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Économie - Crise avec les pays du Golfe

Ce que l’économie libanaise risque de perdre

Pour les organismes économiques, le boycott saoudien est une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs qui parvenaient encore à exporter leurs produits depuis avril, notamment les industriels.

Ce que l’économie libanaise risque de perdre

Le groupement des chefs d’entreprise libanais dans le monde a regretté qu’« après avoir fait fuir les Libanais en détruisant l’économie, la classe politique libanaise veut les poursuivre jusque dans leurs pays d’accueil ». Joseph Eid/archives AFP

Nouvel épisode dans l’interminable feuilleton des tensions diplomatiques entre les pays du Golfe et le Liban sur fond de conflit par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Vendredi soir, le royaume wahhabite a annoncé plusieurs importantes mesures de rétorsion après les propos du ministre de l’Information Georges Cordahi concernant la guerre au Yémen et l’implication des pays du Golfe dans ce conflit, « le contrôle » du Hezbollah qualifié de « terroriste » sur le pouvoir de décision de l’État, le soutien du parti chiite aux houthis du Yémen ou encore le fait de n’avoir « mis en place aucune des mesures réclamées concernant le trafic de drogue cachée dans des produits d’importation ». Samedi, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhan, a déclaré qu’« il n’y avait pas de crise avec le Liban, mais une crise au Liban en raison de l’hégémonie iranienne ».

L'édito d'Elie Fayad

Le prix des incohérences libanaises

Sur le plan des relations économiques, l’Arabie saoudite a pour l’heure annoncé la suspension de l’ensemble des importations de produits libanais, étendant ainsi un premier boycott limité aux produits agricoles décrété en avril dernier. Le royaume a aussi appelé ses ressortissants à ne pas se rendre à Beyrouth, invoquant l’instabilité sur le plan de la sécurité. Malgré certains échos dans le débat public, aucune annonce concernant des mesures au niveau des services bancaires et financiers n’avait été communiquée jusqu’à hier soir, y compris en interne. Le royaume s’est également voulu rassurant concernant la sécurité des Libanais résidant sur le territoire saoudien, estimant que « les déclarations provenant des autorités libanaises ne reflètent pas la position de la diaspora libanaise dans le royaume ». Enfin, si les autres pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar) se sont tous alignés peu ou prou sur la position diplomatique saoudienne, aucun n’avait encore adopté de mesures de rétorsion économiques à l’égard de Beyrouth, selon plusieurs sources concordantes.

Diaspora et transferts
Les secousses diplomatiques entre le Liban et les pays du Golfe ont toujours été source de sueurs froides, compte tenu de l’importante communauté libanaise installée dans ces pays, des montants qu’elle transfère chaque année au Liban, du pouvoir d’achat des touristes arabes qui viennent durant l’été et de la part non négligeable de produits libanais absorbés par ces pays. Cette dépendance s’est amplifiée depuis le début de la crise que traverse le Liban, qui s’est traduite par l›effondrement de son économie comme de son secteur financier et une émigration massive de ses forces vives.

Les indicateurs démontrent par exemple que si les transferts des expatriés ont baissé de 10,5 % pour atteindre 6,63 milliards de dollars en 2020, selon la Banque du Liban, leur solde net a augmenté de 20 % (3,69 milliards de dollars). Surtout, leur part dans le PIB a bondi de 14,4 % en 2019 à 29,4 % en 2020, des proportions qui sont passées de 6 à 16,3 % en ce qui concerne le solde net. Or, une majorité de ces fonds, devenus presque indispensables dans le contexte de crise actuel marqué par la chute vertigineuse de la monnaie et le maintien de restrictions bancaires, provient des expatriés dans le Golfe. Il est généralement admis que plus de la moitié de ces fonds proviennent des pays du CCG.

