Comme à chaque fois qu’il s’exprime dans un discours diffusé sur la chaîne al-Manar, le secrétaire général du Hezbollah envoie de multiples messages à des destinataires différents. Hassan Nasrallah, qui écrit lui-même ses discours suite à des concertations avec ses conseillers médias et politiques, choisit soigneusement les occasions pour qu’elles soient en harmonie avec la nature des messages qu’il compte envoyer.
Dans le discours de mercredi soir à l’occasion de la fête de la Libération le 25 mai 2000, il a donc sciemment décidé d’envoyer un message ferme aux Israéliens. La phrase reprise par les sites d’information électroniques a toutefois inquiété les Libanais. Il avait ainsi déclaré que « des développements pouvaient se produire dans la région au cours des prochains jours, qui pourraient dégénérer en explosion régionale ». Toutefois, cette phrase n’était pas destinée à l’intérieur libanais. Il parlait essentiellement de ce qu’on appelle « la marche des drapeaux » qui se tient chaque année le 29 mai depuis 1968, c’est-à-dire un an après l’occupation de l’ensemble de la ville de Jérusalem par les Israéliens.
Cette marche, organisée par les colons brandissant des drapeaux israéliens pour clamer l’identité de la ville de Jérusalem, intervient cette année à un moment particulièrement délicat, alors que les relations entre ceux qu’on appelle les Palestiniens de 1948 et les colons sont très tendues. Depuis des semaines, les heurts se multiplient autour de la mosquée al-Aqsa, et ils risquent à chaque fois de s’étendre à la Cisjordanie, surtout après ce qu’on a appelé « la bataille de Seif al-Qods ». D’ailleurs, la tension est telle cette année, selon les médias israéliens, que les colons ont annoncé qu’ils comptaient entrer dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa et l’occuper.
C’est pour cette raison que, profitant de l’occasion du 25 mai, Hassan Nasrallah a lancé un avertissement sévère aux Israéliens en disant que toute action inconsidérée pourrait rapidement dégénérer en affrontement. Dans un discours précédent, il avait aussi précisé que toute attaque contre Jérusalem et la mosquée al-Aqsa pourrait déclencher une guerre régionale en raison de ce qu’il appelle « l’unification des fronts ». Il laisse ainsi entendre que toute attaque contre Jérusalem pourrait entraîner une riposte au Golan, au Liban ou ailleurs... En réalité, le dirigeant chiite avait annoncé dans un précédent discours qu’il travaillait pour l’équation « Une attaque contre Jérusalem égale une guerre régionale ». Mercredi, il avait l’air de dire que c’est déjà fait. Cette déclaration reflète-t-elle une nouvelle réalité ou bien s’inscrit-elle dans le cadre de la guerre de dissuasion qu’il manie bien en utilisant les avertissements par le biais des médias ? On ne le sait pas encore, mais ce qui est sûr, c’est que les Israéliens semblent avoir pris ces propos au sérieux, puisque, selon leurs médias, des contacts seraient entrepris par les autorités israéliennes avec les colons pour les pousser à renoncer à entrer dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa dans le cadre de « la marche des drapeaux ». Certains médias ont aussi précisé que des responsables américains auraient demandé aux autorités israéliennes de revenir sur l’autorisation qu’elles avaient donnée aux colons d’entrer dans l’enceinte de la mosquée pendant leur marche prévue en principe dimanche. Mais en même temps, certains médias israéliens insistent pour que les colons puissent organiser leur marche comme elle était prévue, « afin de ne pas donner aux Palestiniens un signe de faiblesse »...
Ce message glissé dans le discours de la fête de la Libération n’occulte pas ceux qu’il a lancés à l’adresse de l’intérieur libanais. Après un long développement sur l’histoire de la résistance depuis l’invasion israélienne de 1982 jusqu’à la libération en 2000 et les remerciements d’usage envers tous ceux qui ont contribué à sa naissance et à son développement, avec une mention spéciale pour les trois responsables à l’époque de cette libération, le chef de l’État Émile Lahoud, le président de la Chambre Nabih Berry et le président du Conseil Salim Hoss, dans ce qui semble être un rappel intentionnel, Hassan Nasrallah a affirmé que « la résistance est plus forte que jamais. Elle est même désormais dotée d’une force inimaginable... ». Il a ensuite précisé que malgré sa force, cette résistance n’a jamais gouverné et ne veut pas le pouvoir. Il a ainsi appelé au dialogue et au partenariat, ajoutant que tous les sujets peuvent être discutés, y compris la stratégie de défense nationale et les armes de la résistance. Mais il faudrait d’abord commencer par les sujets prioritaires, c’est-à-dire sortir le pays du gouffre dans lequel il est en train de s’enfoncer, et empêcher l’effondrement total de l’État et de ses institutions. Il a aussi déclaré à ceux qui affirment que le Hezbollah veut imposer son emprise sur l’État et ses décisions qu’ils se trompent et que, pour le Hezbollah, sa présence au sein du gouvernement vise à protéger la résistance et à servir les gens, sans plus. Il a encore ajouté que les Libanais sont devant un choix : soit avoir un État fort et riche parce qu’il exploite ses ressources et sait les défendre, soit un État faible et mendiant... Tout cela devrait, selon lui, faire l’objet de discussions.
Toutefois, la question qui se pose est la suivante : qui pourrait aujourd’hui initier un dialogue national ?
commentaires (13)
Le barbu de la banlieue n’est pas prêt à se calmer ?
Wow
01 h 15, le 28 mai 2022