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Nos Lecteurs ont la Parole

Propos autour du livre « Réflexions et Réfractions » d’Émilie Chammas Fiani

Les bribes, les réminiscences des souvenirs éclateront à jamais dans nos pensées. C’est ce qu’incarnent en fulgurance les plis de pages de Réflexions et Réfractions d’Émilie Chammas Fiani. Ce sont des nouvelles plus ou moins chroniques qui emboîtent des thèmes joliment paradoxaux. Ce qui nous pousse à dire, comment Fiani par le biais d’un détachement chronique et son tempérament réfracté arriverait à créer ses propres avatars ?

Dans ce qui suit, nous verrons l’effet caméra, et l’effet des objets sur la protagoniste. Ensuite, nous analyserons cette Vishnou créatrice de ses propres caractères. Enfin, nous dégagerons comment la nouvelliste se soulage à travers une écriture thérapeutique.

En premier lieu, l’effet caméra était déjà travaillé par Toussaint sous une vision minimaliste de la vie. Mais chez Fiani, ce n’est pas la caméra minimaliste, c’est plutôt la caméra qui surveille, qui guide et qui juge. « Des caméras de surveillance ; caméra fixée sur moi ; la caméra avait capté... » C’est toute une caméra omniprésente. C’est le signe de modernité où tout est pris en selfie ou photo des moments suspendus à jamais. La protagoniste est impassible devant cette caméra qui emprisonne les instants. Notre héroïne est avide des reconnaissances, elle ne sait rien du tout ou plutôt elle se laisse faire et passer par les plis des journées. L’objet caméra dans ces questions, négations et insuffisances de connaissances devient le protagoniste des premiers chapitres. Le personnage principal est emprisonné par les photos, par les moments suspendus et les souvenirs déchirés. D’où les antithèses qui occupent une place cruciale tout en accompagnant les interrogations de la protagoniste. Citons à cet égard « rien/tout ; libérée de ma prison ; est-ce moi qui décide de la sortie, de ma libération ? ;

je devais être triste ou contente... » Ce monde paradoxal jaillit tout au long des pages. La caméra n’est pas le seul objet à prendre en considération. C’est la MAIN aussi tapée en majuscule à la page 138 qui occupe une place majeure. C’est la main vivante, qui élabore, qui anime les couleurs de tous les mots, c’est la main artistique comme nous l’indique Fiani. De ce fait, les objets ne sont plus des simples accessoires. Ils sont pris à l’égard des personnages qui participent à la rédaction ce ces nouvelles, devant l’impassibilité et la faiblesse de l’être humain. C’est ce qui est très palpable surtout dans les chapitres « Prison en dérision » et « La femme aux étincelles ». Bien que les objets aient un caractère super vivant, super fort et puissant, nous pouvons voir que la protagoniste arrivera à son essor après.

D’ailleurs, les personnages et même l’héroïne Jenny présentée tardivement à la page 36 sont les avatars de l’écrivaine Fiani. Elle anime son monde à travers une chronique réelle, sa propre vision. Elle est le Vishnou de ses écritures. Elle nous déroute entre suspense et représentation énigmatique de ses personnages. Les indéfinis continuent à des pages avancées. Nous ne savons pas qui elle est tout de suite. Elle nous laisse deviner. Elle pourrait être Marie la Vierge. Elle peut-être Fiani. Elle, c’est Jenny. Elle, c’est la passante de Baudelaire. Cela crée un effet esthétique et analytique de la part des lecteurs en cherchant avec Jenny les morceaux de puzzle qui manquent. À la manière des impressionnistes, l’écrivaine rédige des toiles signifiantes. Un livre dominé par les indéfinis à venir ou à jamais arrivés. De ce fait, Jenny, sa pauvre créature, est à la recherche d’une vie perdue, d’une « véritable vie » (page 47). L’héroïne accuse son déroutement, son incertitude à travers les conditionnels répétés à maintes reprises : « Pourrais-je affiner la sensibilité qui glisse sur les rais de ma destinée... ? » Les créatures deviennent un déboussolement fait exprès afin de se retrouver.

D’ailleurs, ce livre, au chapitre « La Femme aux étincelles », nous rappelle la fameuse citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. » Fiani, tout en laissant une simple note en bas de page, nous affirme cette attirance à ces êtres doux, « les enfants ». Elle écrit : « Le conte de La petite fille aux allumettes m’a toujours impressionnée depuis ma plus tendre enfance. » En fait, l’écriture est une renaissance chez l’écrivaine, une sorte de thérapie gratuite. Il y a plusieurs choses qui contribuent au soulagement de la protagoniste et de l’écrivaine à la fois : écriture et musique. Elle retrace un chemin à travers les mots et la musique. C’est vrai que c’est un livre lu mais vous pouvez entendre les touches du piano, le crescendo qui monte et remonte surtout tout en sacrant quelques pages pour glorifier l’homme qui a crispé le monde par ses symphonies euphoriques : « Ludwig van Beethoven » (page 149).

En conclusion, nous pouvons dire que c’est un livre riche en sensations. Le paradoxisme règne sur sa forme et son contenu. La protagoniste à un certain moment participe en tant qu’un simple témoin dans sa propre histoire à cause de la dominance d’une caméra. Puis les inconnus continuent à apparaître dans ce livre. C’est le vacillement des réflexions et des réfractions par excellence.

Feryal HANNOUF

Professeure universitaire à la faculté d’arabisation et de traduction d’al-Jinan

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Les bribes, les réminiscences des souvenirs éclateront à jamais dans nos pensées. C’est ce qu’incarnent en fulgurance les plis de pages de Réflexions et Réfractions d’Émilie Chammas Fiani. Ce sont des nouvelles plus ou moins chroniques qui emboîtent des thèmes joliment paradoxaux. Ce qui nous pousse à dire, comment Fiani par le biais d’un détachement chronique et son...

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