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Culture - Poésie

Un poète sous la menace du « corona »

Un poète sous la menace du « corona »

Abbas Beydoun. Photo DR

À 76 ans, l’enfant de Tyr – dont la carrière littéraire de poète (plus de sept opus l’ont sacré comme l’un des plus importants poètes contemporains d’expression arabe), de romancier (huit romans auréolés de prix et traduits en français, anglais, allemand, italien), d’essayiste et de chroniqueur virulent dans la presse arabe (notamment dans le quotidien as-Safir) – reste d’une infatigable vitalité, toujours maître de son verbe étincelant affranchi de ponctuation. Alors que la traduction française de ses poèmes paraît chez Actes Sud, il offre aux lecteurs arabes son recueil de poésie Al-hayat taht al-sefer (La vie en dessous de zéro - Naufal/Hachette Antoine - 107 pages). Rédigé durant la pandémie du Covid, lors des journées d’isolement, cet ouvrage est le reflet d’une société brusquement piégée par un virus émergent, mais traduit aussi parfaitement les sentiments de solitude et d’enfermement ressentis par des millions de terriens. Abbas Beydoun, de par son passé aux écrits combatifs et contestataires, appartient incontestablement à la catégorie des poètes boute-en-train. La pandémie du Covid-19 le révèle sous un visage inconnu, presque insoupçonné et méconnaissable. Le poète, sorbonnard et militant gauchiste, connu pour son franc-parler, sa gouaille mordante, son ironie, son sens de la dérision et de l’autodérision, apparaît ici, pour ces Poèmes du corona, dans un registre certes toujours narquois et agressif, mais ô combien triste et chargé de blues et de spleen.

Sous un titre éloquent et sans masque, il décrit les longues journées qui n’en finissent plus, passées à aller de la salle de séjour au lit, de la cuisine à la chambre à coucher, du balcon à la télévision, évoluant dans une « fausse liberté » et dans l’obligation de se tenir à distance de tout groupement ou rassemblement car même masqués, les gens colportent ce mal sournois et « librement voyageur », comme le souligne le poète. Il trompe le désœuvrement et l’ennui par une lecture, un air de musique, un Nescafé siroté en solitaire, une rêverie obsédante ou insipide... Mais voilà, toutes ces activités le ramènent à une confrontation pas toujours souhaitée ou souhaitable, avec soi. Confrontation souvent dure où surgit le passé, où se dessinent des bilans oubliés, des choix regrettables ou tombés dans l’oubli, des moments qu’on a en vain tenté d’effacer ou de ressusciter… « Ce corps est seul avec son âme », confie le poète. Et d’ajouter, dubitatif et accusateur : « Ce n’est pas par hasard qu’on est sous une lune creuse… »

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Ces poèmes, écrits sous la menace du « corona », avec leur cortège d’angoisse, de peur, de cauchemar, de hantise d’attraper ce « virus », de crise existentielle, apportent non seulement tous les frémissements intérieurs d’un magicien des mots mais aussi un lot de surprenantes images surréalistes. Images où, contre toute attente, les portes de l’invisible sont défoncées par « une puissante légèreté lyrique », comme le disait Salah Stétié à propos de Pierre-Jean Jouve, la source même de l’inspiration poétique de Abbas Beydoun…

« Al-hayat taht al-sefer » de Abbas Beydoun (La vie en dessous de zéro - 107 pages - Naufal/Hachette Antoine) disponible en librairie.

À 76 ans, l’enfant de Tyr – dont la carrière littéraire de poète (plus de sept opus l’ont sacré comme l’un des plus importants poètes contemporains d’expression arabe), de romancier (huit romans auréolés de prix et traduits en français, anglais, allemand, italien), d’essayiste et de chroniqueur virulent dans la presse arabe (notamment dans le quotidien as-Safir) – reste...

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