Déjà que, d’instinct, le Libanais pense que la planète entière tourne autour de son nombril, il lui manquait la guerre en Ukraine pour se convaincre mordicus que son caillou au cèdre figure d’emblée au centre des cartes d’état-major de l’armada russe. Aussi, le neuneu local analysera-t-il la situation suivant des paramètres purement indigènes. Du coup, les âneries qui se disent sur les plateaux télé sont grosses comme le hall d’entrée du palais Mikati à Tripoli un soir de gala. Normal, plus il y a d’abrutis, moins il y a de gens pour s’en apercevoir…
Y a d’abord l’expert compassé-constipé-bouche-en-cul-de-poule. Le genre de clampin qui est rassuré quand on ne le comprend pas. Lui est incollable sur tout ce qui touche aux chevriers des oblasts de Donetsk et de Lougansk, sans oublier les Tatars de la Crimée voisine, refilée puis reprise à l’Ukraine par la Russie, un peu comme on lèche un glaviot après l’avoir craché. Ce n’est pas que notre ami fraye avec les gens du cru, mais la psychologie du Slave, ça le connaît. Alors forcément pour lui, les gesticulations guerrières de ce « fils de Poutine » ne peuvent profiter qu’aux communautés orthodoxes et druzes du Liban.
Il y a aussi le mytho, qui a appris de « source sûre » que l’invasion russe de l’Ukraine et les négociations sur le nucléaire iranien ne sont en fait que des manœuvres de diversion pour faire passer en tapinois un retour en grâce du Basileus auprès des Américains. L’analyse est musclée, le raisonnement imparable. Il pourrait tout aussi bien pimenter la sauce en évoquant Istiz Nabeuh et le Derviche tourneur de Moukhtara, agents doubles à la solde de Moscou et de Kiev, dont le rôle louche servirait à masquer un complot contre l’Ancêtre logé à Baabda.
Enfin, reste le pire : le demeuré à qui l’on a appris à se mettre au garde-à-vous et frissonner dès lors qu’un chef d’État local ou étranger porte des lunettes de soleil, fait la gueule et agite son index devant ses partisans qu’il traite en domestiques. Un président dans la catégorie fort ou poids lourd, un peu à l’image de ce boxeur dont on étale la viande dans les foires et attractions. Ce genre de cirque excite normalement le faible d’esprit qui verra dans son demi-dieu le « papa de la nation », pour qui il sera prêt à se taillader les veines suivant la formule culturelle bien connue chez les Arabes : « Par notre âme et notre sang… » et naninanère !
Et là, le Judoka des steppes russes colle parfaitement à l’image.
Conclusion : c’est tellement valorisant pour un Libanais bas de plafond de s’occuper de grandes crises internationales… surtout après avoir tâté de dossiers aussi prestigieux que la bronca de Hikmat Dib, les recours judiciaires de Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter et le drone du Hezbollah qui à coup sûr fait claquer des dents Naftali Bennett.
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (7)
Excellent QUE DIRE DE PLUS ?
LA VERITE
08 h 02, le 09 mars 2022