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Lifestyle - Histoire

À la (re)découverte d’Ibiza, de Palerme, de Mozia et d’autres spots phéniciens

Comment les Phéniciens sont-ils parvenus à s’implanter sur tout le pourtour méditerranéen ? Corinne Bonnet, qui a publié, avec Élodie Guillon et Fabio Porzia, « Les Phéniciens. Une civilisation méditerranéenne » (Tallandier, 2021), propose des éléments de réponse stimulants.

À la (re)découverte d’Ibiza, de Palerme, de Mozia et d’autres spots phéniciens

« Les Phéniciens. Une civilisation méditerranéenne », coécrit par Corinne Bonnet, Élodie Guillon et Fabio Porzia (Tallandier, 2021).

Dans les rues animées de Palerme, les touristes apprécient la fraîcheur vespérale du printemps et l’euphorie qui accompagne l’heure de l’apéritif à laquelle participent des familles entières libérées des contraintes sanitaires. Les clients à peine installés aux terrasses dégustent des foccacias bien chaudes, accompagnées d’un petit verre de vin de Marsala, que les serveurs déposent d’un air entendu. Si Marsala est une référence viticole, c’est aussi l’un des nombreux comptoirs fondés par les Phéniciens, avec Palerme (alors appelée Ziz, c’est-à-dire fleur en langue phénicienne), mais aussi Sélinonte, Pantelleria, Erice, Favignana, les îles Égades… Indéniablement, les Phéniciens avaient le flair du lieu et de son potentiel, ce que la professeure d’histoire grecque à l’Université de Toulouse, Corinne Bonnet, confirme dans son dernier ouvrage publié avec deux de ses anciens étudiants : Les Phéniciens. Une civilisation méditerranéenne (Tallandier, 2021).

« Élodie Guillon est spécialisée dans le monde phénicien et punique, et Fabio Porzia est un spécialiste du monde de la Bible, précise-t-elle. En 2004, j’ai publié seule pour une maison d’édition italienne, Carocci, un premier volume sur les Phéniciens destiné aux étudiants universitaires. Une quinzaine d’années plus tard, le même éditeur m’a recontactée pour une nouvelle édition, ce que j’ai fait avec deux de mes collaborateurs, en italien et en français », explique l’historienne, qui a entrepris ses études à Liège, avant d’enseigner à Namur, Rome, Grenoble puis Toulouse.

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« C’est un ouvrage que l’on a écrit pour qu’il soit accessible au grand public, et il connaît un certain succès ; l’idée est aussi d’informer sur les trouvailles les plus récentes et les orientations de la recherche. » « Ainsi, on a longtemps présenté les Phéniciens comme un peuple de marins, mais on n’avait pas du tout exploré le fait qu’ils interviennent aussi dans les arrière-pays, que ce soit en Phénicie ou dans les régions méditerranéennes qu’ils fréquentent », explique la chercheuse, insistant sur l’intérêt de cette approche qui étudie la relation des Phéniciens au territoire et même au terroir, avec la pratique de l’agriculture par exemple. « Ainsi, dans l’île d’Ibiza, où la présence phénicienne est attestée dès le VIIe siècle avant notre ère, on a retrouvé tout un réseau de fermes qui avaient été créées au moment où les Phéniciens sont arrivés. Tout cela, on essaie de le répercuter dans le livre », précise Corinne Bonnet.

