
La journaliste américaine Nada Homsi, détenue par le Sûreté générale libanaise pendant trois semaines. Photo Facebook/Nada Homsi
La journaliste américaine basée à Beyrouth Nada Homsi, qui était détenue par la Sûreté générale depuis le 16 novembre à la suite d'une perquisition à son domicile jugée arbitraire par des ONG, a été libérée mercredi après-midi, a annoncé Human Rights Watch. Un ordre de déportation qui avait été émis à son encontre a également été annulé.
"Nada a été libérée et l'ordre de sa déportation a été annulé ! Même s'il s'agit d'une bonne nouvelle, elle n'aurait pas dû initialement être détenue. La Sûreté générale devrait immédiatement mener une enquête concernant les violations qu'elle a subies", a écrit sur Twitter Aya Majzoub, chercheuse sur le Liban au sein de Human Rights Watch.
‼️UPDATE: Nada has been released, and the deportation order against her has been dropped!!!
— Aya Majzoub (@Aya_Majzoub) December 8, 2021
While this is good news, she should not have been detained in the first place, and General Security should immediately conduct an investigation into the due process violations she faced. https://t.co/ZQP4P47XgW
"Je n'ai pas compris pourquoi"
Contactée par L'Orient-Le Jour, la journaliste, qui a des origines syriennes, affirme ne pas connaitre les raisons pour lesquelles elle a été arrêtée. "Le 16 novembre, les service de renseignement, les FSI et le moukhtar sont entrés chez moi. Ils ont commencé à fouiller mon appartement sans aucun mandat de perquisition. Je n'ai pas compris pourquoi, parce qu'aucune plainte n'a été déposée contre moi", raconte-t-elle. Elle suspecte toutefois que cette arrestation soit "en lien avec la Palestine", envers laquelle elle ne cache pas son engagement. Les enquêteurs lancent toutefois contre elles plusieurs accusations, notamment qu'elle effectue des opérations illégales de change, qu'elle aide des Syriens à se rendre clandestinement en Turquie et, s'appuyant sur un joint de cannabis trouvé lors de la perquisition, qu'elle consomme de la drogue. C'est pour ce dernier motif que son partenaire reste également détenu deux semaines.
Pendant les interrogatoires, les policiers accordent aussi une attention importante au fait qu'elle soit journaliste étrangère "parce qu'ils ne veulent pas que l'on couvre ce qu'il se passe au Liban", selon elle. La jeune femme reproche encore à la Sûreté générale d'avoir "continué à lui mettre la pression alors même que les poursuites avaient été abandonnées par le juge" en charge de l'affaire, lui refusant d'entrer en contact avec son avocate et l'ambassade des États-Unis. Elle ne sait d'ailleurs même pas comment sa représentante légale a fini par apprendre qu'elle avait été arrêtée.
Sur son compte Twitter, Nada Homsi indique être basée à Beyrouth et travailler pour plusieurs médias, notamment National Public Radio (NPR), le New York Times, Foreign Policy et Middle East Eye, et couvrir des sujets relatifs au Liban et à la Syrie.
"Tentative d'intimidation"
L'avocate de la journaliste, Me Diala Schéhadé, relancée au téléphone, souligne de son côté que la Sûreté avait décidé de prolonger la détention dans l'attente d'une future déportation. "Cela est illégal, ce n'est pas à la SG de décider si elle doit être expulsée ou pas, mais au juge", insiste l'avocate. Si les forces de sécurité ont également reproché à Mme Homsi de ne pas avoir de permis de travail en règle, la raison de son arrestation n'a jamais été clairement précisée, si ce n'est une vague allusion à des "raisons de sécurité", sans plus de détail. Elle dénonce donc une "tentative d'intimidation".
L'avocate souligne enfin que c'est la médiatisation de cette affaire qui a permis d'accélérer sa libération, en plus des pressions exercées par la famille Homsi auprès de l'ambassade US.
Communiqué conjoint
La détention de Nada Homsi n'avait été rendue publique que mercredi matin, dans un communiqué conjoint de Human Rights Watch et Amnesty international, alors que des efforts en coulisses avaient lieu pour obtenir la libération de la journaliste.
"Le procureur a ordonné sa libération le 25 novembre, et la Sûreté générale a émis un ordre de déportation à son encontre mais continue de la détenir de manière arbitraire", dénonçaient plus tôt HRW et Amnesty. Les ONG indiquaient qu'aucune poursuite sécuritaire ou militaire n'a été lancée contre Nada Homsi, mais que celle-ci est poursuivie pour consommation de drogue. "Les agents de la SG ont interdit à Nada Homsi de contacter sa famille ou un avocat pendant six jours après sa détention", dénonçaient les deux ONG. "Ils l'ont également interrogée en l'absence d'un avocat, en violation de l'article 47 du Code de procédure criminelle", soulignaient HRW et Amnesty. "Lorsqu'elle a insisté sur son droit à un avocat, on lui a dit que ces droits ne s'appliquent pas à la SG", indique Diala Chehadé.
Selon la loi libanaise, une personne peut être détenue pendant un maximum de 96 heures sans poursuites à son encontre, après quoi, elle doit être libérée, rappellent HRW et Amnesty.
Les deux ONG ont fait savoir qu'elles avaient envoyé une lettre, le 1er décembre, au directeur de la SG, le général Abbas Ibrahim, plaidant auprès de lui pour la libération de Nada Homsi et une enquête sur les actions de ses subordonnés. Mais elles soulignent n'avoir pas eu de réponse à leur lettre.
Selon le rapport annuel publié par Reporters sans frontières (RSF), le Liban occupe la 107e place sur 180 en matière de liberté de la presse, perdant ainsi cinq places par rapport au classement 2020. Une régression qualifiée d'inquiétante par les observateurs.
Le mois dernier, le journaliste du quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, Radwan Mortada, a été condamné à un an et un mois de prison par contumace par le Tribunal militaire pour "outrage à l'institution militaire et son commandant en chef", après avoir évoqué une éventuelle responsabilité de l'armée dans les explosions meurtrières du 4 août 2020 au port de Beyrouth.
La journaliste américaine basée à Beyrouth Nada Homsi, qui était détenue par la Sûreté générale depuis le 16 novembre à la suite d'une perquisition à son domicile jugée arbitraire par des ONG, a été libérée mercredi après-midi, a annoncé Human Rights Watch. Un ordre de déportation qui avait été émis à son encontre a également été annulé."Nada a été libérée et...
commentaires (6)
C'est du Bachar tout craché ! cette action montre aussi que le Hezbollah et ses amis n'en ont rien a foutre de la Palestine, que cette dame soutient, et que leur focus est le régime Syrien que cette même dame semble ne pas aimer. La messe est dite.
Pierre Hadjigeorgiou
10 h 51, le 09 décembre 2021