Geagea lance la bataille contre Bassil à Batroun

La bataille électorale dans le caza de Batroun est officiellement lancée. C’est le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui a donné le coup d’envoi en annonçant, il y a quelques jours, la candidature de Ghayath Yazbeck, rédacteur en chef de la chaîne locale MTV, à l’un des deux sièges maronites du caza. Batroun fait partie de la circonscription du Liban-Nord III, qui regroupe également les cazas de Bécharré (deux sièges maronites), Zghorta (trois sièges maronites) et Koura (trois sièges grecs-orthodoxes). À écrasante majorité chrétienne, cette circonscription est perçue comme celle où la bataille électorale de mai 2022 donnera un avant-goût de la très attendue présidentielle programmée pour octobre prochain, d’autant qu’elle est le fief de plusieurs candidats potentiels à la magistrature suprême. Tel est bien entendu le cas du chef des Marada, Sleiman Frangié, de l’ex-député Boutros Harb, mais aussi et surtout du leader des FL et de son principal rival sur la scène chrétienne, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, originaire de Batroun.

L'éditorial de Issa GORAIEB

Usés jusqu’à la corde... à linge

Le choix fait par Samir Geagea d’ouvrir le bal électoral en annonçant son candidat à Batroun n’est donc pas anodin. Il s’agit d’une façon pour les FL de manifester leur détermination à affronter le chef du CPL sur ses terres. Preuve en est la polémique qui a éclaté entre le candidat FL et le CPL dimanche dernier. Quelques heures après sa conférence de presse incendiaire, M. Bassil s’est attiré les foudres de M. Yazbeck, notamment au sujet des incidents meurtriers entre des éléments proches des FL et des partisans du tandem chiite Amal-Hezbollah à Tayouné à la mi-octobre. Dans le sillage de ses critiques aux FL et de ses messages voilés au Hezbollah, Gebran Bassil avait affirmé que son parti a préféré Mar Mikhaël – l’entente conclue en février 2006 entre le Hezbollah et le CPL – à Tayouné. Une entente qui n’est pas au beau fixe depuis un bon moment. Comprendre, le parti a préféré l’alliance et le dialogue aux affrontements armés. Dans un communiqué, M. Yazbeck a répliqué en accusant Gebran Bassil de n’avoir « jamais été ailleurs qu’à Mar Mikhaël, là où il pourrait s’assurer un siège parlementaire, ministériel ou présidentiel (…) ». Le département CPL à Batroun a rétorqué en accusant le rédacteur en chef de la MTV de porter atteinte à la personne de M. Bassil et en critiquant les choix politiques de Samir Geagea et son parti. Les rapports entre le camp aouniste et ce dernier sont d’ailleurs rompus.

« Battre Bassil n’est pas mon objectif »
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Sayed Younès, responsable de la machine électorale du CPL, assure que son parti « est en très bonne position à Batroun ». Ce caza « est le seul endroit où personne ne pourra nous casser », dit-il, laissant ainsi entendre que le CPL est confiant en la victoire de son chef, même si ce dernier mène cette fois bataille sans Michel Moawad. Ce dernier a, à Zghorta, un poids non négligeable dont le CPL avait largement profité lors des législatives de 2018 face à son adversaire Sleiman Frangié.

Quant à Ghayath Yazbeck, il dit que sa priorité est ailleurs. « Battre Gebran Bassil n’est pas mon objectif. Si la vague de la victoire des FL l’emporte, soit », affirme le journaliste originaire de la région de Mrah el-Hajj. Il confie toutefois être conscient de la difficulté de la bataille. « Ma candidature est une lourde responsabilité que j’assume. Je mise sur les gens de Batroun qui sont mes principaux alliés », dit-il.

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Maintenant le flou sur les alliances que son parti pourrait tisser dans cette circonscription-clé, Ghayath Yazbeck affirme que « les FL font partie intégrante de la société civile et ont présenté le meilleur modèle d’action publique, ces dernières années, que ce soit à la Chambre ou dans les gouvernements auxquels elles ont participé ». Des propos qui pourraient être interprétés comme un clin d’œil aux composantes du mouvement de contestation. À Batroun comme dans les autres circonscriptions, Meerab s’abstient de se prononcer sur ses alliances. « Ce qui nous importe le plus, ce sont les candidatures FL », souligne un responsable du parti sollicité par L’OLJ. « Notre objectif principal, c’est d’élargir notre groupe parlementaire et d’attirer un large électorat à travers de nouvelles figures comme M. Yazbeck », ajoute-t-il, alors que des informations avaient circulé au sujet d’une éventuelle candidature de Paul Harb, chef de la section FL de Batroun, à l’un des deux sièges du caza. « Paul Harb est un avocat compétent et responsable partisan. Quant à Ghayath Yazbeck, il est une figure connue, qui a mené des combats pour la cause du parti, et dont la candidature est dictée par les circonstances dans lesquelles intervient la bataille », explique le responsable FL.

En quête d’indépendants
« C’est dans une phase ultérieure que nous chercherons les figures indépendantes qui pourraient nous rejoindre dans la bataille face à l’alliance dont fait partie Gebran Bassil », renchérit le responsable FL, se disant sûr que sa formation remportera les sièges maronites de Bécharré et de Batroun.

Si les FL parient sur des figures dites indépendantes, c’est que les alliances avec les partis politiques jugés traditionnels semblent exclues, en dépit des convergences sur les principes stratégiques, comme c’est le cas avec les Kataëb. Un responsable au sein de ce parti affirme à L’OLJ que, contrairement au scrutin de 2018, celui de 2022 ne verra pas les formations de Samir Geagea et Samy Gemayel mener les batailles électorales côte à côte. Selon lui, les circonstances politiques ne sont plus les mêmes, surtout après la révolte d’octobre 2019. « Nos seules alliances certaines sont celles que nous tisserons avec Michel Moawad à Zghorta et Neemat Frem (député maronite démissionnaire) au Kesrouan », confie ce cadre Kataëb, indiquant que le bureau politique du parti devra définir quelques candidatures d’ici à une semaine.