La guerre verbale à laquelle se sont livrés samedi dernier le mouvement Amal et le Courant patriotique libre, sur fond d’accusations de torpillage des législatives lancées contre le CPL, est venue surcharger un climat déjà alourdi par la menace de boycott brandie, le 12 octobre, par le Hezbollah et Amal, des réunions du Conseil des ministres. Depuis, le tandem chiite semble résolu à ne rien céder concernant sa demande de dessaisissement du juge d’instruction Tarek Bitar, chargé de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, laquelle met en cause entre autres de hauts responsables d’Amal. Si l’on y ajoute les échanges politiques virulents du week-end entre Amal et le CPL, l’espoir de voir les institutions reprendre un fonctionnement normal sous peu semble faible.
Dans un communiqué au vitriol, le parti du président de la Chambre Nabih Berry a en effet accusé samedi les aounistes de chercher à créer des tensions entre le Hezbollah et Amal et de vouloir « torpiller » les élections législatives de mars 2022, par crainte de résultats défavorables. Ces accusations font référence au fait que le président de la République Michel Aoun a renvoyé vendredi à la Chambre le texte de loi adopté au cours de la toute dernière séance parlementaire, apportant d’importants amendements à la loi électorale, en avançant au 27 mars 2022 la date des élections initialement prévues le 8 mai et en autorisant les Libanais de l’étranger à voter pour les candidats en lice dans leur circonscription d’origine, et non pour six parlementaires qui représenteraient les émigrés au sein d’une circonscription qui viendrait s’ajouter aux quinze locales prévues par la loi de 2017.
La décision du président marquerait le coup d’envoi d’une épreuve de force qui pourrait avoir des retombées sur les préparatifs des législatives, sur la campagne électorale et peut-être même sur la tenue du scrutin. « Le Courant patriotique libre n’a plus aucune honte face aux catastrophes dans lesquelles le mandat présidentiel a entraîné le pays, jusqu’à l’enfer, comme l’a déclaré le président Michel Aoun dans son discours désormais célèbre », a lancé le mouvement Amal, en référence à une déclaration du chef de l’État en septembre 2020. Celui-ci avait alors affirmé, un mois après la double explosion au port de Beyrouth et la démission du cabinet de Hassane Diab, que si un nouveau gouvernement n’était pas rapidement formé, le Liban se dirigerait « vers l’enfer ». Évoquant « la faillite politique et populaire » du parti aouniste, le mouvement Amal l’accuse de vouloir « inventer des scénarios imaginaires afin de cacher la réalité des faits » et les « crimes politiques et sociaux » qu’il a commis.
Le mouvement dirigé par Nabih Berry a en outre accusé le CPL de vouloir « créer des dissensions dans l’alliance réelle entre le Hezbollah et Amal », lui reprochant de « politiser la justice via des chambres secrètes dirigées par Salim Jreissati, qui supervise le travail du juge Tarek Bitar », en charge de l’enquête sur les explosions du 4 août 2020. M. Jreissati est conseiller du chef de l’État et ancien ministre de la Justice. Il n’a d’ailleurs pas tardé à répondre aux accusations d’Amal. « Accuser le juge en charge de l’instruction au port de Beyrouth d’agir sur les ordres d’une “chambre noire” que je dirigerais et superviserais est un acte honteux et criminel, qui fait preuve de légèreté et d’injustice », a-t-il affirmé hier dans un communiqué. « Si la politique du mouvement Amal et ses prises de position nationales et régionales sont fondées sur des fausses accusations de ce genre et ce refrain passablement ennuyeux, je le félicite et félicite ses porte-parole pour leurs positions dont l’échec est impressionnant », a-t-il ironisé.
Accusations « extrêmement graves »
« Les aounistes ont ouvert le feu sur nous de manière totalement injustifiée allant jusqu’à nous accuser d’avoir orchestré le coup de Tayouné en collusion avec les Forces libanaises. Ce sont des accusations extrêmement graves qui peuvent nous faire beaucoup de mal au niveau de notre base populaire », commente pour L’Orient-Le Jour un député issu du groupe parlementaire de M. Berry.