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Autre signe qui confirme l’augmentation de la dépendance du Liban vis-à-vis des pays du Golfe : selon plusieurs sources, notamment proches des organismes économiques (organisation patronale), le nombre de Libanais qui ont quitté leur pays pour s’installer dans le Golfe a fortement augmenté avec la crise. Selon Élie Rizk, qui préside une association dédiée au développement des relations économiques entre le Liban et le Golfe, pas moins de 550 000 Libanais résident dans les pays du CCG, dont 350 000 en Arabie saoudite. Un nombre qui pourrait avoir fortement augmenté ces deux dernières années, juge pour sa part une source au sein des organismes économiques, qui ne comptabilise pas les dizaines de milliers de ressortissants libanais qui font la navette chaque année entre le Liban et les pays du Golfe dans le cadre de leur activité ou leur métier.

En plus d’envoyer de l’argent à leurs familles ou pour soutenir leurs entreprises sur place, les Libanais du Golfe représentent l’essentiel des touristes qui visitent encore le Liban. Selon les données de la société suisse Global Blue, spécialisée dans la restitution de la TVA pour les achats des touristes – lesquels sont constitués de nombreux Libanais résidents dans le Golfe –, la part de ceux venant des Émirats (21 %), d’Arabie saoudite (6 %), du Qatar (6 %) et du Koweït (3 %) pèse à elle seule 36 % du total sur cette période. En septembre, le syndicat des hôteliers libanais avait souligné que le secteur touristique comptait toujours sur les touristes du Golfe qui effectuent les « plus longs » séjours au Liban et qui y « dépensent le plus ».

Commerce et industrie

Enfin, de par la taille de son territoire et de sa population, son poids diplomatique et le fait qu’il se situe sur le tracé des voies d’exportation terrestres vers le Golfe – notamment pour les camions réfrigérés –, l’Arabie saoudite est généralement le pays dont les décisions sont les plus douloureuses pour le Liban en matière de commerce international. Si les montants exacts en jeu sont difficiles à chiffrer – notamment en raison des différences entre les chiffres des douanes libanaises et ceux de certains de ses partenaires –, il est possible de se faire une idée sur les proportions. Selon des données rapportées par l’ambassade du Liban en Arabie saoudite et relayées par la presse, la valeur des échanges entre les deux pays a atteint en moyenne 600 millions de dollars par an sur les six dernières années, et le royaume wahhabite est la deuxième destination des exportations libanaises après les Émirats arabes unis.

Pour mémoire

Quelles sont les répercussions de l’interdiction des exportations agricoles vers l’Arabie saoudite ?

À titre d’exemple et selon des chiffres collectés dans un article précédent publié le 3 juillet, les exportations industrielles libanaises vers l’Arabie saoudite pèsent 300 millions de dollars chaque année, soit plus du quart du total vers le CCG et près de 10 % du total (3,54 milliards de dollars en 2020, selon les chiffres officiels compilés sur le site du Trésor français). En ce qui concerne les exportations agricoles, qui font la une de l’actualité ces derniers mois, suite à une première interdiction en avril d’entrée des marchandises libanaises sur le territoire saoudien, elles ont atteint près de 240 millions de dollars en 2020, selon l’Autorité générale de la statistique du royaume d’Arabie. Des paramètres régulièrement mis en avant par le secteur privé pour dénoncer la gestion, côté libanais, des relations diplomatiques avec le Golfe.

La réaction des entrepreneurs
Selon la source au sein des organismes économiques, le boycott saoudien est une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs qui parvenaient encore à exporter leurs produits depuis avril, notamment les industriels. « L’interdiction saoudienne des produits agricoles n’a englobé que quelques catégories de produits issus de l’industrie agroalimentaire. Mais aujourd’hui, tout le monde est pénalisé », assure-t-elle.

