Rassemblés à Beyrouth pour commémorer le deuxième anniversaire du soulèvement populaire du 17 octobre 2019, quelques centaines d'activistes ont rallumé dimanche à 18h07, heure symbolique de l'explosion meurtrière, la "flamme de la révolution", une structure métallique installée devant le port de Beyrouth il y a un an. Au cours de cette mobilisation timide, dont le coup d'envoi avait été lancé dans l'après-midi dans plusieurs quartiers de la capitale libanaise, les protestataires ont une nouvelle fois exprimé leur rejet de la classe dirigeante, accusée d'incompétence et de corruption, alors que le Liban poursuit son effondrement socio-économique et financier.
Devant la "flamme de la révolution", les contestataires ont chanté l'hymne national et scandé des slogans du mouvement de contestation, notamment le célèbre "Kellon Yaani Kellon" (Tous, sans exception), avant d'allumer la sculpture.
Ces activistes, qui espèrent "récupérer le pays et construire l’État", s'étaient mobilisés plus tôt dans la journée en plusieurs points de rassemblement : devant le Palais de justice, le Forum de Beyrouth et la place Sassine, avant de converger vers la place des Martyrs, au cœur de Beyrouth. La présence de quelques centaines de personnes était sans commune mesure avec la mobilisation qui avait envahi les rues de Beyrouth aux premiers jours du soulèvement, en octobre 2019.
Plus tôt dans la journée, quelques bus étaient pourtant arrivés remplis de manifestants venus de Tripoli, en renfort de leurs confrères beyrouthins, afin que "la révolution continue", selon leur slogan. Présent sur place, l'activiste tripolitain Rabih Zein a ainsi affirmé à la journaliste Tala Ramadan de notre publication anglophone L'Orient Today que la "révolution doit juste devenir plus unie et croire dans le pays", pour pouvoir porter ses fruits et renverser le système basé sur les "affiliations partisanes". Mohammad el-Bay, qui a fait quatre mois de prison pour son implication en janvier dernier dans des manifestations violentes à Tripoli, la grande ville du Liban-Nord, a déclaré à notre journaliste Zeina Antonios que "si le peuple ne se réveille pas, le pays va s'effondrer". "Nous ne voulons pas de partis, nous voulons vivre", a lancé le jeune homme.
"Faire entendre nos voix"
Présent également sur la place des Martyrs, le militant Samir Skaff, très impliqué dans le soulèvement, a pour sa part affirmé que l'objectif de la mobilisation n'est pas "d'initier un grand changement, mais de montrer aux gens et à la classe politique que nous pouvons faire entendre nos voix et nous unir". "Les gens ne peuvent pas se permettre de payer le transport pour se rendre sur leur lieu de travail, comment pourraient-ils se permettre de venir ici ?", a de son côté estimé le réalisateur Lucien Bou Rjeily à L'Orient Today, justifiant la faible participation. "Toutefois, tous ceux qui le peuvent doivent nous rejoindre pour que la révolution puisse avoir lieu et maintienne sa dynamique, et pour que les droits des Libanais, y compris celui de se déplacer, soient respectés", a-t-il ajouté.
Plus tôt dans la journée, une cinquantaine de personnes s'était réunie, malgré la pluie, près du Palais de justice d'où était partie une marche vers le centre-ville. Sur les lieux, Tarek Charaf affirme que le choix de ce point de départ vise à souligner que ''l'une des revendications du mouvement, depuis les premiers jours de la révolution, est l'indépendance de la justice, surtout après la double explosion au port, qui met en avant l'importance que le secteur judiciaire soit libre de toute ingérence politique". Il souligne à notre journaliste Lyana Alameddine que si la "révolution ne peut pas réussir du jour au lendemain", elle a notamment eu un impact sur les partis politiques traditionnels, qui ''ont peur pour leur subsistance", et estime que, si ces partis ne se sentaient pas acculés, des événements comme ceux de jeudi, où des affrontements armés entre miliciens ont fait sept morts à Tayouné, n'auraient pas eu lieu..
Lina Boubess, 61 ans, une des figures connues de la contestation, dénonce de son côté "l'injustice" et la "classe politique mafieuse" qui est toujours en place. "Depuis le début de la révolution, il y a eu beaucoup de changement, et il ne faut donc pas oublier cette date. Les indépendants ont remporté les élections syndicales et estudiantines. Mais le changement prend du temps, et c'est pour cette raison qu'il ne faut pas abandonner", estime-t-elle.
Répression de la mobilisation à Tyr
Au Liban-Sud, des contestataires qui manifestaient à Tyr vendredi et samedi ont été réprimés et menacés par des éléments du mouvement chiite Amal du président du Parlement Nabih Berry, selon un communiqué publié par un groupe appelé les Révolutionnaires du 17 octobre de Tyr.
Une manifestante venant de cette grande ville du Liban-Sud explique à ce propos que des miliciens ont "occupé les places" de cette localité pour empêcher les manifestants de s'y réunir. "Nous n'avons plus voulu nous rassembler, pour ne pas nous faire tabasser", a-t-elle ajouté, soulignant toutefois "ne plus avoir peur de personne". "La majorité de ma famille sont pro-Hezbollah et disent que je suis une espionne à la solde de l'étranger", explique sous couvert de l'anonymat cette jeune femme.
Des dizaines de milliers de Libanais se sont mobilisés le 17 octobre 2019, pour exiger la chute des dirigeants. Bien que réprimé, ce soulèvement s'est poursuivi pendant plusieurs mois. Son deuxième anniversaire est assombri par les combats miliciens meurtriers jeudi dernier à Beyrouth, en marge d'une manifestation du tandem chiite Hezbollah-Amal contre le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur l'explosion au port de Beyrouth.
Commémoration marquée par la tristesse
Commentant les deux ans de la révolte populaire, le chef de l'Église maronite, le cardinal Béchara Raï, a demandé aux Libanais de s'unir comme ils l'avaient fait en 2019, et déploré que la commémoration de la thaoura soit "marquée par la tristesse, le deuil et la fragmentation".
Enfin, la coordinatrice spéciale des Nations Unies au Liban, Joanna Wronecka, a souligné que "deux ans après le soulèvement du 17 octobre, les exigences du peuple pour une vie décente, un État au service des citoyens, de plus grandes opportunités et pour la justice continuent de résonner". "Cet espoir peut toujours être réalisé par la mise en place de réformes efficaces, une gouvernance avisée et la tenue d'élections libres et transparentes en 2022", a-t-elle fait valoir.
Ces révoltes toutes timides ne mèneront avsolument à rien ! Pensez-vous être des révolutionnaires communistes ? Ce sont les seuls qui pourraient faire des révolutions !
00 h 04, le 18 octobre 2021