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Politique - Commentaire

Les dernières cartes de Gebran Bassil

Les dernières cartes de Gebran Bassil

Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Photo AFP

Il faut souvent des années, parfois des décennies, pour conquérir le pouvoir. C’est un travail minutieux et de longue haleine qui requiert de tisser des alliances, de se construire un personnage et d’occuper l’espace afin de s’imposer une fois le moment venu. Ce moment, Gebran Bassil l’attend depuis presque deux décennies. Depuis que son beau-père, Michel Aoun, en a fait son héritier naturel, au grand dam d’une bonne partie de ses compagnons de la première heure.

Le gendre est aussi ambitieux que le général. Plus malin, moins populaire. Mais tout aussi « animal politique » dans son ADN, tout aussi bonimenteur mégalomane, tout aussi prêt à tout pour la conquête du pouvoir. Celle-ci devait se réaliser selon le plan assez simple, sur le papier: être le candidat des chiites et des sunnites. Ou plutôt du Hezbollah et de Saad Hariri.

L’entente gravée dans le marbre avec le premier a permis au général de devenir président. Mais cela n’aurait toutefois pas été possible sans le compromis passé avec le second. Dans le contexte post-Doha, tout leader chrétien qui peut se targuer d’être à la fois allié de l’un et de l’autre devient inévitablement le favori de la course à la présidentielle.

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Et Gebran Bassil a fait tout ce qu’il fallait pour endosser le costume. En 2015, il prend la tête du parti au nez et à la barbe de la baronnie aouniste. En 2016, son beau-père s’installe à Baabda et fait de lui l’un des hommes les plus puissants du pays, celui sans qui rien ne peut se décider. Le chef du Courant patriotique Libre (CPL) dispose de tous les atouts dans sa manche: conseiller très spécial du président, il est en même temps l’homme fort du gouvernement, prenant complètement le dessus sur le Premier ministre, Saad Hariri. Puis en 2018, c’est la consécration: son bloc arrive en tête des élections législatives. Jamais les aounistes n’ont été aussi forts au sein de l’État.

La voie de Gebran Bassil est alors toute tracée. Mais la mécanique va s’enrayer. Et en quelques mois, le gendre préféré va tout perdre. Il devient le personnage le plus détesté du pays pendant le soulèvement d’octobre 2019 et se met à dos la majorité des autres forces politiques. Face à lui, le président du Parlement, Nabih Berry, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, celui des Marada, Sleiman Frangié, du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, et même Saad Hariri, usé par une relation à sens unique. Cela fait beaucoup (trop) d’ennemis quand on veut devenir président. Surtout que la descente aux enfers ne s’arrête pas là.

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Perdre gros

Gebran Bassil a joué avec le feu et a fini par se brûler. En novembre 2020, il est sanctionné par la première puissance mondiale. Impossible, à moins que le Liban devienne la Syrie, d’accéder à Baabda dans ces conditions. Le chef du CPL a vu son château de cartes s’effondrer. Et sa stratégie se retourner contre lui. Le Hezbollah devait faire de lui le « roi » du Liban. Mais le parti pro-iranien, perçu par de larges pans de la communauté chrétienne comme le principal responsable de la crise qui frappe le pays et de la double explosion au port de Beyrouth, est devenu son boulet. Celui qui le rend infréquentable aux yeux des Occidentaux et impopulaire aux yeux d’une partie de l’ancienne base aouniste. L’alliance lui coûte désormais plus qu’elle ne lui rapporte. D’autant que le Hezbollah lui préfère Nabih Berry sur plusieurs dossiers-clés : le maintien du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé ou encore les modalités du vote de la diaspora. Tout en le mettant dans une situation impossible en bloquant le gouvernement si le juge Tarek Bitar n’est pas écarté du volet politique de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth.

Gebran Bassil n’est pas homme à renoncer facilement. Depuis des mois, il tente, par toutes les gesticulations possibles, de se sortir de ce bourbier. Il se victimise en permanence, se fait un jour le chantre de la défense des institutions, le lendemain le porte-parole de l’identitarisme le plus vulgaire, envoie des clins d’œil aux Américains, tente de se rapprocher des Russes, attaque ses ennemis de front et s’essaye même au chantage avec le Hezbollah dont il cherche, tant bien que mal, à se distancier. Mais avec qui il ne peut, aujourd’hui, divorcer. Avec lui, il est faible. Sans lui, il n’est presque plus rien.

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Le chef du CPL peut perdre très gros cette année, tant aux législatives qu’à la présidentielle. Dans les deux cas, il est coincé. Il risque de regarder, impuissant, les FL devenir le parti chrétien le plus fort au Parlement. Et il n’a aucune chance, tant pour des considérations locales qu’internationales, de prendre la succession de son beau-père à la magistrature suprême.

