N comme nature. D’où vous vient cette passion pour la nature qui transparaît dans toutes vos œuvres ?
De mon enfance durant la guerre. Les escapades dans la nature éveillaient mon imaginaire et me donnaient de la joie. Aussi, par la suite, à chaque étape, chaque tournant ou recommencement dans ma vie, j’y ai puisé de la sagesse, de la simplicité, la joie d’exister et la force de vie… La nature est mon sanctuaire.
À comme arbres. Ils envahissent vos toiles. Les pins, en particulier, que vous arrivez presque à humaniser. Parlez-nous de votre connexion avec ces arbres.
J’étais une enfant solitaire et décalée par rapport aux différents milieux de vie dans lesquels j’ai évolué. Alors, les arbres étaient mes amis. J’y grimpais, j’y passais du temps, je leur parlais. J’aimais regarder le ciel à travers leurs branches. Ils sont pour moi le symbole de ce que j’aimerais être : enracinée et la tête dans le ciel.
D comme don… pour le dessin. Quand en avez-vous véritablement pris conscience ?
J’ai toujours dessiné, peint, bricolé. Je créais des mondes imaginaires dans lesquels je rêvais de vivre. Je m’y échappais de la réalité de la guerre. La conscience du don, je ne l’ai pas. Ce sont mes dessins qui parfois me donnent une énergie qui m’élève et me surprend. Je dessine parce que c’est ce que je sais faire pour exprimer des émotions, des idées que j’ai envie de partager.
A comme âme, amour et art. Comment les classeriez-vous dans votre vie ?
A comme l’amour qui sous-tend tout le créé. La magie qu’il y a entre la fleur et l’arbre, le nuage et la fourmi, le soleil et moi. Cette force d’amour et de vie me pousse en avant quoi qu’il en coûte. Elle me fait aussi découvrir mon âme, l’archétype de la femme que je suis, la part sauvage qui est en moi, câblée à la terre, à la création.
Quant à l’art, il est précurseur de l’évolution d’une société. Souvent, ce que l’on ne peut pas dire avec des mots ou même des écrits, on peut le dire à travers l’art. Sans l’art, nos sociétés seraient sclérosées.
M comme maman. Vous êtes à la tête d’une famille nombreuse. En quoi la maternité influence-t-elle votre art ?
La maternité, c’est la création par excellence. Elle fait partie de mon être et de ma vie. Et en ce sens, elle influence sûrement mon art sans que je ne m’en rende compte nécessairement. J’ai d’ailleurs beaucoup dessiné mes sept enfants, émerveillée que je suis par l’univers nouveau que chacun d’eux m’offre. Et particulièrement ma petite dernière, atteinte de trisomie 21, qui est pure nature.
A comme albums jeunesse. Parallèlement à votre travail purement artistique, vous signez aussi des livres illustrés pour jeunes lecteurs. Qu’est-ce qui vous y a amenée ?
Tout simplement le besoin et l’envie de raconter aux enfants des choses importantes de la vie, quitte à me mettre à nu pour partager mes histoires. Dans un premier album, j’ai évoqué la peur face à la différence. Cet album, Petite Pépite (éd. MeMo), a remporté le prix Sorcières en 2017. Ça m’a encouragée. Du coup, j’en ai produit deux autres, Batistou et Dans le cœur, qui, justement, me tient beaucoup à cœur parce que j’y raconte la guerre à hauteur d’enfants. Les émotions que l’on peut y vivre et qui sont communes à ceux qui les subissent de tout bord. Car on n’a peut-être pas une histoire commune, mais on a eu des émotions communes.
T comme tracé à l’encre. Pourquoi avez-vous privilégié cette technique artistique à toutes les autres ?
L’encre de Chine et le papier de coton sont les supports qui recueillent le mieux ma sensibilité. Et l’eau ! Car je travaille avec beaucoup d’eau. J’arrive à m’exprimer sur le papier, ça me ressemble. C’est vivant, ça bouge, ça s’étire, ça gonfle, ça infuse… J’aime la finesse du trait que fait mon pinceau en poil de moustaches de loup ou de sanglier. Ça me fait sourire.
T comme tout commence par… ?
Tout commence par une ouverture. L’ouverture qui mène à la rencontre, qui mène au plaisir, qui mène à la liberté, qui mène à la vie. Quand je crée, je me connecte à ce qu’il y a de plus profond en moi.
J’ai d’abord une idée, puis je marque mes contours et je travaille un peu comme je ressens la vie. Certains détails sont très contrôlés au moins dans l’intention. Puis il y a toujours la part de surprise que j’adore et que j’attends. Le jeu est de transformer les coulures, les taches, en quelque chose de beau. Souvent, je dois changer de direction, aller là où je ne pensais pas aller.
A comme abstraction. Envisagez-vous un jour d’en prendre le chemin ?
Je ne sais pas. Je ne prévois pas. Car je dessine selon les circonstances que je vis, les émotions que je ressens, les choses que j’ai envie de dire… On verra bien.
« Free Hatchlings », de Nada Matta, chez ArtScoops (Kantari, rue du Mexique, immeuble Mina, 3e étage), jusqu’au 14 juillet, du lundi au vendredi, de 11h à 17h. La visite peut se faire également en ligne sur ArtScoops. com
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