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Politique - Conseil des ministres

Une proposition réduisant les prérogatives du procureur en question

Une proposition réduisant les prérogatives du procureur en question

Une réunion du Conseil des ministres. Photo DR

Parmi les 76 points figurant à l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce matin, figure étrangement une proposition de loi présentée en 2018 par le député aouniste Ziad Assouad visant à réduire les prérogatives du procureur général près la Cour de cassation (poste qui revient à un sunnite) en matière de poursuites judiciaires.

Pourquoi ce texte, qui sommeillait depuis quatre ans dans les tiroirs du Parlement, en ressort-il soudain, alors même que Ghassan Oueidate joue un rôle important dans de grands dossiers, notamment dans l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth menée par le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar, ou la mise en cause par la procureure près la cour d’appel du Mont-Liban Ghada Aoun du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé ? Pour beaucoup, cette soudaine réapparition du texte serait en rapport avec des tiraillements politiques, mais en tout état de cause, le Conseil des ministres ne devrait toutefois pas l’approuver, selon des sources informées. La proposition de loi de M. Assouad vise notamment à amender l’article 13 du code de procédure pénale, promulgué le 16 août 2001. En vertu de cette disposition, le procureur général près la Cour de cassation statue en dernier ressort sur tout litige opposant un magistrat ou une instance judiciaire à une autorité administrative qui refuse de donner l’autorisation de poursuivre pénalement un haut fonctionnaire. C’est ainsi que le parquet de cassation a pu, en automne dernier, entraver les poursuites du juge Bitar contre le directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, en faveur duquel le ministère de l’Intérieur, dont il relève, n’avait pas donné d’autorisation de poursuites. Le parquet avait dans le même cadre décidé de ne pas engager les poursuites que M. Bitar avait ordonnées contre le directeur de la Sûreté de l’État Tony Saliba, entérinant ainsi la décision du Conseil supérieur de la défense, son autorité de tutelle.

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Dans sa proposition de 2018, M. Assouad avait demandé l’attribution à une chambre civile de la cour d’appel le pouvoir de trancher de tels différends, comme l’édictait une loi qui avait été votée seulement deux semaines avant la loi en vigueur (2 août 2001).

Un autre enjeu actuel de la réduction des pouvoirs du procureur de cassation est que la procureure d’appel du Mont-Liban, elle-même connue pour être proche des milieux aounistes, pourrait alors avoir les coudées franches pour poursuivre M. Salamé. On sait que le mois dernier, M. Oueidate avait demandé au procureur général financier Jean Tannous de suspendre les perquisitions de quatre établissements bancaires auprès desquels ce dernier cherchait à obtenir les relevés de compte de Raja Salamé, frère du gouverneur.

« Légifération sous pression »

Interrogé par L’Orient-Le Jour, l’avocat Akram Azouri, spécialiste de droit pénal, estime défendable le fait de vouloir revenir à la loi du 2 août 2001 pour redonner à la cour d’appel certains pouvoirs. Il pense notamment que le pouvoir du procureur de cassation de statuer en dernier ressort sur les immunités des fonctionnaires est « contraire au principe du procès équitable ». « Le procureur ne peut être juge et partie. Étant partie au procès, puisqu’il représente la société, il ne peut en même temps remplir le rôle de juge des immunités, c’est-à-dire qu’il ne peut décider de l’opportunité de donner ou non les autorisations de poursuites », affirme le juriste. Me Azouri s’interroge cependant sur le timing de la volonté d’amender la loi, évoquant « une conjoncture ponctuelle ». L’avocat met ainsi en garde contre « la légifération sous pression », en allusion à l’exacerbation des intérêts politiques des responsables des différents bords. « La loi est une règle générale et impersonnelle », martèle-t-il, soulignant que « tout amendement à une loi doit être fait dans l’intérêt général, et non pour des intérêts privés ».

Me Azoury s’explique : rappelant que la loi en vigueur avait été adoptée à l’époque de la tutelle syrienne, en amendement d’une loi que les députés avaient votée deux semaines plus tôt, ces derniers obéissaient ainsi aux responsables syriens qui visaient à renforcer les prérogatives du procureur près la Cour de cassation de l’époque, Adnane Addoum, considéré proche d’eux. « À présent que les prérogatives du procureur se retournent contre les intérêts des parties au pouvoir, celles-ci veulent les réduire », observe l’avocat.

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Paul Morcos, directeur du cabinet juridique Justicia, ne confirme pas nécessairement l’idée d’intérêts politiques. « Quand une proposition de loi est présentée, le chef du Parlement peut la déférer au gouvernement pour avis », affirme-t-il à L’OLJ, soulignant que « le secrétariat général du Conseil des ministres doit alors l’intégrer dans l’ordre du jour ». « Lorsque M. Assouad avait proposé le texte, le gouvernement avait consulté le ministre de la Justice de l’époque, Albert Serhane, qui l’avait rejeté. Comme le nouveau cabinet ne peut bâtir sa décision sur l’avis d’un ancien ministre, il a sollicité celui du ministre Henri Khoury, avant que la question ne soit inscrite à l’ordre du jour », explique-t-il.

Une source politique informée indique que quel que soit le motif d’insertion de l’article 16, le Conseil des ministres rendra au Parlement la proposition de loi avec un avis négatif, d’autant plus que le Conseil supérieur de la magistrature, principalement concerné, s’y était opposé. En somme, le procureur général de cassation devrait ainsi continuer à décider du sort des litiges opposant des magistrats à une administration concernant les poursuites d’un fonctionnaire.

Parmi les 76 points figurant à l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce matin, figure étrangement une proposition de loi présentée en 2018 par le député aouniste Ziad Assouad visant à réduire les prérogatives du procureur général près la Cour de cassation (poste qui revient à un sunnite) en matière de poursuites judiciaires. Pourquoi ce texte, qui sommeillait depuis quatre...

commentaires (2)

Et voila comment les politiciens se protègent de toute condamnation!!!!!!!!!!!! L’impunité continuera de régner. Cf l’affaire du port et toutes les affaires de corruption…

Sam

08 h 23, le 09 février 2022

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Commentaires (2)

  • Et voila comment les politiciens se protègent de toute condamnation!!!!!!!!!!!! L’impunité continuera de régner. Cf l’affaire du port et toutes les affaires de corruption…

    Sam

    08 h 23, le 09 février 2022

  • mais pourquoi légitimer telle loi ou l'autre hein ? non serieusement ppurquoi en prendre la peine ? tous savons que celles ci sont faites le plus souvent a la mesure de certaines gens du pouvoir, selon le cas. en resume, ON n'aime pas comment ce Juge X accompli son boulot- ON ne peut pas le deloger de son poste, ON promulgue une loi telle que mettant hors jeu le juge X. et les tours sont joues.

    Gaby SIOUFI

    14 h 34, le 08 février 2022

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