Attention toutefois à ne pas l’enterrer définitivement. D’une part, parce que personne ne meurt vraiment jamais en politique, en particulier au Liban. Qui aurait pu imaginer que, plus de 25 ans après son exil en France, Michel Aoun deviendrait président ? Gebran Bassil espère probablement que le contexte régional lui devienne favorable et qu’un accord américano-iranien le remette sur le devant de la scène. D’autre part, parce qu’il lui reste, malgré tout, encore quelques cartes à jouer. Deux pour être exact. Celle de la surenchère permanente, y compris avec le Hezbollah, jusqu’à obtenir ce qu’il souhaite. Et celle du blocage, de la paralysie des institutions via la présidence, en particulier dans l’optique de la succession de Michel Aoun. C’est trop peu pour (re)devenir roi. Mais cela peut suffire à s’assurer que personne d’autre ne le devienne.

Il faut souvent des années, parfois des décennies, pour conquérir le pouvoir. C’est un travail minutieux et de longue haleine qui requiert de tisser des alliances, de se construire un personnage et d’occuper l’espace afin de s’imposer une fois le moment venu. Ce moment, Gebran Bassil l’attend depuis presque deux décennies. Depuis que son beau-père, Michel Aoun, en a fait...

commentaires (24)

pourquoi le blamer ? apres tout il aurait ete quelqu'un d'arriere mental, de demeure s'il navait pas saisi l'occasion, profite de la situation et de tenter ce qui est avere etre possible

Gaby SIOUFI

12 h 25, le 24 avril 2022

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Commentaires (24)

  • pourquoi le blamer ? apres tout il aurait ete quelqu'un d'arriere mental, de demeure s'il navait pas saisi l'occasion, profite de la situation et de tenter ce qui est avere etre possible

    Gaby SIOUFI

    12 h 25, le 24 avril 2022

  • GB: un neuneu de plus dans la "politique" libanaise

    Philippe NABAA

    13 h 04, le 07 janvier 2022

  • "… Il faut souvent des années, parfois des décennies, pour conquérir le pouvoir …" - comme aurait pu l’écrire Corneille, "aux âmes mort-nées, la valeur peut attendre à tout jamais damnée". Voyons, 10, 11, 12, oui oui, ça joue, c’est bien un alexandrin…

    Gros Gnon

    14 h 50, le 05 janvier 2022

  • On est nombreux à ne pas l'aimer, ni respecter.

    DJACK

    13 h 12, le 05 janvier 2022

  • Combien vous détestez Bassil M. Samrany.

    Hitti arlette

    22 h 44, le 04 janvier 2022

  • On ne lapide que les arbres qui portent des fruits

    Hitti arlette

    22 h 35, le 04 janvier 2022

  • Pourquoi aller plus loin que cette phrase ? " Avec lui, il est faible. Sans lui, il n’est presque plus rien." Voilà quand on fait entrer un prédateur... On se retrouve à sa merci... Pauvre Gebran, NOT!

    Marwan Takchi

    22 h 34, le 04 janvier 2022

  • Gebran Bassil dit que Samir Geagea est sur le "payroll" des Saoudiens. C'est possible pour M. Geagea et pour d'autres aussi, mais ce n'est pas prouvé. Par contre, Hassan Nasrallah, que M. Bassil dit "porter en son coeur et son esprit, et Dieu en est témoin", n'a jamais caché qu'il est sur le "payroll" de l'Iran. Il l'a déjà affirmé tout haut (vers la 1ère minute 40e seconde de cet extrait): https://www.youtube.com/watch?v=m9ITEu1OObc M. Bassil a entendu ce discours et ces propos de son idole. Alors, en quoi diffère l'argent iranien du saoudien? La différence est que M. Bassil mendie la présidence de Hassan Nasrallah et cherche à éliminer, ou au moins réduire au minimum, ses adversaires, notamment les chrétiens parmi eux.

    Youssef Najjar

    22 h 03, le 04 janvier 2022

  • Bonne article, bien brossé, appuyé par une photo "parlante". Puisse la nouvelle année nous débarrasser de ce triste pantin.

    Christine KHALIL

    18 h 31, le 04 janvier 2022

  • Ce qui est sur c’est que personne ne regrettera ce beau fils quand il perdra les élections et ira en prison car le pouvoir ne le protégera plus .LA VÉRITÉ VOUS POUVEZ ÊTRE SUR QU’IL FERA EN SON POSSIBLE POUR QUE LES ÉLECTIONS N’EST PAS LIEU ET QUE CETTE MÊME CHAMBRE LE NOMME PRÉSIDENT MAIS IL ÉCHOUERA COMME AVEC TOUT CE QU’IL A ENTREPRIS À CEJOUR : Electricite barrages télécommunications ligue arabe retour des syriens réfugiés etc. etc..

    LA VERITE

    18 h 15, le 04 janvier 2022

  • Les journalistes de l'OLJ sont à l'image de nos politiciens, quelle honte!

    Assouad Fady

    18 h 06, le 04 janvier 2022

  • Il n’a peut être pas tort en parlant de l’accords entre les USA et l’Iran … mais il lui manque le support interne II si elle est forcer risquerait de faire imploser le pays

    Bery tus

    17 h 05, le 04 janvier 2022

  • Bassil fait chanter le Hezbollah…et lui ?il valse ?

