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Lifestyle - Art de vivre

Léa Sfeir crée des tables avec de l’amour autour

Libanaise et française, expatriée à Dubaï, Léa Sfeir a grandi dans une famille où l’on aime honorer ses convives, tisser des conversations autour d’un repas, faire de ce repas un moment heureux. Juriste de formation, son souci de la perfection l’attire vers le monde du luxe et du savoir-faire, mais son chemin la ramène à la source : recevoir, réunir, émouvoir.

Léa Sfeir crée des tables avec de l’amour autour

Une table pour Montblanc en l’honneur de la reine Victoria et du prince Albert. Photo DR

Rien, à première vue, ne destinait Léa Sfeir à devenir cette instagrameuse invétérée, suivie par plus de 32 000 abonnés. Un nombre peut-être modeste, comparé aux millions que peuvent compter les champions et championnes de ce réseau, mais au regard des statistiques, un nombre d’or en termes d’impact et d’efficacité. Son secret ? Elle se montre telle qu’en elle-même, tout simplement : un tempérament joyeux, à fleur de peau, toujours prête à s’émerveiller, toujours reconnaissante, à la fois émotive et émouvante, francophone dans l’âme et écorchant impitoyablement l’anglais de rigueur sur Instagram tout en en riant avec une fraîche désinvolture. Maman de trois enfants en bas âge, les jumelles ayant atterri dans sa vie après plusieurs fausses couches et une grossesse à risque en pleine épidémie de Covid, ce statut qui chamboule tous les plans et dévie tous les projets sur une trajectoire d’amour est indissociable de l’art, lié au foyer, dont elle fait aujourd’hui carrière : l’art de la table et de la convivialité.

La créatrice assortit même sa tenue d’hôtesse à sa table. Photo DR

Des études de droit, un œil sur la mode

« Après mon master en droit obtenu à Assas – Paris, j’ai commencé un stage d’avocat dans un cabinet spécialisé en contrefaçon dans le monde du luxe. J’étais déjà irrésistiblement attirée par cette industrie du luxe dont le savoir-faire, l’artisanat, l’histoire, l’art de raconter des histoires, sont la définition même. Qu’il s’agisse de mode, de spiritueux, de l’art de la table, de maroquinerie, tout est viscéralement lié et défini par les mêmes codes, par le même amour du détail », nous confie celle qui à cette époque, malgré un diplôme durement acquis, se projette en attachée de presse pour une de ces grandes marques qui la font rêver. Elle se voit à Milan, elle y va, enchaîne avec un master en communication, décroche un stage chez Élie Saab à Paris. « J’ai travaillé dur pour gagner mon ticket d’entrée dans le monde du luxe », se souvient-elle : « Les horaires impossibles ? Pas de souci pour moi ! Terminer le matin à 5h en période de fashion week, pour recommencer le lendemain à 7h ? Pas de souci pour moi ! Faire les livraisons ? Pas de souci pour moi ! Servir le café aux VIP et à la presse ? Pas de souci pour moi ! » Léa Sfeir fait abstraction de toutes les contraintes pour le bonheur de vivre la frénésie des collections et des défilés dans l’éclat des paillettes et le froissement des tissus précieux.

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Une table pour Swarovski. Photo DR

Magie des souvenirs libanais

Il faut croire que, sensible à son enthousiasme en toute chose, l’univers lui-même se met à l’écoute de ses désirs. Un jour qu’elle sprinte dans un couloir, une robe d’Élie Saab sur le bras, à la rencontre d’une journaliste du Figaro, elle est happée par l’une des papesses italiennes de la communication : « Milan, ça te dit ? Un stage avec un boulot à la clé. » Léa Sfeir ne se le fait pas dire deux fois. Elle se chargera par la suite de la communication d’une foultitude de grandes marques. Un « beau métier », dit-elle, qu’il lui faudra bientôt abandonner pour suivre la carrière de son mari, de Paris à Istanbul et désormais à Dubaï. Là se réorganise une vie ancrée, entre enfants et amis, où l’art de recevoir s’infuse de la magie des souvenirs libanais. Le Covid imposant un mode de vie centré sur l’intérieur, la jeune maman renoue avec ses premières amours et s’exerce à cet art de recevoir et décorer les tables dans lequel ses premières tentatives remontent à l’adolescence. « Je me souviens que je ramenais souvent des tasses, une assiette, un bibelot de mes nombreux voyages. Ma mère, ma tante, mes grand-mères avaient un art de recevoir et une générosité hors pair. Je les observais, je questionnais, je reproduisais », confie-t-elle.

