
Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. Photo d’archives Joseph EID/AFP
La cheffe du service du contentieux de l’État au ministère de la Justice, la juge Helena Iskandar, a demandé vendredi au ministre des Finances Youssef Khalil de désigner un avocat pour l’assister devant les juridictions étrangères, afin de procéder au gel d’actifs bancaires en Europe appartenant au gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, sur demande du procureur général près de Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate. Selon une information publiée vendredi par l’Agence nationale d’information, la décision du procureur se base sur des faits pouvant tomber sous le coup du « détournement de fonds publics, de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale ».
Ce dernier développement s’inscrit dans le cadre de la saisie annoncée par Eurojust, l’agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, de 120 millions d’euros d’actifs dans cinq pays d’Europe par les justices française, allemande et luxembourgeoise en lien avec des procédures judiciaires ouvertes pour des faits de détournement de fonds au Liban. Une source judiciaire a confirmé à L’Orient-Le Jour que cette mesure a été prise dans le cadre des enquêtes ouvertes en Europe visant la fortune de Riad Salamé.
Le gouverneur et son entourage sont en effet les cibles d’enquêtes au Liban et dans au moins cinq pays européens pour des détournements de fonds de plus de 330 millions de dollars et 5 millions d’euros respectivement.
Les étapes à suivre
Pour que cette demande de gel des actifs bancaires du gouverneur soit appliquée, elle doit d’abord passer par plusieurs étapes. « Il faut maintenant suivre les procédures adéquates : entrer en contact avec le ministère des Finances, pour décider s’il faut porter plainte à l’étranger ou non, en coopération avec le ministère de la Justice. Si c’est l’option de la plainte qui est choisie, il faut ensuite désigner un avocat, qui sera sélectionné après le lancement d’un appel d’offres », explique Helena Iskandar.
Déposer plainte à l’étranger constitue une des premières étapes qui permettrait au Liban de recouvrer les avoirs détournés. En effet, « si le Liban n’initie pas les démarches spécifiques, les actifs acquis illicitement et accueillis dans un pays étranger ne lui reviendront pas systématiquement. Le gel et la confiscation par les autorités étrangères constituent à cet égard seulement des premières étapes », explique Karim Daher, président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des déposants (Aldic) et avocat fiscaliste.
Mais d’autres procédures sont aussi possibles pour recouvrer des biens mal acquis. « Le Liban peut se constituer partie civile dans le cadre des procédures pénales ouvertes à l’étranger, ou porter plainte. C’est cette dernière option qui semble privilégiée. Il peut aussi recourir au chapitre 5 de la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption (Uncac) sur la récupération des biens mal acquis, dont il fait partie, ou à des accords bilatéraux. Dans le cas de suspicion d’évasion fiscale, comme c’est le cas, les procédures sont même plus rapides : le Liban peut directement demander d’obtenir des informations, avant de procéder au gel des actifs sur base de la loi n° 55 du 27 octobre 2016 relative à l’échange d’informations à des fins fiscales », poursuit Me Daher.
« En cas de jugement, et si les faits sont avérés à l’étranger (donc s’il s’agit de biens mal acquis), cela signifie que ces fonds appartiennent au Liban. Si l’on ne fait rien, ils seront confisqués par les États dans lesquels ils se trouvent », avertit Helena Iskandar.
Or les autorités n’avaient pas pris les mesures nécessaires à ce sujet jusqu’à présent, s’exposant ainsi au risque que le Liban perde ses droits une fois les délais de prescription expirés. La juge Helena Iskandar avait déjà formulé une demande le 17 janvier 2022 afin qu’un avocat soit désigné au nom de l’État libanais pour défendre les intérêts du pays devant les juridictions étrangères, mais sans obtenir de réponse. Dès septembre 2021, l’ancienne ministre de la Justice Marie-Claude Najm avait communiqué aux autorités un avis juridique sur les procédures légales à la disposition du Liban pour récupérer les biens détenus à l’étranger par des PEP (personnes politiquement exposées) libanaises résultant de potentielles infractions pénales. Les autorités n’avaient alors pas donné suite.
L’AFFARE EST ENTRE LES MAINS DU PREMIER MINISTRE MIKATI ET LE MINISTRE DES FINANCES. DONC IL FAUT PAS ESPÉRER GRAND CHOSE.
15 h 22, le 02 avril 2022