    Citoyen Lambda

    14 h 35, le 04 janvier 2022

  • Article intéressant et instructif

    Citoyen Lambda

    14 h 29, le 04 janvier 2022

  • Bravooooo ! Monsieur Anthony ne nous a pas habitués à des articles aussi courageux, c’est la preuve qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Très beau descriptif fait du Bof-fils ! Si vous me le permettez je rajouterai, que l’ex-ministre, le mari en titre, et héritier désigné à la succession du trône, déjà renversé, dont la puanteur commence à envahir le pays par les malversations. Cet individu venu de nulle part, et devenu à son insu, la caisse de résonance du ridicule personnifiée. Plus il parle plus il se contredit, moins il est crédible, et plus il se fait haïr par le peuple. Ses jours de gloire sont au passé, et son avenir est déjà derrière lui.

    Le Point du Jour.

    13 h 14, le 04 janvier 2022

  • En attendant il continue d’occuper les tribunes avec le barbu pour s’en servir comme moyen de communication du berger à la bergère et pour montrer que dans ce pays qu’ils ont transformé en poulailler crasseux il n’y a qu’eux d’eux qui peuvent décider de bloquer ou de libérer le gouvernement qui a à sa tête une mauviette qui continue de croire qu’en cédant à leurs exigences il arrivera à sauver le pays. Mikati de son nom est aussi coupable que ces deux trois larrons puisqu’on ne peut pas exclure Berry de ce jeu mortifère qui se joue en vase clos sous le regard de tous les citoyens qui servent de moutons sacrifiés pour nourrir leur ego. Le train de l’anéantissement est en marche et le pays déchiqueté leur sert de terrain de règlement de compte pendant que les libanais médusés ne savent plus qui des opposants arrivera à mettre fin à cette mascarade qui n’a que trop duré pour le suivre et enfin débarrasser notre pays de ces malotrus sans âme ni conscience. L’appel à un héros est lancé pour en finir avec tous ces zéros pointés et ce quelque soient les méthodes. Il nous faut récupérer notre pays avec toute sa splendeur et sa dignité.

    Sissi zayyat

    12 h 05, le 04 janvier 2022

  • Cela ressemble ironiquement à un hommage (j’avais écrit gommage) politique presque posthume que l’on lui souhaite prémonitoire … Dans une bananeraie où les âmes pas si bien nées, la valeur (en dollars fresh) attendrait bien le nombre des années.. En politique, celui qui vit petit, meurt minable .. élémentaire mon cher Watson.

    Ayoub Elie

    10 h 47, le 04 janvier 2022

  • Article de grand journalisme. Il manque un point dans la conclusion qui est que pour être président, il faut avoir l’étoffe d’un président. Or Monsieur Bassil est à mille lieux d’avoir cette envergure, au mieux, il pourra bloquer comme vous l’écrivez. C’est d’ailleurs une politique habituelle au CPL de tout bloquer pour obtenir gain de cause politique même si c’est au détriment de tous les citoyens dont ils s’en foutent éperdument

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 38, le 04 janvier 2022

  • S’il sait lire, je lui suggère de lire "Faust"…

    Gros Gnon

    09 h 48, le 04 janvier 2022

  • L,ADAGE DIT QUE LORSQUE L,ANE NE PEUT PLUS DONNER DES COUPS DE PIEDS IL NE LUI RESTE QU,A BRAIRE A LONGUEUR DE JOURNEE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 26, le 04 janvier 2022

  • Au royaume des borgnes l’aveugle est le dernier de la classe. Abou Davos mérite le bonnet avec grelots et clochettes. Le pion du Hezbollah est donc retiré de l’échiquier. Cependant, je pense que le réflexe de se rallier aux seigneurs de guerre comme Samir Geagea serait l’erreur fatale pour la communauté chrétienne. Les affrontements, voire les massacres à caractère sectaire ont toujours été très efficaces pour polariser la population et faire taire les opposants à ce système hautement toxique.

    El moughtareb

    09 h 06, le 04 janvier 2022

  • Hou le vilain … lol… la tronche qu’il fait sur la photo … pas gentil ce monsieur … ca me fait penser à la chanson de marc lavoine: « Elle a les yeux revolvers »… sauf que c’est IL , dans ce cas là

    LE FRANCOPHONE

    01 h 34, le 04 janvier 2022

  • Analyse d'une lucidité et d'un courage exemplaire. À lire et à relire. Ceux qui n'ont pas compris, il vaut mieux qu'ils s'occupent d'autre chose que d'essayer de renflouer le CPL.

    Romulus Maximus

    00 h 58, le 04 janvier 2022

  • Avec le Hezb, Bassil "est faible. Sans lui, il n’est presque plus rien". Que c'est bien dit. On pourra ajouter que le CPL ne pourra se relever avec Bassil à sa tête. Dommage que Michel Aoun n'ait pas choisi quelqu'un d'autre pour sa succession. Mais est-il trop tard? Non, le Général est toujours en vie et c'est lui le vrai leader, pas son gendre préféré, mais ça lui prend du courage.

    Youssef Najjar

    00 h 56, le 04 janvier 2022

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