Le Premier ministre libanais, Nagib Mikati, dont le gouvernement a failli imploser un mois après sa formation en raison de ses profondes divergences autour de l'enquête sur l'explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, a affirmé qu'il ne convoquera pas de Conseil des ministres "avant d'avoir trouvé une solution", mais a écarté toute démission à ce stade.
Ces déclarations interviennent quatre jours après une manifestation du Hezbollah contre le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête, qui avait dégénéré en combats de rues à Beyrouth faisant 7 morts et 32 blessés. Les affrontements ont opposé des miliciens chiites du Hezbollah et Amal à d'autres postés dans des quartiers chrétiens, et ont fait craindre une nouvelle guerre civile, mettant encore plus dans l'embarras le gouvernement Mikati.
"Je ne souhaite provoquer personne"
"La situation sécuritaire est stable et il n'y a pas de crainte. Mais politiquement, je ne convoquerai pas de Conseil des ministres avant d'avoir trouvé une solution au problème. Et je ne souhaite provoquer personne", a affirmé M. Mikati, dans un entretien accordé au site d'information al-Modon et publié dimanche. Cette prise de position reflète parfaitement l'approche habituelle de M. Mikati, connu pour arrondir les angles avec les différentes formations politiques.
Mercredi dernier, et pour la seconde fois en 48 heures, le cabinet Mikati avait risqué l’implosion en raison de profonds désaccords sur l’enquête du port et le juge Bitar. Mardi, le ministre de la Culture, Mohammad Mortada, avait clairement affiché sa proximité avec le Hezbollah et Amal, et insisté sur la nécessité de prendre position en Conseil des ministres sur le dessaisissement du juge d’instruction. Cette intervention a provoqué de profondes divisions au sein du cabinet, et la séance avait dû être levée. Le lendemain, la réunion prévue avait été reportée par décision conjointe du chef de l’État et du Premier ministre.
Ce qui provoque l’ire du Hezbollah et de son allié Amal, c’est que plusieurs responsables politiques chiites gravitant dans leur orbite sont poursuivis par le juge Bitar dans le cadre de l’enquête sur le drame du port, qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés. Aucun accord n’a été trouvé entre les différentes parties, et le ministre de la Justice, Henri Khoury, a été mandaté par le président de la République pour trouver une solution acceptable par tous. Mais, jusque-ici, cette démarche n'a donné aucun résultat. Le tandem chiite vient donc de placer le nouveau cabinet face à une équation impossible, en recourant à la rue, et en envisageant une démission de tous les ministres chiites si une décision concernant le juge n’est pas prise en Conseil des ministres.
"Solution politique"
"Je ne vais pas me mêler du travail de la justice. (...) J'en ai informé tout le monde en leur disant que je ne me mêlerai pas du travail du juge d'instruction près la Cour de justice Tarek Bitar", a fait savoir Nagib Mikati à Al-Modon. "La justice doit se réformer elle-même", a estimé celui qui a déjà critiqué à plusieurs reprises le juge Bitar, l'accusant de "populisme". "Il existe des lois et une constitution que nous ne pouvons pas outrepasser. Le litige actuel peut uniquement être résolu par la justice", a tranché le Premier ministre.
Revenant sur les combats de Tayouné, jeudi, dans le sud de la capitale, M. Mikati a plaidé pour une "solution politique". "Ce qui s'est passé doit être traité. Et la solution est politique. Tant que je suis là, je ne permettrai pas que quelqu'un soit victime d'injustice", a affirmé le chef du gouvernement. "Le Liban est le pays des équilibres, et tout le monde doit respecter cela", a-t-il ajouté.
Interrogé sur une possible démission de son gouvernement, il a répondu : "Elle n'est pas envisagée. On ne peut pas abandonner le pays dans ces circonstances et provoquer un vide total au niveau du pouvoir. Nous avons des missions politiques claires : mettre en place un plan de réformes économiques et organiser des élections législatives aux dates prévues. Je suis engagé à respecter ces deux missions".
Dimanche, le patriarche maronite, Béchara Raï, virulent critique du Hezbollah, avait appelé le gouvernement Mikati à se réunir. En outre, le Parlement, qui commence sa session ordinaire d'automne demain mardi, doit en principe plancher sur le dossier de l'enquête sur l'explosion au port, une question qui devrait provoquer des tensions et des joutes verbales entre députés de différents bords. Mardi également, le Conseil supérieur de magistrature (CSM) est censé plancher sur l'affaire du port et la question du juge Bitar. Commentant cette réunion, M.Mikati a affirmé que le CSM ne pouvait pas demander la récusation du juge Bitar. "Il n' a pas le droit de le faire", a-t-il souligné. "La question requiert du temps pour être résolue", a conclu le Premier ministre.
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BEDDOU I RAKKIB EN ARRIERE MIKATI OU I BAHDEL EL DAWLE EDDAM EL MILICHIATE.
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 46, le 18 octobre 2021