L’auteure Corinne Bonnet, professeure d’histoire grecque. Photo DR

Des statues, des quartiers artisanaux, des portes… mais pas de littérature

Les Phéniciens. Une civilisation méditerranéenne rend compte des différentes fouilles archéologiques sur toute la côte méridionale de l’Espagne où il n’est pas toujours aisé de repérer ce qui relève à proprement parler des Phéniciens et des cultures indigènes. « Des fouilles importantes sont menées en Sicile ainsi qu’à Beyrouth, notamment au port, avec tout un quartier d’habitat qui remonte à l’époque hellénistique, et qui a apporté énormément d’informations sur la manière dont ces quartiers et les ports s’organisaient dans le monde phénicien. Il y a un renouveau constant dans nos recherches, nous fouillons aussi à Chypre », constate l’universitaire, qui insiste sur la richesse des découvertes sur l’île de Mozia, dans la partie occidentale de la Sicile, près de la cité de Taprani. « Cette petite île a été très prospère grâce à ses salines. On y a trouvé des portes, des quartiers d’habitation, des quartiers artisanaux, une magnifique statue… Il y avait toute une zone qu’on pensait être un port avec une sorte de bassin. Or, des collègues italiens ont découvert à côté un très grand sanctuaire, et ils en viennent à se demander s’il ne s’agissait pas plutôt d’un bassin d’eau en lien avec le culte. Il y a eu beaucoup de fouilles en Sicile, y compris à Palerme, où l’on a retrouvé des nécropoles d’époque puniques, que l’on peut visiter aujourd’hui. La présence des Phéniciens en Sicile, en Sardaigne ou même à Malte est très sensible et très visible, remarque l’historienne qui rappelle que le problème, lorsque l’on travaille sur les Phéniciens, c’est que l’on peut se fonder sur des éléments archéologiques, mais pas sur leur littérature. » « Les Phéniciens ont transmis l’alphabet aux Grecs, mais nous n’avons pas conservé de littérature phénicienne. Il y avait certainement des archives, des chroniques. Tout ce qui a trait à l’expansion des Phéniciens, on le connaît par des sources grecques ou latines, et il faut faire un peu le tri… Les Grecs n’ont pas toujours des informations de première main, parfois ce sont des traditions », met en garde l’historienne.

« Ces sortes d’ancêtres dans lesquels les Libanais aiment se reconnaître »

Il semblerait que les Phéniciens aient eu une prédilection pour les zones situées entre terre et mer. « Ils choisissaient volontiers, comme Mozia, de petites îles à distance du continent, des promontoires, des caps. On les trouve implantés aussi à Palerme ou à Erice, une sorte de montagne qui surplombe la mer. Ils ne s’aventuraient pas trop à l’intérieur des terres, en tout cas en Sicile ; ils s’installaient avant tout sur le pourtour de l’île, sur les rivages », précise l’universitaire, dont l’ouvrage permet de mieux comprendre les liens entre les Phéniciens et les populations autochtones, en Sicile notamment. « C’est plutôt la culture matérielle qui nous informe. Il y a certainement eu des endroits où ces différentes populations cohabitaient et donc s’influençaient mutuellement. Les relations ont été moins pacifiques avec les Grecs et, à partir du Ve siècle, il y aura des affrontements et des guerres à répétition jusqu’à la première guerre punique, lorsque Carthage perd le contrôle de la Sicile qui passe sous contrôle romain », relate Corinne Bonnet, soulignant la dimension fascinante et mystérieuse de la civilisation phénicienne. « C’est certainement lié au legs que les Phéniciens ont fait aux Grecs et à l’humanité, celui de l’alphabet. Il y a aussi cette extension méditerranéenne du détroit de Gibraltar jusqu’au Liban d’aujourd’hui, à partir de petites cités, comme Tyr, Byblos ou Sidon. La question de la pratique des sacrifices humains continue de travailler les chercheurs qui sont divisés à ce sujet. Et pour les Libanais, il y a un intérêt tout particulier : ils voient dans les Phéniciens des sortes d’ancêtres dans lesquels ils aiment se reconnaître », conclut celle dont les recherches actuelles concernent les différentes dénominations des divinités, dans les mondes grec et sémitique.

Dans les rues animées de Palerme, les touristes apprécient la fraîcheur vespérale du printemps et l’euphorie qui accompagne l’heure de l’apéritif à laquelle participent des familles entières libérées des contraintes sanitaires. Les clients à peine installés aux terrasses dégustent des foccacias bien chaudes, accompagnées d’un petit verre de vin de Marsala, que les serveurs...

commentaires (2)

Livre intéressant !

Stes David

20 h 09, le 02 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Livre intéressant !

    Stes David

    20 h 09, le 02 juin 2022

  • Passionnant ! Merci Josephine ta plume Racontant ce magnifique ouvrage font à deux un très beau Voyage

    Noha Baz

    09 h 58, le 02 juin 2022

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