
Une rue dans le camp palestinien de Aïn el-Héloué, le 18 mai 2021. Photo Mountasser Abdallah
Une décision du ministre du Travail Moustapha Bayram, modifiant les règles en vigueur concernant les professions réservées aux Libanais, fait polémique depuis son annonce mercredi. Le ministre, un proche du Hezbollah, autorise désormais les Palestiniens nés au Liban, les personnes nées de mère libanaise ou mariées à des Libanaises (qui n’ont pas droit à la nationalité suivant la loi), ainsi que les apatrides, à exercer des professions qui leur étaient jusque-là interdites. Ce sont surtout les décisions concernant les Palestiniens qui font le plus réagir pour l’instant, ces derniers étant empêchés d’exercer certaines professions sous prétexte que cela pourrait faciliter leur implantation au Liban, et bien que les premiers réfugiés soient arrivés au Liban depuis 1948, date de la « Nakba ».
Le décret ministériel publié permet aux « Palestiniens nés sur le territoire libanais et officiellement enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur, les étrangers nés de mère libanaise ou mariés à des Libanaises, et ceux nés au Liban et détenteurs de la carte délivrée aux apatrides » d’exercer des professions dont ils étaient exclus et dont certaines nécessitent l’adhésion à un syndicat, comme les professions libérales, l’administration publique ou autre.
Il convient toutefois de noter que les nouvelles dispositions ont pris la forme d’une décision ministérielle plutôt que d’un texte de loi. De ce fait, elles sont susceptibles d’être modifiées ultérieurement par M. Bayram ou par son successeur au ministère du Travail. Le ministre du Travail, lui, devrait s’exprimer sur la question au cours d’une conférence de presse prévue aujourd’hui.
Bassil évoque une « implantation déguisée »
Contacté par L’Orient-Le Jour, un responsable au sein du ministère du Travail dément formellement toute tentative d’implantation des réfugiés palestiniens au Liban par le biais de leur accès à certains métiers. « Les Palestiniens peuvent faire tourner l’économie. De même pour les personnes nées de père étranger et de mère libanaise et les apatrides. N’ont-elles pas le droit de travailler ? » s’est demandé ce responsable. « Il ne s’agit pas du tout d’une implantation déguisée comme certains l’affirment. Cette décision part d’un principe humanitaire et n’a aucune visée politique », a-t-il ajouté, en allusion à des propos tenus par le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Celui-ci avait déclaré sur son compte Twitter que « la décision du ministre du Travail (...) est une entorse au code du travail et à la Constitution ». « Il s’agit d’une implantation déguisée que nous refusons. Une telle décision ne passera pas. Nous ne permettrons pas que les Libanais soient délestés de leurs emplois en ces circonstances », a-t-il ajouté.
Du côté des professions concernées, c’est le président de l’ordre des médecins de Beyrouth, Charaf Abou Charaf, qui est monté au créneau hier. Il a rappelé dans un communiqué que, « selon l’article 5 de la loi régissant l’exercice de la profession de médecine, tout médecin arabe peut exercer son métier au Liban s’il réunit les conditions exigées par la profession dans ce pays ». « Les médecins en question doivent être ressortissants d’un pays où les Libanais sont autorisés à pratiquer la médecine. Or, un tel accord n’existe pas entre le Liban et la Palestine », a indiqué le Dr Abou Charaf. « Selon l’article 3 de la loi fondatrice des ordres de médecins (à Beyrouth et au Liban-Nord), aucun praticien n’a le droit d’exercer sa profession au Liban avant d’adhérer à l’un de ces deux ordres, conformément aux conditions exigées » pour une telle démarche, a-t-il également rappelé.
La réponse du ministère
« Le ministère du Travail n’a aucune intention d’empiéter sur les prérogatives de l’ordre des médecins ou des ingénieurs, s’est justifié quant à lui le responsable au ministère du Travail contacté par L’OLJ. Ce sera à eux de délivrer les autorisations selon la procédure habituelle », a-t-il ajouté. Si elle fait polémique dans certains milieux, cette décision a été naturellement saluée par les factions palestiniennes qui réclament depuis des années l’amélioration des conditions de vie des réfugiés. L’alliance des forces palestiniennes a ainsi exprimé sa gratitude envers le ministre du Travail et souligné que cette décision « élargira les opportunités d’emploi disponibles pour les travailleurs palestiniens. »
Le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) a pour sa part estimé qu’il s’agissait d’un « pas positif ». « Nous appelons à poursuivre les initiatives positives et à voter des lois au Parlement qui permettront de sortir les réfugiés palestiniens de la misère une fois pour toutes et de leur accorder leurs droits humains et sociaux », indique un communiqué du FDLP.
Et les pauvres libanais qu’ils sont dans la misère complète ?
21 h 34, le 10 décembre 2021