C’est officiel. Les diplomates et directeurs du ministère des Affaires étrangères ont entamé vendredi une grève ouverte pour réclamer leurs droits à des permutations et nominations diplomatiques, dont le projet n’a toujours pas été avalisé par le gouvernement, une démarche qui menace la tenue des élections législatives à l’étranger, prévues les 6 et 8 mai.
Le Premier ministre Nagib Mikati avait déjà donné le ton en martelant lundi qu’il n’y aurait « pas de nominations en Conseil des ministres », à l’issue d’un entretien avec le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt. Très probablement, la question ne sera pas tranchée avant les élections législatives du 15 mai, M. Mikati ne voulant pas faire de cadeau politique au leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil, lui-même ex-ministre des Affaires étrangères, à quelques semaines du scrutin. Résultat : le vote de plus de 225 000 expatriés qui s’étaient enregistrés en novembre 2021 pour prendre part au vote est désormais sérieusement menacé, les Affaires étrangères étant chargées d’organiser les élections à l’étranger.
Cette escalade de la part des fonctionnaires des Affaires étrangères est intervenue après un sursis d’une semaine, à la demande du chef de la diplomatie Abdallah Bou Habib, réputé proche du camp du président de la République, Michel Aoun. « Nous nous sommes réunis jeudi une nouvelle fois avec le ministre, qui a reconnu qu’il était de notre droit de recourir à la grève ouverte », confie à L’Orient-Le Jour un diplomate ayant requis l’anonymat. La réaction de M. Bou Habib signalerait que l’entente politique élargie autour d’un projet de permutations et de nominations diplomatiques dans lequel seraient impliqués MM. Mikati et Bassil n’a pas encore mûri.
Dans une interview en fin de semaine dernière à la chaîne al-Hurra, M. Bou Habib avait admis que le projet bute encore sur la « quote-part » de Michel Aoun, ajoutant œuvrer pour « surmonter quelques obstacles ». « Il y a surtout le fait que le Premier ministre n’a accepté aucune mouture que lui a présentée le ministre des AE, changeant d’avis à plusieurs reprises », affirme pour sa part le diplomate précité. Il révèle en outre que le bouquet de permutations et nominations diplomatiques bute sur un autre obstacle: le successeur de Hani Chemaytelli (sunnite) au poste de secrétaire général des Affaires étrangères. « A un moment donné, il était question de transférer M. Chemaytelli à Madrid, et de nommer Ahmad Arafa, chef du département légal au ministère, à sa place », souligne ce diplomate, avant de faire savoir que le nom de Ziad Atallah, ambassadeur du Liban à Rabat, a été également mis sur la table.
Une démission de Bou Habib ?
« Désespéré, M. Bou Habib a reconnu notre droit à la grève », raconte le diplomate, croyant savoir que le ministre envisagerait « sérieusement » de démissionner. « Il ne voudrait pas assumer la responsabilité d’un éventuel torpillage du vote des Libanais de la diaspora », ajoute ce fonctionnaire. Une information qu’un proche de M. Bou Habib s’abstient de confirmer ou d’infirmer. « Le ministre ne commentera pas l’affaire avant lundi », se contente-t-il de dire à L’Orient-Le Jour. Dans les cercles du palais Bustros, on s’attend en effet à ce que le chef de la diplomatie sorte de son silence ce jour-là dans une interview.
Du côté du Grand Sérail, on rejette les accusations lancées contre le Premier ministre. « Nagib Mikati est favorable à des permutations, mais ce n’est pas le bon moment pour se lancer dans un grand chantier. Il faut juste que les ambassadeurs accrédités à l’étranger depuis plus de dix ans soient remplacés par ceux qui sont encore à l’administration centrale », commente un proche du Premier ministre. « Nous réclamons nos droits. Que le Premier ministre trouve la solution pour ne pas mettre en péril le vote des Libanais de l’étranger », réagit le diplomate précité.
commentaires (10)
Ce n’est pas honteux et scandaleux que ces fonctionnaires, soit disant représentants du Liban à l’étrangers, fassent un coup à ce moment même pour torpiller le vote des libanais à l’étrangers! C’est vrai que bassileu a peur des votes des libanais à l’étrangers.
Georges S.
17 h 07, le 09 avril 2022