Dans nos archives

Retour sur les enjeux de l’escalade saoudienne

Le président de l’Association des industriels Fady Gemayel est d’ailleurs monté au créneau samedi pour fustiger « l’irresponsabilité » d’une classe politique dans la gestion de ses relations avec le Golfe et l’impact dévastateur pour « des dizaines de milliers de familles » du boycott saoudien visant les produits libanais. « La vraie dignité consiste à refuser d’exécuter les ordres ou les volontés de toute partie qui utilise le pays pour passer ses messages », a notamment fustigé l’entrepreneur. Lors de la même journée, les organismes économiques – dirigés par l’ancien ministre et homme d’affaires Mohammad Choucair – ont exprimé lors d’une réunion « urgente » leur « attachement » au gouvernement dirigé par Nagib Mikati, tout en l’appelant à « prendre les mesures convenables » pour résoudre la crise, sans plus de précisions. Ils ont aussi implicitement demandé au ministre Georges Cordahi de démissionner et prévenu enfin que si cette crise n’était pas résolue « dans les prochains jours », ils appelleraient à une grève ouverte. Le président du groupement des chefs d’entreprise libanais dans le monde, Fouad Zmokhol, a, lui, regretté qu’« après avoir fait fuir les Libanais en détruisant l’économie, la classe politique libanaise veut les poursuivre jusque dans leurs pays d’accueil ».

Une source proche des agriculteurs a pour sa part relativisé l’impact du resserrement de boulons saoudiens. « En ce qui concerne notre secteur, la situation est simple : il n’y a plus rien qui passe par le royaume depuis fin avril, que ce soit pour être vendu sur place ou transiter vers d’autres destinations du Golfe. La situation sera toutefois différente si les autres pays du Golfe suivent », a-t-elle estimé.


Nouvel épisode dans l’interminable feuilleton des tensions diplomatiques entre les pays du Golfe et le Liban sur fond de conflit par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Vendredi soir, le royaume wahhabite a annoncé plusieurs importantes mesures de rétorsion après les propos du ministre de l’Information Georges Cordahi concernant la guerre au Yémen et l’implication des...

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SI HASSAN CORDAHI AVAIT UN GRAIN D,AMOUR PROPRE ET DE DIGNITE ET UN GRAIN D,APPARTENANCE A CE PAUVRE PAYS IL N,OBEIRAIT PAS A SON PANURGE HASSAN FRANGIEH ET DEMISSIONNERAIT DANS L.IMMEDIAT POUR SAUVER NE FUT-CE QUE LES INDUSTRIELS ET LES EXPORTATEURS DE SON PAYS.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 14, le 01 novembre 2021

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Commentaires (4)

  • SI HASSAN CORDAHI AVAIT UN GRAIN D,AMOUR PROPRE ET DE DIGNITE ET UN GRAIN D,APPARTENANCE A CE PAUVRE PAYS IL N,OBEIRAIT PAS A SON PANURGE HASSAN FRANGIEH ET DEMISSIONNERAIT DANS L.IMMEDIAT POUR SAUVER NE FUT-CE QUE LES INDUSTRIELS ET LES EXPORTATEURS DE SON PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 14, le 01 novembre 2021

  • On ne réalise pas, pour le moment, l’ampleur des dégâts occasionnés par un seul individu… le Liban « exportait ses produits agricoles vers l'ensemble du Golfe, avec un taux avoisinant 73 pour 100, soit environ 500 000 tonnes par an dont la moitié pour la seule Arabie Saoudite … Il est a noter que la majeure partie de la production agricole provient d’une région controlée par le parti de dieu. A moins d’avoir reçu l’assurance de pouvoir écouler cette production ailleurs … à court terme cette attitude des hezbollahis se retournera contre eux … la base des agriculteurs qui leur est inféodée se retournera contre eux ..

    C…

    10 h 15, le 01 novembre 2021

  • SA POPULATION. ET SANS POPULATION PAS D,ECONOMIE PARTANT PAS DE PAYS. DU RIEN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 44, le 01 novembre 2021

  • Le seul avantage de la dépréciation de la livre libanaise est de rendre les prix des produits libanais concurrentiels. Si les exportations sont bloquées, même ce petit "plus" disparaît. Le refus de Cordahi de présenter des excuses et de démissionner, comme la passivité de Mikati sont des coups de poignards dans le dos du Liban et des libanais. Ils n'ont même pas l'excuse d'être des imbéciles et donc, savaient parfaitement ce qu'ils faisaient. Comment appelle-t-on cela? Voyons, un mot de 9 lettres, ant par "t"?

    Yves Prevost

    06 h 47, le 01 novembre 2021

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