L'Association des banques du Liban (ABL) a rejeté mardi la feuille de route pour le redressement financier du pays approuvée la semaine dernière par le cabinet, estimant qu'elle fait peser sur les déposants la totalité des pertes liées à l'effondrement économique du pays. L'ABL avait déjà rejeté une version antérieure du plan, qui prévoyait d'annuler "une grande partie" des obligations en devises de la banque centrale envers les banques commerciales et de dissoudre les banques non viables d'ici novembre. Le plan de redressement avait été approuvé par le cabinet de Nagib Mikati lors de son dernier Conseil des ministres vendredi.
Le numéro deux du gouvernement sortant de Nagib Mikati, Saadé Chami, n'a pas tardé à critiquer la position de l'ABL. L'Association des déposants libanais a elle aussi réagi, accusant l'organisme de vouloir se "dérober à ses responsabilités".
Dans son communiqué, l’ABL précise que ce plan permet à l’État libanais et à la Banque du Liban (BDL) de se dérober de leurs responsabilités en ce qui concerne le paiement de leurs dettes. Selon l’association, ce seront donc les déposants qui devront supporter la totalité des pertes, estimées à "plus de 70 milliards de dollars". En parallèle, l’ABL réitère sa position en la faveur d’un plan qui mettrait en place un fonds responsable de gérer, "et non de prendre possession", des actifs de l’État dans le but de restituer aux déposants leurs droits, même si cela se fera à moyen ou à long terme.
L’ABL avait déjà souligné, fin avril, qu’elle rejetait la dernière version du plan de relance du gouvernement, qui prévoit un renflouement de certains dépôts et demande aux actionnaires des banques d’injecter de nouveaux capitaux. Elle avait qualifié ce plan de "désastreux" et déjà déclaré que la "majeure partie" des pertes que le gouvernement estime à 72 milliards de dollars serait laissée à la charge des déposants et des établissements bancaires. Pour leur part, les banques avaient noté qu’il revient à l’État de payer les pertes, notamment en privatisant des actifs publics. L’approbation de l’ABL n’est pas nécessaire pour que le gouvernement commence à mettre en œuvre un plan, mais les experts estiment que le soutien du secteur bancaire pourrait contribuer à trouver une issue à la crise.
L’ABL, dont une partie des membres a beaucoup investi dans la dette publique du Liban ces dernières années malgré les risques mis en avant par les agences de notation, est depuis des mois farouchement opposée aux pistes envisagées par le gouvernement. Alors que deux ans et demi après les premières restrictions bancaires, l’ABL et la Banque du Liban continuent de rejeter toute responsabilité dans la crise, une large partie de l’opinion publique ainsi que certains observateurs, comme l’ONU ou la Banque mondiale, estiment qu’elles ont aussi contribué à la crise et à son aggravation.
"Trio de voleurs"
Réagissant au communiqué de l'ABL, M. Chami, vice-Premier ministre sortant, a dénoncé un "contournement du plan de redressement". "Le plan du gouvernement, convenu avec le FMI, a été élaboré après des pourparlers laborieux qui ont duré des mois et qui sont basés sur le principe de la hiérarchisation des contributeurs aux pertes", a-t-il rappelé. M. Chami a dans ce cadre estimé que le Liban "ne pourra pas signer d'accord avec le FMI ni obtenir une aide d'autres pays si ce principe n'est pas respecté". Selon lui, "accepter certaines pertes en vue de préserver le pays est la moindre des choses (...) en ces temps difficiles". Il a enfin nié que ce plan "exempte l'Etat et la Banque du Liban de leurs responsabilités".
L'Association des déposants libanais, qui s'oppose à l'ABL, pour sa part qualifié la déclaration de l'organisme de "vile tentative de se dérober de la responsabilité qui incombe aux banques vis-à-vis de tout le peuple libanais". Cette association rappelle que les déposants "ont placé leur argent dans les banques, pas dans la Banque du Liban ni dans l'État libanais", et estime que le "pillage" des dépôts est dû à "un trio de voleurs formé par les banques, la BDL et l'État".
L'Association rappelle s'être réunie plusieurs fois avec l'ABL pour demander le changement des pratiques des banques, mais sans succès. "Nous tenons à rappeler que notre argent est en votre possession et que nous voulons le reprendre", ajoute le communiqué.
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Mais plus gros que cette épouvantable arnaque unique de tout un pays avec ses structures financières et bancaires qui dilapide sans aucun état d’âme, toutes les épargnes de sa population, il n’y a pas d’autre exemple pareil de par le monde, même dans les pires républiques bananière et dictatoriales! C’est un crime abject et totalement révoltant! Mais, ceci dit, il faut avouer que l’on n’a que ce qu’on mérite: une inconscience collective de longue date, peut-être aussi une naïveté bon enfant du citoyen moyen, qui continuait de vivre comme si de rien n’était, au jour le jour en s’imaginant que ce « miracle libanais », est inépuisable et que, malgré tout, il faisait bon de vivre au Liban en faisant fi de tous ses défauts…et, cerise sur le gâteau, les membres de la diaspora, surtout les émigrés récents, rêvaient toujours de retourner un jour à leur paradis perdu, et investissaient largement dans le pays, contribuant à l’idée que les banques regorgent d’argent et que tout allait bien…Et paf, circonstances régionales aidant ainsi que la présence du Hezbollah, ont fini par tarir cette fontaine de jouvence et débusqué cette arnaque nationale institutionnalisée et monstrueuse et le hic dans l’histoire, c’est que la majorité des citoyens peu éduqués ont reconduit à leurs postes presque les mêmes voleurs de cette caverne d’Ali Baba avec ces élections: de quoi désespérer de pouvoir sortir de cet enfer de sitôt!
Saliba Nouhad
00 h 27, le 25 mai 2022