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Nos Lecteurs ont la Parole

Il était une fois le 17 octobre...

Oui, je sais. C’est le 17 octobre qui revient. Oui, je sais… Deux ans... C’était hier...

Cela fait deux ans qu’on a vu naître cette « chose » que certains discréditent en l’appelant « thaoura » avec dédain, et que d’autres regrettent ou dont ils n’osent plus parler. Tellement on a pris des coups depuis. Tellement on se demande s’il ne valait pas mieux fermer sa gueule et continuer de vivre dans ce non-État-de-droit. Cet État qu’on a confondu pendant 30 ans avec la propriété privée d’une poignée de chefs de guerre convertis en geôliers/administrateurs.

Oui, je sais. Cette année, il n’y aura pas de festivités. Pas de carnaval pour la seconde année du mouvement national spontané qui s’est vite fait rattraper par cet axe du mal. Dépassés un après-midi d’août 2020, assassinés une seconde fois une matinée d’octobre 2021. Dégoûtés de ne pas avoir eu le changement qu’on attendait, comment continuer d’y croire ? Étonnés de les voir tricher au jeu de la démocratie, comme si on s’attendait à ce qu’ils jouent fair-play. Comme si la résistance au changement n’était pas le propre du changement lui-même. Et ils sont aux commandes depuis bien trop longtemps pour ne pas connaître le dessous des cartes. Des pros de chez pros. Rapides à épingler tous les maux des deux dernières années sur le dos de la révolte. Car finalement, aux yeux de tous ceux qui sont contre, quand cette thaoura n’est pas traîtresse, elle est juste inutile. Traîtresse pour l’enturbanné à l’index qui voit le monde en noir et blanc, mais qui navigue dans le gris comme pas d’homme, surtout quand ça peut lui rapporter. Traîtresse pour l’autre père et beau-père qui, au lieu de l’embrasser, s’est vite replié sur sa paranoïa maladive et ne l’a vue que de l’œil de la princesse assiégée. Traîtresse pour ceux qui essaient de s’y accrocher et d’en devenir les champions. Traîtresse enfin pour tous ceux qui ont à perdre quand le peuple évolue et demande plus, demande mieux. Un peu comme on a du mal à ne plus être indispensable à ses enfants. 30 ans plus tard. Chacun son rythme.

Or, comment pourrait-elle être traîtresse quand elle est aussi mal organisée ? Cette révolution permanente qui n’a pas vocation à être organisée. Qui a juste à durer le temps d’accoucher de ces quelques leaders qui nous manquent. Pour tout ce qu’elle représente de laïcité, de transparence, de neutralité, d’inclusion… de modernité.

Comment pourrait-elle être inutile, puisque depuis qu’elle existe, tous les partis traditionnels ont repris les trois quarts de ses slogans ? Et même s’ils les ont travestis, un petit peu demeure. Et c’est déjà ça de gagné. Comment peut-elle être inutile, puisque enfin le club des juges a décidé de renforcer la séparation des pouvoirs en certifiant que le juge Bitar pouvait rester en charge de l’enquête du 4 août ? Quand sur tous les campus ou dans tous les syndicats, les indépendants n’arrêtent pas de changer le paysage de la représentativité ?

Sauf que ce n’est pas la victoire qu’on a en tête. Celle qu’il nous faut, celle qu’on attend, se passe dans les urnes. C’est là qu’on va changer. Ce ne sont pas ceux qui gueulent le plus fort qui sont les plus nombreux. Ça fait d’eux uniquement ceux qui gueulent le plus fort. Ce ne sont pas ceux qu’on entend le plus qui ont raison. Ce pays, on y a finalement tous passé nos vies. On y a tous nos souvenirs, et on a le droit d’en construire de bons à l’avenir. Un ou deux bouledogues par ici qui crachent des méchancetés et des menaces n’y feront rien. Ces Libanais de l’avenir, ceux qui servent de l’eau ou des douceurs pour rendre l’attente plus acceptable devant les stations d’essence, ceux qui se jettent corps et âme sur les réparations de quartiers endoloris, ceux qui continuent d’innover malgré les tendances rétrogrades. Ceux-là enfin qui se sont tous retrouvés un 17 octobre 2019 pour crier « assez » et parler d’une autre voix. Ceux-là seront la surprise de 2022. Le plus bruyant, le plus méchant, on l’a déjà vu durant la guerre. On l’a vu au Moyen Âge, et le monde a évolué depuis.

Cette révolution permanente, en gestation pendant 30 ans, ne peut pas se défaire en quelques jours du joug de la corruption de l’après-guerre. Alors, pas de larmes, pas de drames, pas de lamentations. De la patience. C’est au moment où le changement risque de se passer, quand on est au creux de la vague, qu’on est le plus proche de lâcher prise. Et c’est là qu’il faut le plus l’embrasser, ce changement. Pas de marche arrière, l’arrière-goût serait terrible. Il ne reste que d’aller de l’avant, il ne reste que le changement. Et c’est donc un rendez-vous aux urnes. Bien sûr, les élections ne sont pas ce qui va tout faire basculer. Mais comme l’alcoolique qui espère sa rédemption assiste à sa première réunion, la première étape de notre long processus de guérison sera une participation massive, et un vote juste. Malgré les blouses noires et leurs tentatives médiocres d’intimidation.

Et même si dans leurs versions originales, le Petit Chaperon rouge est dévoré, le Petit Poucet égorgé, même si au fond les héros crèvent dans les contes de Grimm ou d’Andersen, c’est bien la version où ils vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours qui nous est restée. Et nous, notre « Il était une fois le 17 octobre » vient à peine de commencer…

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Oui, je sais. C’est le 17 octobre qui revient. Oui, je sais… Deux ans... C’était hier...Cela fait deux ans qu’on a vu naître cette « chose » que certains discréditent en l’appelant « thaoura » avec dédain, et que d’autres regrettent ou dont ils n’osent plus parler. Tellement on a pris des coups depuis. Tellement on se demande s’il ne valait pas mieux...

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Merci Rabih de continuer à porter la flamme de l'espoir malgré et contre tous les sabotteurs de la révolution! Gabriel Sara (New York)

Gabriel Sara

15 h 00, le 20 octobre 2021

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Commentaires (1)

  • Merci Rabih de continuer à porter la flamme de l'espoir malgré et contre tous les sabotteurs de la révolution! Gabriel Sara (New York)

    Gabriel Sara

    15 h 00, le 20 octobre 2021

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