La guerre du Liban ou la guerre des autres

Qu’est devenu ce Liban dont nous rêvions ? Ce Liban dont nous parlaient nos grands-parents, pays alliant Occident et Orient, islam et christianisme. Tantôt la Suisse, tantôt le Paris du Moyen-Orient. Des parents musulmans qui baptisent leurs enfants. Une famille chrétienne dont les enfants portent des prénoms musulmans. C’était ça le Liban des années 60. Alors, qu’est devenu ce Liban ? Où est donc passé ce pays tant admiré et envié ? A-t-il vraiment existé comme on nous le montrait dans les photos ou bien l’avons-nous trop idéalisé? Car, derrière cette vitrine dorée se cachait également un Liban moins glamour, prêt à exploser. Un Liban dans le besoin avec des zones rurales complètement délaissées du Nord au Sud. Des populations livrées à elles-mêmes. Une ligne de démarcation invisible qui pourtant séparait ces deux mondes bien avant celle de la guerre.

Cette guerre que tout le monde a vu venir sans vouloir y prêter attention. Une guerre qui a détruit ce que le Liban avait de plus beau : la mixité religieuse. Ne sachant pas que plus rien ne sera comme avant. Durant la guerre, des milices ont vu dans cette misère une opportunité, l’absence d’un État, une population désespérée et le début d’une propagande religieuse. C’était la guerre des autres chez nous ou bien la guerre pour les autres avec nous. Mais à entendre parler, tout le monde avait raison, et pourtant, personne n’avait raison de détruire son pays et de tuer son propre peuple. « Oui, mais la cause était juste. » Elle paraissait peut-être juste sur le papier, mais sur le terrain, c’était tout autre chose. Barrages, milices, snipers, attentats, assassinats, c’était devenu ça, le Liban. Il n’y avait plus rien de glamour dans cette nation meurtrie. Mais ils ont quand même réussi à l’idéaliser. « Du temps de la guerre, c’était moins difficile, il y avait de l’argent dans les banques. » Et il pleuvait des bombes. C’était quoi, cette guerre ? Personne ne le sait. Des milices sionistes ont tué et chassé les Palestiniens de leurs terres, qui à leur tour ont tué et chassé les Libanais de chez eux pour faire du Liban leur quartier général. Des Libanais soutenant leur cause au point d’être expulsés de leur propre pays. D’autres s’alliant avec les sionistes, une des causes de leur malheur. Le Liban, pays de toutes les contradictions.

Après, ça se complique, ingérence étrangère, règlements de comptes, des voisins gourmands qui en ont profité pour occuper le pays. Celui du Sud voulait le Liban et la Palestine. Celui du Nord voulait le Liban à tout prix. Ce n’était la faute de personne, mais la faute de tout le monde. « Oui, mais nous étions les victimes. » Tout le monde était victime comme tout le monde était coupable. Cette propagande de victimisation est utilisée aujourd’hui par toutes les communautés religieuses, chacune à sa sauce. Commençons par les clichés : si j’avais été chrétienne, aurais-je pris les armes pour chasser les Palestiniens ? Si j’avais été musulmane, aurais-je soutenu aveuglément la cause palestinienne ? Posons la question différemment : si je vivais dans un quartier assailli par les milices palestiniennes, aurais-je pris les armes pour le défendre ? Et si j’avais été sensible à la cause palestinienne, aurais-je risqué de la soutenir au point de perdre mon pays ? Aujourd’hui, il n’est plus question de juger, car personne ne sait ce qu’il aurait fait, mais de demander un État responsable de tous ses citoyens, présent sur tout le territoire, sans aucune milice armée. Il est temps de s’éloigner de cette guerre qui a voulu faire croire que le problème était la diversité religieuse. En détruisant le Liban, ils cherchaient à prouver que les différentes communautés religieuses ne pouvaient pas cohabiter pour justifier l’existence de pays avec une religion d’État. Pourtant la guerre du Liban, ce n’était pas une guerre de religion, mais la guerre des autres.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.