds de retrait et de paiement par carte, que ce soit en « lollars » ou par la suite en livres, et ce dans le but de réduire l’inflation galopante (211,43 % en mai).
Voici une banque libanaise qui reçoit de ses clients déposants des dollars américains. Sachant que l'ensemble de ses clients ne réclamera pas l'ensemble de ces fonds au même instant (convention de prêt etc), ledit banquier peut à son tour consentir des prêts libellés dollars américains, par exempleà l'état, mais au delà de ses dépôts. Ce faisant, il crée une masse monétaire nouvelle, le dollars américain libanais. Imaginons que ledit état débiteur n'honore plus ses remboursements, que valent ces dollars américains libanais issus de cette création monétaire ?
21 h 35, le 11 juillet 2022