Pour mettre en place les mégacentres dans la perspective des législatives de mai, il faudra inévitablement passer par la Chambre pour amender la loi électorale. Telle est la conclusion sur laquelle a débouché la seconde réunion de la commission ministérielle chargée d’examiner ce dossier, un des principaux chevaux de bataille du tandem Baabda-Courant patriotique libre. Quelle pourrait donc être la prochaine étape pour le camp présidentiel qui mène seul cette bataille? Surtout que rien ne prête à croire que le chef du législatif, Nabih Berry, adversaire du CPL, serait disposé à s’aventurer sur un chantier susceptible de retarder l’échéance électorale. « M. Berry n’accepte pas que le scrutin soit reporté, même pas pour une journée », affirme sans ambages à L’Orient-Le Jour un ministre proche de Aïn el-Tiné.
Hier, la commission ministérielle chargée d’examiner l’affaire des mégacentres, ces centres géants de vote, a accompli sa mission, à l’issue de deux réunions tenues pendant deux jours consécutifs en présence du ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, qui organisera le scrutin, et de ses collègues : Abbas Halabi (Éducation, proche du chef druze Walid Joumblatt), Johnny Corm (Télécoms, Marada), Mohammad Mortada (Culture, proche du mouvement Amal), Youssef Khalil (Finances, proche de Nabih Berry) et Walid Nassar (Tourisme, gravitant dans l’orbite de la présidence). « Il s’est avéré que la mise en place des mégacentres (qui permettent aux électeurs de voter en leur lieu de résidence plutôt que de se rendre dans leur circonscription d’origine) exige un amendement de la loi électorale », indique une source ministérielle à L’OLJ. Elle a précisé qu’à défaut d’un rapport écrit, M. Maoulaoui exposera le bilan des débats devant le Conseil des ministres prévu demain à 15 heures à Baabda. C’est donc au gouvernement de trancher. S’il se montre favorable aux recommandations de la commission, il devra présenter à la Chambre un projet de loi pour amender la législation électorale. En attendant, M. Maoulaoui s’est voulu rassurant : « Nous sommes contre tout ce qui pourrait mener à un ajournement des élections et le ministère peut toujours organiser le scrutin dans les délais impartis », a-t-il déclaré à l’issue de la réunion d’hier.
Débat constitutionnel
« La loi 44/2017 n’évoque pas les mégacentres », nous précise le constitutionnaliste Saïd Malek. « Il ne s’agit pas uniquement d’incorporer au texte un article portant sur ces centres, il faudrait également modifier l’article 85 de la loi qui porte sur la répartition des bureaux de vote », souligne-t-il. Et l’expert d’expliquer : « Selon la loi, il revient au ministre de l’Intérieur de définir les bureaux de vote dans chaque circonscription. Mais il est impossible d’établir des mégacentres dans une région quelconque où pourraient voter des électeurs inscrits dans une circonscription différente sans modifier la législation en vigueur. » Ces propos de M. Malek sonnent comme une réponse à la prise de position exprimée hier soir par le groupe parlementaire aouniste, dont le CPL est la principale composante. « La mise en place de mégacentres n’a pas besoin de (modifier) la loi, car l’article 85 du texte prévoit que le ministre de l’Intérieur détermine les centres de vote par une décision prise au plus tard vingt jours avant le scrutin », peut-on lire dans le communiqué du groupe publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire. Une interprétation confirmée par un autre constitutionnaliste qui a, sous le couvert de l’anonymat, exclu toute nécessité d’amender la loi.
Le spectre du report plane
En attendant que ce débat soit tranché, Saïd Malek ne cache pas ses craintes quant à un probable report du scrutin, surtout que la question des mégacentres, défendue par Michel Aoun et son camp, n’a été mise sur le tapis que quelques mois avant la consultation populaire. Lundi, ce sont des propos du ministre Walid Nassar qui ont aiguisé ces craintes. Ce dernier avait évoqué l’éventualité d’un report lors de la première réunion de la commission ministérielle. De source ministérielle, on apprend qu’au vu du fait que le financement du scrutin pourrait tarder, le ministre du Tourisme a évoqué cette option. Citées par notre correspondante Hoda Chedid, des sources proches du ministre tiennent à préciser que M. Nassar a répondu aux interventions de ses collègues de la Culture et des Finances, qui avaient évoqué des obstacles légaux et financiers qui entravent la tenue du scrutin en temps voulu. C’est à ce moment-là que M. Nassar a proposé au ministre de l’Intérieur de demander au président de la Chambre de convoquer le Parlement à une séance plénière qui se tiendrait cette semaine pour que soient votées toutes les questions nécessaires à la tenue des élections en temps voulu, ajoute-t-on de même source. « Si vous en êtes incapable (de remplir cette tâche), reportez les élections », aurait dit le ministre du Tourisme.
Cette mise au point n’a pas convaincu les adversaires du tandem Baabda-CPL, dont le leader des Forces libanaises Samir Geagea qui s’en est pris aux « ministres et députés de Gebran Bassil ». « La position des ministres du CPL lundi a révélé l’intention du parti de reporter les élections », a écrit M. Geagea sur son compte Twitter. « Les raisons qui ont conduit le CPL à proposer à nouveau l’adoption de mégacentres sont devenues claires, a-t-il affirmé. Gebran Bassil ainsi que ses ministres et ses députés savent qu’il est impossible de mettre en place des mégacentres dans les délais avant les élections. » Le leader des FL s’est rapidement attiré les foudres du chef du CPL, qui l’a accusé de trahison. « Ce n’est pas la première fois qu’il trahit et fait marche arrière », a écrit M. Bassil sur Twitter. « Les habitants de la Montagne, du Nord, du Sud, de la Békaa et de Beyrouth connaissent la valeur stratégique des mégacentres et lui-même sait que leur implantation est facile ! Mais il est comme ça ! C’est ainsi qu’il a vendu les prérogatives du président à Taëf et a combattu le “président fort” avec ses prérogatives (...) », a-t-il ajouté.
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Attendons le méga centre de la connerie du trio Aoun/Bof-fils/CPL. Ils sont déjà au rebut, que cherchent-ils de plus pour comprendre qu’ils sont désavoués, bannis, maudits par le Peuple Libanais dans son ensemble. Nul n’est plus bête que celui qui refuse de comprendre. A bon entendeur salut !
Le Point du Jour.
13 h 15, le 10 mars 2022