Walid Joumblatt ne « souhaite pas s’inscrire dans un front politique contre le Hezbollah ». C’est ce qu’il affirme dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, en réponse aux débats qu’ont suscités ses propos virulents contre la formation chiite. Le leader druze s’en était violemment pris au parti de Dieu lundi dernier, estimant « avoir été trop patient avec le Hezbollah » et accusant le parti pro-iranien de vouloir mener le pays à l’effondrement économique, notamment en faisant courir le risque aux Libanais dans le Golfe d’être expulsés suite à la crise diplomatique entre l’Arabie saoudite et le Liban. « Ma position était spontanée et l’expression d’une âpre réalité. Nous étouffons et il fallait pousser un cri », dit-il à L’OLJ.
Depuis les affrontements de Tayouné qui ont opposé des membres du tandem chiite Amal-Hezbollah à des éléments armés appartenant probablement aux Forces libanaises, la scène politique se repolarise à vitesse grand V. L’escalade menée par l’Arabie saoudite, qui a quasiment coupé, à l’instar de plusieurs pays du Golfe, ses relations diplomatiques avec le Liban, a renforcé cette dynamique, concentrant le débat national autour de l’influence du Hezbollah dans et sur l’État libanais. Mais alors que le contexte pourrait être propice à la création d’un front politique contre le parti de Hassan Nasrallah, Walid Joumblatt refuse de s’inscrire dans cette logique. « J’en ai assez des fronts », affirme celui qui en a connu beaucoup en plus de quarante ans de vie politique au Liban. Craignant « le retour de la guerre civile », le chef du PSP semble ainsi fermer la porte, du moins pour le moment, à une alliance stratégique, et non seulement électorale, avec Samir Geagea. Soutenu par Riyad, le chef des FL paraît en effet vouloir prendre la tête d’un front élargi contre le parti de Hassan Nasrallah.
« Je ne suis l’homme de personne »
« Je ne suis l’homme de personne et que personne ne me prenne pour acquis. » C’est un message à plusieurs destinataires que le leader druze tient à faire passer. D’abord au Hezbollah, dans une claire volonté de prendre ses distances avec ce parti avec qui il a cherché ces dernières années à composer. « Certaines de mes positions convergent avec celles du Hezbollah, donc cela arrange le parti, mais lorsque vous vous opposez à ses intérêts, vous êtes dans son collimateur », dit le chef du PSP. Ce dernier défend la préservation des rapports entre le Liban et les pays du Golfe et considère qu’il « n’est pas acceptable de les provoquer et de les amener à nous isoler, car cela va à l’encontre de l’intérêt populaire, historique et politique du Liban ». Mais le message du leader de Moukhtara s’adresse aussi à ceux qui ont vu dans ses derniers propos contre le parti chiite un alignement sur la politique de Riyad au Liban. Après ses critiques contre le Hezbollah, le responsable de l’unité de liaison et de coordination du parti chiite, Wafic Safa, a appelé le député Waël Bou Faour pour s’en plaindre. Mais Walid Joumblatt maintient ses propos et considère que « les politiques qui vont à l’encontre de l’intérêt libanais sont allées trop loin ».
« Hariri a une place particulière dans mon cœur »
À quelques mois des législatives, qui doivent normalement se tenir le 27 mars prochain, Walid Joumblatt prépare la bataille électorale. « Il est impératif que cette échéance se tienne », assure-t-il, se disant inquiet d’une tentative de la saboter. Dans la Montagne, le chef du PSP fera une nouvelle fois alliance avec les FL, contre le Courant patriotique libre de Gebran Bassil avec qui il n’y a « aucun dénominateur commun ». Et ce, malgré ses remarques quant à l’attitude du chef des FL après les affrontements de Tayouné. « Si j’étais à la place de Samir Geagea, je me serais présenté à la convocation » de la justice, dit-il. Le chef des FL avait été convoqué par la justice suite aux affrontements de Tayouné.
Le leader druze insiste également sur la nécessité de préserver l’alliance avec le courant du Futur de Saad Hariri, alors que les relations entre les deux hommes sont en dents de scie depuis le soulèvement d’octobre 2019. « L’alliance avec le courant du Futur et les sunnites revêt un enjeu historique et il n’est pas question de la laisser tomber », affirme Walid Joumblatt. « Il est vrai que nous avons eu des différends politiques avec Saad Hariri. Mais lui et sa famille politique tiennent une place particulière dans mon cœur. J’avais des critiques quant à sa gestion de certains dossiers, mais cela ne veut pas dire que notre relation stratégique devrait en pâtir », ajoute-t-il. Le leader sunnite, qui est à l’étranger depuis des semaines, devrait normalement revenir prochainement à Beyrouth pour annoncer la feuille de route de sa formation en vue des législatives. En attendant, Walid Joumblatt s’est récemment réuni avec la députée Bahia Hariri pour préparer l’échéance électorale.
À l’instar des autres formations traditionnelles, le chef druze devrait avoir besoin de ses alliés pour éviter de perdre du terrain dans un contexte de grande défiance à l’égard de la classe dirigeante. Celui qui s’est récemment montré critique vis-à-vis du soulèvement du 17 octobre est clairement sur la défensive. Le chef du PSP ne semble pas avoir digéré le slogan phare de la thaoura, « kellon yaane kellon » (tous ça veut dire tous ! ), considérant celui-ci injuste à son égard et ne prenant pas en compte les luttes du passé. « Ma place au sein du pouvoir n’a jamais été aussi importante que celle des autres », dit-il, en invitant ses détracteurs à fournir des preuves de la corruption dont ils l’accusent.
« Aucune raison d’être optimiste pour le Liban »
Paradoxalement, le chef du PSP, connu pour son goût pour la géopolitique, considère que les dossiers régionaux doivent être mis de côté, l’essentiel étant de « parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour débloquer une aide qui permettrait au Liban et à ses habitants de respirer ». « L’objectif doit être aujourd’hui d’avoir un minimum de stabilité, rien de plus », ajoute-t-il.
Le Premier ministre Nagib Mikati a annoncé mardi que les chiffres des pertes financières de la Banque du Liban (BDL) et des banques avaient enfin été unifiés et envoyés au FMI, sans en préciser les montants. Le porte-parole du FMI, Gerry Rice, avait pour sa part assuré le 5 novembre que les « discussions préparatoires techniques » entre le Liban et les experts de l’organisation avaient « commencé ».
« Il n’y a aucune raison d’être optimiste pour le Liban ou pour la région », conclut le leader druze sur un ton fataliste. Selon lui, le pays du Cèdre est en train de perdre son identité et est « menacé de disparition ».
Il a dit se qu'il pense...message bien reçu par le Hezbollah and co...
12 h 41, le 12 novembre 2021