
Le gouverneur de la banque du Liban, Riad Salamé, dans le collimateur des autorités judiciaires de plusieurs pays. Archives AFP
Nouveau coup de théâtre dans l’affaire judiciaire visant Riad Salamé. Lundi dernier, Jean Tannous, le procureur adjoint près la Cour de cassation en charge de l’enquête ouverte en avril dernier et visant le gouverneur de la Banque centrale (BDL) pour « détournement de fonds publics, enrichissement illicite, blanchiment d’argent et évasion fiscale », a été informé que son voyage à Paris où il devait rencontrer des homologues européens, avait été annulé. Sa présence était attendue dans le cadre d’une réunion organisée au Parquet National Financier (PNF) français par Eurojust, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, chargée notamment de coordonner le travail avec les juridictions d’États tiers dans des affaires de criminalité transnationale.
Le gouverneur et son entourage sont en effet dans le collimateur des autorités judiciaires de plusieurs pays – dont la Suisse, la France, le Luxembourg et le Liechtenstein –, notamment pour des faits de blanchiment d’argent. Selon des sources judiciaires, d’autres pays, comme l’Angleterre et l’Allemagne, considèrent l’ouverture de procédures sans toutefois avoir fait d’annonce officielle.
Le but de la réunion de cette semaine était de coordonner le travail et d’échanger les informations entre pays concernant le progrès des enquêtes visant le gouverneur de la BDL. « Nous avons rencontré différentes autorités requérantes pour les besoins de l’exécution de demandes d’entraide judiciaire étrangères », confirme le bureau de communication du parquet suisse à L’OLJ. « Ces réunions permettent de gagner du temps et de réunir les pièces du puzzle », explique de son côté une autre source judiciaire libanaise. Une réunion similaire avait été organisée en octobre dernier au siège d’Eurojust à La Haye, à laquelle le juge Tannous avait cette fois-ci participé. L’absence de magistrats libanais aux réunions de cette semaine est d’autant plus remarquable que c’est la seule juridiction dans laquelle une enquête a été ouverte à l’encontre du gouverneur à ne pas s’y être représenté.
Les raisons de l’annulation de cette participation sont liées à la question de la présence d’un deuxième juge libanais, Raja Hamoush, à la réunion, selon une source proche du dossier. Deux jours seulement avant la date prévue pour le départ du juge Tannous, le procureur général près de la cour de Cassation Ghassan Oueidate, avait ajouté son nom pour accompagner Jean Tannous à Paris. Si les motivations de cette modification de dernière minute ne sont pas claires, Eurojust n’aurait pas accepté la demande, estimant qu’elle ne respectait pas les délais impartis.
Le procureur général a justifié l’annulation du voyage de Tannous par des motifs de souveraineté, invoquant qu’il revenait au Liban de décider de la composition de la délégation, selon une source proche du dossier. « Bien sûr, c’est un très mauvais signal envoyé aux homologues étrangers quant à la réelle volonté de coopération de la justice libanaise dans ce dossier. Mais, sur le fond, cela ne menace pas l’avancée de l’enquête au Liban », commente l’une des sources interrogées. Contacté, Ghassan Oueidate n’a pas donné suite, tandis que le PNF a déclaré qu’il « ne communiquera pas à ce propos ».
Cela est loin d’être la première fois qu’un bras de fer oppose le juge Tannous et son supérieur hiérarchique dans le cadre de l’enquête libanaise visant Riad Salamé. Début janvier, Jean Tannous avait dû suspendre la perquisition de cinq banques libanaises –Bankmed, Bank Audi, BML, le Crédit libanais et al-Mawarid Bank – visant à récupérer des relevés de comptes du frère du gouverneur de la BDL, Raja Salamé. Ce dernier est le propriétaire d’une société de courtage, Forry Associates Ltd (Forry), qui fait l’objet d’une enquête sur 330 millions de dollars de virements suspects dans le cadre d’un contrat de gestion des titres avec la BDL, entre 2002 et 2014. Selon des sources informées, les perquisitions avaient été arrêtées au dernier moment par Ghassan Oueidate, sous pression du Premier Ministre, Nagib Mikati, qui s’en était par la suite publiquement pris aux méthodes utilisées par le juge Tannous.
Riad Salamé, depuis des mois, rejette les accusations portées contre lui, que ce soit au Liban ou à l'étranger.
Rq : Cet article a été corrigé le 28 janvier. Il était improprement écrit que le PNF n'avait pas accepté la demande de Beyrouth pour la participation d'un second juge à la réunion. Le PNF n'est pas l'organisateur de la réunion et n'est dès lors pas intervenu dans l'organisation du déplacement de la délégation libanaise.
commentaires (16)
Je ne crois que le prez: nous sommes bien en enfer, enfoirés et entourés de diables et diablotins millionaires, milliardaires et tortionnaires qui nous torturent à leur aise et plaisir !... y aura-t-il des saints prêts à nous sortir de ce cauchemar ?
Wlek Sanferlou
00 h 05, le 29 janvier 2022