Le président russe Vladimir Poutine a affirmé jeudi qu'il est prêt à fournir au Liban des images satellite du port de Beyrouth, afin d'aider le Liban à avancer au niveau de l'enquête sur l'immense explosion du 4 août 2020 qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés dans la capitale libanaise. Il a toutefois affirmé ne pas voir l'utilité de telles images. M. Poutine a dans ce contexte appelé la classe politique à trouver "un compromis" afin de faire face aux problèmes qui frappent le pays sans que du sang ne soit versé, une semaine après les combats miliciens meurtriers du 14 octobre qui ont fait craindre une nouvelle guerre civile dans le pays.
Images satellite du port
Lors d'une conférence du club Valdaï organisée à Sotchi, en Russie, le président russe s'est indigné de la mauvaise gestion des matières explosives stockées au port de Beyrouth, en référence aux centaines de tonnes de nitrate d'ammonium qui avaient provoqué l'énorme explosion. "Des médias ont précisé qu'une cargaison contenant du nitrate d'ammonium a été transportée au port il y a quelques années et que les autorités n'ont pas su quoi en faire parce qu'elles voulaient la vendre et gagner de l'argent. C'est ce qui a surtout causé la catastrophe à mon avis", a estimé le président russe. "Concernant l'enquête, je ne comprends franchement pas comment des images satellite pourraient aider. Nous détenons de telles images, oui. Je promets d'étudier le sujet si cela peut aider. Nous devons d'abord demander à nos collègues si ces images peuvent aider. Si c'est le cas, nous fournirons évidemment ces images", a-t-il ajouté.
Le président libanais Michel Aoun, qui avait évoqué la possibilité d’une attaque "au moyen d’un missile ou d’une bombe", avait déjà demandé à la France de fournir au Liban les images satellite qu'elle pourrait détenir, ce que Paris avait fait.
L'avocat Akram Azoury, membre du barreau de Beyrouth, qui défend la partie civile (les victimes) dans l'affaire de l'explosion du port de Beyrouth, a réagi vendredi aux propos de M. Poutine : "Je remercie le président russe pour sa volonté de coopérer avec la justice libanaise et le prie de transmettre immédiatement au juge Tarek Bitar les images satellite en sa possession sur l'explosion du 4 août. C'est au juge d'instruction de décider, à la lumière des éléments de l'enquête que Vladimir Poutine ignore, de l'utilité de ces images. Aussi, j'invite tous les chefs d'Etats étrangers en possession d'images satellite à les remettre spontanément et dans les plus brefs délais au juge libanais dans le cadre de la bonne foi et de la coopération internationale, nécessaires à l'émergence de la vérité dans cette affaire", a-t-il dit, dans des déclarations à L'Orient-Le Jour.
Plus d'un an après le drame, l'enquête peine à avancer en raison d'ingérences et de pressions politiques visant à torpiller l'instruction. Ces ingérences, de la part notamment du tandem chiite Hezbollah-Amal, mais aussi de responsables politique sunnites et chrétiens poursuivis par le juge Tarek Bitar ont débouché sur des combats miliciens le 14 octobre dans le quartier de Tayouné, dans le sud de Beyrouth, lorsqu'une manifestation du Hezbollah et d'Amal contre le magistrat s'est transformée en accrochages armés qui ont fait sept morts. Hassan Nasrallah, chef du parti chiite, a accusé le leader des Forces libanaises Samir Geagea d'avoir provoqué ces combats. Le juge Bitar, après avoir été dessaisi à deux reprises de l'enquête suite à des recours présentés contre lui par des députés et ex-ministres, a repris ses investigations et compte interroger ces responsables qui refusent de comparaître devant lui.
Trouver "un compromis"
S'exprimant au sujet de la situation dans le pays, notamment suite aux affrontements meurtriers de Tayouné, Vladimir Poutine a insisté sur la nécessité de résoudre les discordes à travers le dialogue sans que du sang ne soit versé.
"(...) Le Hezbollah constitue une grande force politique au Liban", a estimé le président Poutine. "Nous appelons toujours, notamment au Liban à résoudre tous les conflits à travers le dialogue", a-t-il ensuite plaidé. "Nous sommes en contact avec toutes les forces politiques au Liban et nous continuerons à le faire pour parvenir à un compromis et éviter une effusion de sang. Cela ne convient aux intérêts d'aucune partie, notamment au vu de la situation en permanence perturbée au Moyen-Orient ces derniers temps", a-t-il noté. "Nous ferons tout notre possible pour convaincre toutes les parties libanaises de la nécessité de faire primer la raison et d'essayer de trouver un compromis", a insisté le président russe.
commentaires (8)
Que montrent les photos satellite que la France aurait fournis au Liban ? Il est nécessaire que tout pays possédant des images du moment de l’explosion, présentent leurs documentation sans hésiter, vu l’atrocité de cet événement. Sûrement tout pays possédant des satellites aurait déjà bien analysé leurs prises d’images au temp de l’explosion et pourrait tout simplement fournir l’information, de bonne foi, au Liban. Cette évidence doit être fournie sans égards aux répercussions diplomatiques, politiques ou militaires.
Hani Akaoui / SKEMATICS
03 h 42, le 23 octobre 2021