Léa Sfeir, une obsédée du détail. Photo DR

Prise à son propre jeu, elle se met à partager les photos de ses tables sur Instagram, manière d’immortaliser la scène avant le repas qui, inévitablement, va tout chambouler. Elle fait déjà partie des pionnières d’un genre qui n’est pas encore en vogue sur les réseaux sociaux où le narcissisme tient le haut du pavé. Les réactions ne se font pas attendre et son succès la surprend elle-même. Dès lors, il lui faut se montrer à la hauteur des attentes. Sa créativité en alerte, Léa Sfeir se met en quête, à travers les Émirats, de fournisseurs, d’objets insolites, de belles céramiques. Elle constate que l’offre est limitée et doit déployer des trésors de talent pour parvenir aux résultats qu’elle recherche. Deux événements vont accélérer ce qui est en train de devenir insidieusement une vraie carrière : le premier est un dîner qu’elle donne chez elle en l’honneur de son amie, Lorena Vergani Perrotin, et de son mari le marchand d’art Emmanuel Perrotin, de passage à Dubaï. Léa a promis à Lorena un repas indien. Elle fait appel à des fleuristes indiens, un chef indien, et écume son marché en quête de couleurs et de formes en rapport avec l’Inde. Les invités rivalisent de superlatifs pour dire leur admiration. Ils en ont pourtant vu d’autres. Lorena partage des photos. Pour Léa, c’est la reconnaissance, les messages pleuvent, la voie se trace, fermement.

Une table champêtre. Photo DR

Swarovski, Montblanc, l’émotion dans l’imperfection

Le second événement est un dîner promis à son amie Shourouk, célèbre créatrice de bijoux qui vient d’ouvrir un pop-up à Dubaï. Le thème s’impose de lui-même : toutes deux sont fascinées par Marie-Antoinette depuis le film que lui a consacré Sofia Coppola. « Je décide de solliciter des fournisseurs pour voir s’ils seraient d’accord pour me sponsoriser. J’appelle Ladurée et expose mon projet, envoie mon lien Instagram. On me propose de faire une sélection de gâteaux. J’appelle le fleuriste Bliss à Dubaï. À ma grande surprise, toutes les marques acceptent de me sponsoriser. Ladurée m’envoie toute ma sélection. Je dois me dépasser d’autant plus ! Ma table, mes convives, leur placement, ma tenue, rien ne doit être laissé au hasard. Et cette table et son écho furent le couronnement de mes dîners à la maison », se souvient Léa Sfeir qui, deux mois plus tard en septembre, reçoit sa première commande officielle : Swarovski lui demande de créer quatre tables pour cinquante personnes à l’occasion du lancement de la nouvelle identité de la marque sous la direction de Giovanna Englebert. Elle est même invitée à présenter son métier aux invités et répondre à leurs questions. Après des nuits blanches de réflexion et de recherches, son projet est validé tel quel.

Plus récemment, elle est sollicitée par Montblanc pour créer deux tables pour des dîners de presse et de collectionneurs en hommage aux mécènes que furent la reine Victoria et le prince Albert au XIXe siècle. Une seule consigne est donnée par le directeur de la marque de luxe allemande : ces tables doivent être « exceptionnelles ». « J’ai arpenté les rues de Londres, avec une antiquaire, à la recherche d’objets de l’ère victorienne qui pourraient raconter l’histoire de cette collection rare sur ma table. Argent massif, cristal, porcelaine bleue royale, je déniche des objets rares, qui ont traversé le temps et qui reprendront vie sur un nouveau continent. Certains sont ébréchés, d’autres ont perdu de la couleur, mais qu’y a-t-il de plus beau qu’une ride qui raconte un passé ? Pour les fleurs, j’imagine un jardin anglais », raconte Léa Sfeir qui ajoute, pensive : « À travers mes tables, je cherche à créer de l’émotion, plus qu’un dîner ou déjeuner, une expérience. Un voyage à travers l’artisanat que j’aime plus que tout mettre à l’honneur, un message en harmonie avec l’esprit et l’image de la marque ou de la personne qui reçoit. »

Rien, à première vue, ne destinait Léa Sfeir à devenir cette instagrameuse invétérée, suivie par plus de 32 000 abonnés. Un nombre peut-être modeste, comparé aux millions que peuvent compter les champions et championnes de ce réseau, mais au regard des statistiques, un nombre d’or en termes d’impact et d’efficacité. Son secret ? Elle se montre telle qu’en elle-même, tout...

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