
Les drapeaux libanais et saoudien. Photo d'illustration. Joseph EID / AFP
La décision saoudienne de cesser les importations en provenance du Liban, de rappeler son ambassadeur à Beyrouth et de renvoyer l’ambassadeur libanais en poste dans le royaume est sans nul doute disproportionnée. Elle fait suite à des propos tenus par Georges Cordahi sur al-Jazeera, critiquant l’offensive saoudienne au Yémen, avant qu’il ne soit nommé ministre de l’Information. Excessive, la réaction du royaume n’en est pas moins cohérente pour autant avec sa politique à l’égard du pays du Cèdre ces dernières années et n’est, en ce sens, pas vraiment surprenante.
C’est là que le bât blesse. Aucun responsable libanais ne pouvait ignorer que l’Arabie saoudite, dans ce contexte, ne supporterait pas le moindre faux pas supplémentaire à son égard. On peut bien sûr critiquer cette approche. Mais à partir du moment où le gouvernement Mikati a fait de la réconciliation avec le Golfe, et donc avant tout avec Riyad, la priorité de son gouvernement, il devait agir de façon conséquente avec cet objectif. Et ne pas tolérer qu’une personnalité tenant des propos perçus comme hostiles à Riyad demeure au sein du cabinet. Le soutien apporté à Georges Cordahi par le Hezbollah laisse penser que le parti de Dieu était opposé à sa démission, et confirme que cette affaire relève d’un enjeu qui dépasse largement les propos tenus par l’ex-vedette de télévision.
Le royaume attendait la moindre occasion pour marquer un peu plus sa désapprobation vis-à-vis de la situation libanaise. Cette approche s’inscrit dans la continuité de sa politique depuis 2017, lorsqu’il a contraint Saad Hariri, alors Premier ministre, à démissionner depuis Riyad avant de le séquestrer pendant plusieurs jours. L’Arabie saoudite n’a cessé, depuis, de s’éloigner du Liban, considérant que le pays est sous la coupe du Hezbollah, obligé de l’Iran, son plus grand rival dans la région. L’affaire du captagon a un peu plus envenimé les relations entre les deux pays, alors que cette drogue notamment produite en Syrie et au Liban a été exportée à plusieurs reprises depuis Beyrouth vers les pays du Golfe. Le 25 avril dernier, Riyad avait suspendu l’importation de produits libanais suite à la saisie par les autorités saoudiennes de cinq millions de pilules de captagon dissimulées dans des grenades en provenance de Beyrouth.
Contre-productive
La logique du royaume est assez simple : pourquoi venir en aide à un pays dominé selon lui par un parti qui lui est fondamentalement hostile ? Pourquoi venir en aide à un pays dont certains responsables critiquent ouvertement l'Arabie saoudite alors même que le gouvernement assure vouloir tout faire pour restaurer les liens ?
Logique, la politique de Riyad n’en est pas moins contre-productive puisqu’elle a accéléré le renforcement de l’influence de Téhéran au Liban. Jamais le Hezbollah n’a ainsi semblé aussi dominant sur la scène libanaise. Et personne n’a réussi à compenser le vide laissé par le retrait de Riyad. Mais ce dernier n’en a que faire. Pour lui, le Liban n’est pas un enjeu de premier ordre qui implique de faire des concessions. Soit le pays du Cèdre modifie sa trajectoire politique - c’est à dire que le Hezbollah se met en retrait - soit le royaume continuera non seulement de l’ignorer mais de l’isoler diplomatiquement.
C’est ce qu’il faut toujours garder en tête concernant ce dossier : en l’état actuel, l’Arabie saoudite est beaucoup plus importante pour le Liban que le Liban ne l’est pour elle. Sur un double plan économique et politique. On peut s’en désoler, mais à moins d’avoir les moyens de changer cette réalité, il faut être capable de s’y adapter.
Mikati sur la sellette
Pour rappel, des centaines de milliers de Libanais travaillent actuellement dans le Golfe et envoient régulièrement de l’argent à leurs familles restées sur place. Sans cela, l’économie libanaise, déjà en déliquescence, serait totalement asphyxiée. Les dernières mesures annoncées par Riyad vont d’ailleurs l’affecter un peu plus alors que l’Arabie saoudite était en 2020 le troisième partenaire le plus important du pays du Cèdre. On parle ici d’un marché de plus de 200 millions de dollars.
Mais le plus important est ailleurs. Pour relever la tête, le Liban a absolument besoin d’une aide financière extérieure. Et tout le monde a conscience que pour que la somme soit conséquente, il faut que les pays du Golfe, Arabie en tête, mettent la main à la pâte. C’est dans cette logique que les ambassadrices française et américaine s’étaient rendues à Riyad en juillet dernier pour tenter de convaincre l’Arabie de faire un geste en direction du Liban. Sans succès.
Sur le plan politique, l’escalade saoudienne met le gouvernement Mikati sur la sellette. Celui qui était venu pour stabiliser la situation et qui devait, avant les élections législatives, remettre le Liban sur les bons rails afin de lancer les négociations avec le FMI, a été largement rattrapé par les querelles politiques entre les différents acteurs dont plusieurs de ses composantes. Après les événements de Tayouné, la décision saoudienne renforce la dynamique en cours : l’heure est au retour de l’extrême polarisation autour de la question du Hezbollah. Tous les acteurs en ont conscience et s’adaptent à la situation. En témoigne le réveil de Saad Hariri qui s’en est pris de manière frontale au parti de Dieu pour la première fois depuis 2014.
A l’instar de son principal allié au Liban, les Forces libanaises, Riyad a clairement décidé de durcir le bras de fer avec le Hezbollah, peut-être pour pousser les forces qui s’opposent au parti chiite à s’unir en vue des législatives prévues le 27 mars prochain. Si celles-ci ont bien lieu, elles risquent de se tenir dans un climat de grandes tensions, dans lequel les mouvements issus de la société civile auront bien du mal à exister. Mais aussi à éviter que l’élection ne se joue que sur une seule question : pour ou contre le Hezbollah ?
La décision saoudienne de cesser les importations en provenance du Liban, de rappeler son ambassadeur à Beyrouth et de renvoyer l’ambassadeur libanais en poste dans le royaume est sans nul doute disproportionnée. Elle fait suite à des propos tenus par Georges Cordahi sur al-Jazeera, critiquant l’offensive saoudienne au Yémen, avant qu’il ne soit nommé ministre de l’Information....
commentaires (15)
""un pays dominé selon lui par un parti qui lui est fondamentalement hostile ?"" ah oui? domine SELON LUI par hezb ? SELON LUI ? Contre-productive la reaction du CCG ? non mais c'est quoi cette tirade? laisser a khamenai champ libre au Liban ? mais on sait tres bien que c'est devenu verite de la palice: PAS DE LIBERTE AU PAYS DES CEDRES TANT QUE CA DEPLAIT AU NEO PERSAN. UN DICTION LIBANAIS DIT: FERME LA FENETRE QUI T'EMMENES DU VENT. UN AUTRE: EVITER LEURS ODEURS IMPLIQUE NE FAUT JOUER AVEC LES EGOUTS .
Gaby SIOUFI
10 h 22, le 01 novembre 2021