À l'occasion du 31e anniversaire de l'offensive du 13 octobre 1990, date de l'assaut des troupes syriennes contre le palais présidentiel de Baabda où se trouvait le général Michel Aoun, qui à l'époque était chef de l'armée et Premier ministre d'un gouvernement militaire de transition, son gendre, Gebran Bassil, a multiplié les attaques verbales contre ses adversaires politiques, Nabih Berry et Samir Geagea, mais aussi son allié chiite, le Hezbollah, sans toutefois nommer aucun d'entre eux.
Le 13 octobre 1990, près d'un an après la signature de l'accord de Taëf qui devait mettre fin à la guerre civile mais qui avait consacré l'emprise de la Syrie sur le Liban, les troupes de Damas avaient pris d’assaut, avec le blanc-seing de la communauté internationale, les régions tenues par l’armée libanaise sous le commandement du général Michel Aoun, opposé à la pax syriana et retranché au palais de Baabda. Au terme de cette journée sanglante, l'homme qui avait lancé la "guerre de libération" contre la Syrie, 19 mois plus tôt, annonçait sa reddition puis se réfugiait à l'ambassade de France à Beyrouth avant de quitter le Liban dix mois plus tard.
Le discours incendiaire de Gebran Bassil, prononcé dans le cadre d'un rassemblement de militants aounistes à Nahr el-Mott à l'entrée-nord de Beyrouth, intervient deux jours après des combats meurtriers qui ont opposé pendant de longues heures à Tayouné, dans le sud de la capitale, des miliciens du Hezbollah et du mouvement Amal du président du Parlement Nabih Berry, à d'autres positionnés dans des quartiers chrétiens adjacents. Ces combats avaient éclaté en marge d'une manifestation du Hezbollah contre le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur l'explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Le parti chiite et son allié Amal réclament la récusation du juge qu'ils accusent de "politiser" l'enquête, alors que plusieurs responsables qui leur sont affiliés sont poursuivis par le magistrat. Le Courant patriotique libre de Gebran Bassil affirme pour sa part soutenir l'enquête en cours, même s'il critique parfois le juge Bitar.
"La clique du 13 Octobre"
Selon le site d'information tayyar.org, affilié au Courant patriotique libre fondé par le président Aoun et dirigé par M. Bassil, une foule nombreuse s'est rassemblée samedi après-midi à Nahr el-Mott, en présence de plusieurs cadres de la formation aouniste, notamment le député de Jbeil Simon Abiramia.
"La clique du 13 Octobre ne nous a jamais acceptés et n'a jamais accepté que Michel Aoun soit président. Vous vous souvenez de celui qui avait clairement dit +Que Dieu m'emporte si je le laisse gouverner", a lancé Gebran Bassil à ses partisans, en faisant référence à des propos attribués au président du Parlement Nabih Berry.
Gebran Bassil est accusé par une large frange de la population, ainsi que par ses adversaires politiques, de corruption et d'opportunisme. Le gendre du chef de l’État était ainsi l'une des figures politiques les plus honnies par la contestation populaire qui avait éclaté le 17 octobre 2019. Le chef du CPL et le président de la République entretiennent des relations tendues avec Nabih Berry, pourtant proche de leur allié chiite, le Hezbollah.
Les droits des chrétiens
S'attaquant ensuite au chef des Forces libanaises, son rival chrétien Samir Geagea, accusé par le Hezbollah d'être derrière les tirs contre des manifestants du parti jeudi, Gebran Bassil l'a lui aussi tenu pour responsable du déclenchement des combats de Tayouné. "Sur la scène intérieure, vous resterez des criminels, des corrompus ou encore des traîtres aux yeux d'une frange de la population. L'un d'entre vous, à chaque fois qu'il essaie de redorer son blason, il le salit à nouveau en provoquant des effusions de sang, car cela est dans sa nature", a fustigé M. Bassil, sans prononcer le nom de Samir Geagea. "Les droits des chrétiens ne se recouvrent pas à travers le sang. Ils sont restitués à travers la loi (électorale dite) Orthodoxe, ou encore par les lois votées au Parlement ou dans le travail gouvernemental. Ils sont restitués en protégeant les prérogatives du chef de l’État", a poursuivi le chef du CPL.
Commentant enfin les combats de Tayouné et les craintes de nouveaux dérapages sécuritaires, le leader aouniste a affirmé que sa formation constituait "une garantie pour la paix civile". Il a ensuite lancé des piques implicites à son allié, le Hezbollah, avec qui les relations se sont tendues ces derniers jours en raisons de divergences sur le dossier de l'enquête du 4 août. "Les armes n'empêchent pas la sédition", a-t-il estimé, en allusion à l'arsenal illégal du parti chiite. "Seul l’État peut le faire", a insisté Gebran Bassil. Après avoir accusé implicitement les FL d'avoir déployé des franc-tireurs sur les toits d'immeubles donnant sur Tayouné, il a critiqué une nouvelle fois le Hezbollah et ses partisans. "Ceux qui ont pénétré dans les quartiers de Chiyah, Tayouné et Aïn el-Remmaneh en criant des slogans provocateurs, acceptent-ils que des familles de victimes (de l'explosion) ou des partisans se rendent dans la banlieue-sud et crient contre les habitants ?", a demandé M. Bassil. "Ce n'est pas une manifestation pacifique dans ce cas. Et il est inacceptable que des gens soient tués dans la rue", a-t-il ajouté.
"Innocents détenus"
S'adressant ensuite au juge Bitar, Gebran Bassil a dit : "Monsieur le juge, soit vous ramenez tous le monde pour être interrogé, soit vous relâchez les innocents détenus", en allusion notamment au directeur des Douanes Badri Daher, réputé proche du président Aoun et dont le CPL témoigne de l'innocence alors qu'il est derrière les barreaux depuis un an. "Cela veut dire quoi, quand quelqu'un plonge le pays dans le chaos pour ne pas être entendu par le juge ?", a encore lancé M. Bassil, une allusion claire aux responsables proches du Hezbollah, d'Amal et du courant des Marada qui refusent d'être entendus par le magistrat.
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L'épopée suicidaire du Général Michel Aoun, ordonnée, avant sa fuite vers l'Ambassade de France, en 1990 contre les syriens qui avaient envahi le palais de Baabda ressemble à l'offensive ordonnée par le Général Nivelle en 1917 lorsqu'il avait envoyé les meilleurs de ses soldats pour se faire massacrer sur le Chemin des Dames à Verdun par les allemands supérieurs en nombre et en matériel. Cela s'appelle une boucherie et non de la bravoure.
Un Libanais
16 h 47, le 18 octobre 2021