
Des électeurs libanais dansant hier devant le consulat général à Dubaï, en attendant leur tour pour voter dans le cadre des législatives libanaises. Karim Sahib/AFP
À part aux Émirats arabes unis, il n’y a pas eu de tsunami hier dans les bureaux de vote des 48 pays dans lesquels les Libanais de la diaspora étaient appelés à voter. Mais la dynamique générale semble plutôt positive par rapport au précédent scrutin, d’autant que les chiffres connus, à l’heure de mettre sous presse, n’étaient pas définitifs. En 2018, ils étaient 56 % parmi les inscrits de la diaspora à avoir effectivement voté. Cette année, le taux de participation a dépassé les 50 % dans plusieurs pays européens et africains, mais entre-temps le nombre d’inscrits a triplé. Entre la journée de vendredi et celle d’hier, plus de 100 000 Libanais ont déjà voté, soit plus de deux fois plus qu’en 2018. Aux Émirats arabes unis, le taux de participation a frôlé les 70 % (25 067 inscrits), contre 66 % en 2018 pour 5 166 inscrits.
En France où le nombre d’électeurs inscrits est parmi les plus élevés (28 136), la participation a plafonné autour de 71 % selon un chiffre avancé tard dimanche soir par l’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan, contre 60 % en 2018 mais pour seulement 8 370 inscrits à l’époque. Sur le continent africain, le taux de participation se situait dans la soirée à 48 %, tout comme en Allemagne.
Très attendu, ce second test de l’humeur des Libanais à une période de transition cruciale survient après un premier vote qui a eu lieu vendredi dernier dans les pays du Moyen-Orient chômant ce jour-là, où près de 58,9 % des inscrits se sont rendus aux urnes, soit 18 214 électeurs sur les 30 930 inscrits. Hier, le scrutin a été organisé pour les 194 348 électeurs inscrits qui ont voté en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Asie mais aussi aux Émirats arabes unis.
Les Émirats en tête de peloton
L’épreuve d’hier se résumait à un enjeu majeur : la montée en puissance des partis de la contestation face aux formations traditionnelles, dont une grande partie est bien implantée dans les pays de la diaspora. Contrairement aux idées reçues, le vote aux Émirats n’est pas majoritairement sunnite (près de 27 % des inscrits), mais plutôt chrétien, constituant plus de 51 %, avec une portion non négligeable de druzes. À l’inverse de ce qui s’est passé vendredi notamment en Arabie saoudite – les sunnites ont boudé les urnes par loyauté au mot d’ordre du boycott donné par le courant du Futur–, l’abstention des inscrits de cette communauté n’était pas de vigueur. Cette participation pourrait modifier la balance en faveur du changement. « Bien que majoritairement chrétiens, les électeurs de Dubaï et d’Abou Dhabi ont massivement voté pour la circonscription de Beyrouth II », souligne l’experte électorale Georgia Dagher.
Mobilisation pour Beyrouth II et Tripoli
À suivre de près les témoignages livrés sur les principaux médias et réseaux sociaux, la volonté du changement était prégnante hier chez la majorité des électeurs qui, chose plutôt rare, ont ouvertement fait part de leur intention de vote en exprimant le souhait d’élire de nouvelles figures. C’était notamment le cas dans plusieurs pays européens, comme la France, la Grande-Bretagne et la Belgique, aux Émirats, au Koweït et au Qatar, où les gens ont exprimé à visage découvert leur ras-le-bol du statu quo et de l’establishment politique, accusé d’avoir enlisé le pays dans l’une des crises les plus graves de son histoire. « La mobilisation était assez considérable même pour Beyrouth II et Tripoli.
Cependant, il ne faut pas succomber au piège et croire qu’une majorité des votes va forcément aller aux forces du changement. Celles-ci pourront certainement obtenir un bonus relativement considérable de près de 15 à 25 %. Mais dans un contexte de polarisation extrême, les partis traditionnels ne vont pas perdre des plumes, surtout qu’ils ont des machines très bien huilées », décrypte Karim Bitar, politologue.
Problèmes logistiques en Australie
L’une des exceptions à cette mobilisation est peut-être à rechercher en Australie – un continent qui vote majoritairement pour les Forces libanaises – où le taux de participation a été considéré comme décevant, 54,6 % à l’heure de clôture. En Australie, c’est vraisemblablement la problématique de la mauvaise répartition des électeurs à l’étranger qui peut expliquer ce taux de participation relativement bas. Les Libanais installés en Australie avaient dénoncé il y a quelques jours le fait que des bureaux de vote distants parfois de plusieurs heures de route avaient été assignés à différents membres de certaines familles, ce qui pourrait rendre leur accès difficile, voire impossible. « Le problème en Australie est plutôt celui des papiers d’identification, beaucoup de Libanais dans ce pays n’ayant pas de carte d’identité ou de passeport valides. C’est un problème qui existait déjà en 2018 », confie un expert qui a requis l’anonymat.
Des chiites votent pour le changement
Ailleurs, notamment en Allemagne, en Roumanie et dans plusieurs pays de l’Afrique notamment en Côte d’Ivoire, pays où le vote chiite est prépondérant, c’est plutôt vers le tandem Amal-Hezbollah que les voix se seraient majoritairement orientées. « Cependant, la nouveauté cette année en Roumanie est qu’il y a une majorité d’électeurs chiites qui ont voté pour la première fois et qui ont laissé entendre, en toute discrétion par peur des pressions, qu’ils souhaitaient le changement », confie une déléguée de la contestation sur place.
Considérée comme un fief chiite par excellence qui vote principalement pour le mouvement Amal, l’Allemagne n’a pas dépassé les 47 %, contrairement aux attentes de la machine électorale du mouvement chiite qui s’attendait à une affluence de plus de 60 % des électeurs. Sur le continent américain – en Amérique latine et aux États-Unis –, où le vote n’a démarré que tard dans l’après-midi, le taux de participation définitif ne sera connu que ce matin. Toutefois, à en croire l’importante affluence des électeurs aux premières heures du scrutin, le taux de participation ne devrait pas être décevant.
À part aux Émirats arabes unis, il n’y a pas eu de tsunami hier dans les bureaux de vote des 48 pays dans lesquels les Libanais de la diaspora étaient appelés à voter. Mais la dynamique générale semble plutôt positive par rapport au précédent scrutin, d’autant que les chiffres connus, à l’heure de mettre sous presse, n’étaient pas définitifs. En 2018, ils étaient 56 %...
commentaires (7)
Ce que je trouve inadmissible est la non possibilité pour un libanais de voter car il n’a pas une carte d’identité ou un passeport valide. Combien d’entre nous n’ont pas voyagé au liban depuis la pandémie ??? Moi, entre autres, j’ai fais ma demande de carte d’identité en juillet 2019 mais je n’ai pu la récupérer. Pourtant, je me suis inscrit sur la liste électorale mais ils ne l’ont pas pris en compte. Didi971
Badi Faddoul
20 h 05, le 09 mai 2022