À l’issue de sa réunion hebdomadaire, le bureau politique du CPL avait notamment évoqué les affrontements du 14 octobre à Tayouné et dénoncé une « collusion », au sein du Parlement, entre les FL et le mouvement Amal. Face à cette situation et à la « collusion du tandem de Tayouné », le CPL a réitéré son engagement dans l’accord de Mar Mikhaël conclu en 2006 avec le Hezbollah. « Cet accord est une garantie qui empêche le retour aux lignes de démarcation qui ont séparé les communautés libanaises pendant la guerre civile », ajoute le communiqué du parti.
L’escalade des tensions, par communiqués interposés, entre Amal et le CPL intervient plus d’une semaine après les affrontements de Tayouné, dans le sud de Beyrouth, entre des éléments armés chiites, partisans d’Amal et du Hezbollah, et des tireurs se trouvant dans les quartiers chrétiens bordant le rond-point de Tayouné, probablement membres des Forces libanaises.
Le ton extrêmement virulent utilisé par Amal à l’égard du CPL serait-il, en quelque sorte, un message implicite du Hezbollah envoyé via son allié chiite ? C’est ce que laissent à penser certaines analyses relayées samedi dernier par la presse. Une lecture que, sans surprise, l’on dément catégoriquement dans les milieux proches du Hezbollah. Face aux nombreux défis auxquels il doit faire face, le Hezbollah a plus que jamais besoin de tous ses alliés, surtout les chrétiens parmi eux, notamment le CPL et les Marada, fait valoir une source proche de ces milieux. Preuve en est, la décision du parti chiite de s’allier au camp aouniste en prévision des prochaines législatives.
Paralysie gouvernementale persistante
Dans ce contexte tendu, les efforts déployés en coulisses pour redynamiser l’action du gouvernement se sont avérés à ce jour infructueux. Selon une source proche du Premier ministre Mikati, ce dernier aurait affirmé devant ses visiteurs qu’il ne prendrait pas le risque de réunir le Conseil des ministres dans cette ambiance électrique de peur que le gouvernement n’implose. Le Premier ministre serait toutefois en contact régulier avec les protagonistes en vue de calmer le jeu et les inciter à un retour à la raison. « S’il prend son temps, c’est tout simplement pour que les tensions puissent s’apaiser progressivement. En définitive, personne n’a intérêt à ce que l’impasse dure », indique-t-on de même source.
Du côté du tandem chiite, on persiste et signe : tant que l’affaire de l’enquêteur Tarek Bitar n’a pas été tranchée (en faveur de sa mise à l’écart du dossier), il sera difficile que le travail institutionnel reprenne comme si de rien n’était.
Interrogé par L’Orient Le-Jour, un député du groupe parlementaire Amal qui a requis l’anonymat a toutefois estimé que l’escalade entre le CPL et Amal est à distinguer de la question de la suspension des réunions du Conseil des ministres. Le parlementaire rappelle à ce sujet que les relations entre les deux formations n’ont jamais été au beau fixe et que cette nouvelle guerre verbale en est une manifestation de plus, même si ses répercussions sont autrement plus graves pour Amal.
commentaires (9)
Décidément Bassil/CPL sont acculés le dos au mur ! ils ont la dent dure, contre toute personne ou parti qui puissent leur faire de l’ombre ; mais faire de l’ombre à des nains n’est pas si difficile que ça, il suffit de se mettre à distance, et de les ignorer Royalement. Le soleil fera le reste en tournant de l’est vers l’ouest. lol soyons sérieux, à chaque fois que ces gamins sortent de leurs caches pour justifier leurs présence, ils sont éblouis par le soleil auquel ils ne sont pas habitués, hommes de l’ombre, il ne savent que se mettre a l’abri d’un protecteur tel un judas pour arriver à leur fin. Comme l’expression le dit si bien et, qui sied parfaitement à Bassil , il n’a que de la gueule, rien dans le pantalon et rien du côté du portefeuille **au cœur** Quand on pactise avec le diable, on ne se dédit pas en claquant des doigts, on demeure son serviteur pour l’éternité. C’est la plus grosse erreur que Aoun/CPL/Bassil ont fait. En s’attaquant frontalement à Amal, ils espèrent se libérer des liens qui les relient au Hezbollah. Prouvant ainsi aux quelques Chrétiens naïfs qu’ils les défendent le temps d’une élection, et rejouer le coup de 2016.
Le Point du Jour.
16 h 12, le 25 octobre 2021