« Les élections législatives auront lieu le 27 mars 2022. » Alors que l’information circulait depuis quelques jours, elle a été confirmée lundi soir par le Premier ministre Nagib Mikati lors d’un entretien à la LBCI. Le scrutin est donc avancé de six semaines par rapport à la date du 8 mai initialement prévue. Une surprise pour ceux qui s’attendaient à ce que la classe politique ajourne les élections législatives, comme elle l’a déjà fait par le passé. Affirmant qu’il existe « un consensus » entre les différentes formations politiques de la Chambre, le député du Hezbollah Mohammad Raad avait déclaré dimanche que cette proposition était surtout motivée par le mois de ramadan, qui tombe en avril. Une proposition aux motivations logistiques qui viserait officiellement à assurer le bon déroulement de la campagne électorale. « Lors du mois de ramadan, le mode de vie des musulmans qui jeûnent change quelque peu. Quant à la fin du mois, lors de l’aïd, les gens ont la tête ailleurs. La campagne électorale ne pourra pas se dérouler normalement », explique le député d’Amal Mohammad Khawaja, dont le parti a milité en faveur de ce changement de calendrier. Avant que l’information ne soit confirmée par le président du Conseil, certains députés ne semblaient en tout cas pas en avoir été informés. « Il n’y a pas encore eu de discussions sérieuses à ce propos au sein de notre bloc politique. Cette idée émane plutôt du palais présidentiel », affirmait à L’OLJ Nazih Najem, député du Courant du futur, 24 heures plus tôt. « Vous savez, que ce soit en mai ou en mars, ça ne change pas grand-chose. Pour le moment, ce n’est qu’une idée qui circule ici et là », disait, dans la même veine, un député aouniste ayant souhaité garder l’anonymat.
Pourquoi la classe politique, dont la majorité des membres était opposée à l’organisation d’élections anticipées, est-elle soudain si pressée de se confronter aux urnes ? « Ce choix vise à obtenir des gains électoraux et politiques », avance Zeina Helou, chercheuse en comportement électoral. Un vent légèrement plus positif souffle actuellement sur le Liban et les partis traditionnels pourraient être tentés d’essayer d’en profiter avant que cette dynamique ne s’étiole. La formation du nouveau cabinet, la levée prochaine des subventions, la mise en place d’une carte de rationnement, la manne représentée par les droits de tirage spéciaux (DTS, Special Drawing Rights, ou SDR, en anglais) du FMI, ou encore les accords énergétiques pour l’importation de carburants sont autant de développements sur lesquels la classe politique peut actuellement surfer. « Contrairement à ce que l’on croit, l’establishment politique a besoin des élections. Que ce soit Bachar el-Assad, Saddam Hussein ou la classe politique libanaise, les élections sont un moyen de se réapproprier une certaine légitimité », explique Michel Douaihy, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université américaine de Beyrouth (AUB).
« Un signal rassurant »
Le fait d’avancer les élections permet aussi de raccourcir la durée de vie du cabinet Mikati et de revoir à la baisse sa mission. « C’est une manœuvre pour vite remplacer le gouvernement qui vient d’être formé, et dont la mission est véritablement suicidaire », admet un député, qui a requis lui aussi l’anonymat. Si Mohammad Khawaja balaie d’un revers de main ces accusations, il reconnaît toutefois l’existence d’une dimension politique à l’avancement des élections générales. « C’est un signal rassurant que nous souhaitons envoyer à ceux qui, au Liban comme à l’étranger, pensaient que la classe politique libanaise n’allait pas organiser les élections. Au contraire, nous tenons à ce que le scrutin ait lieu et à ce que du sang neuf soit injecté dans l’institution centrale de notre système politique », assure-t-il. Les pays occidentaux, France en tête, ont appelé à de multiples reprises à ce que les élections se tiennent dans les délais prévus, espérant qu’elles soient profitables aux forces politiques alternatives.
« La classe politique redoute par-dessus tout ces élections, mais étant donné la pression internationale, il est impensable qu’elles soient annulées », estime Antoine Moukheiber, un responsable au sein du Bloc national (BN). Le fait d’avancer le scrutin pourrait permettre au nouveau cabinet de ne pas avoir à entreprendre les réformes réclamées par la communauté internationale. « Les partis politiques parient peut-être sur une amélioration de la situation socio-économique dans le pays, liée principalement à l’injection de capitaux par les bailleurs de fonds, pour obtenir de meilleurs résultats. Ce pari est absurde, puisque l’arrivée de fonds de soutien au Liban doit être accompagnée de mesures difficiles, comme la réduction des effectifs dans le secteur public et la tenue des élections », souligne le cadre du BN.
Malgré une situation inédite, marquée par un assèchement de leurs réseaux clientélistes et un fort mécontentement au sein de la population, les formations traditionnelles semblent confiantes dans l’idée qu’elles peuvent remporter les élections ou au moins limiter les pertes. « La classe politique n’organisera les élections que si elle est certaine de l’emporter confortablement. De ce fait, les modalités du scrutin sont un enjeu central. Toutes les mesures qui rendraient les élections plus libres et transparentes ne seront pas mises en œuvre. Il y a aussi et surtout la question de la participation de la diaspora, à l’humeur politique clairement antisystème », souligne Michel Douaihy. Les Libanais de l’étranger doivent s’inscrire sur les listes électorales entre le 1er octobre et le 20 novembre 2021, afin de pouvoir participer aux législatives prévues au printemps 2022. Mais les modalités de leur participation font encore débat alors que la loi prévoit que six sièges soient réservés à la diaspora, ce qui pourrait permettre de réduire son impact. « La diaspora est difficile à intimider, souvent loin des réseaux clientélistes, et plutôt proche des courants réformistes », assure Antoine Moukheiber. Zeina Helou en fait un portrait moins élogieux. « Il suffit de voir les résultats lors des élections précédentes. En 2018, les Libanais de l’étranger avaient la possibilité de voter depuis leur pays de résidence. Moins de 100 000 d’entre eux se sont enregistrés et au final, seuls 70 000 se sont présentés aux urnes et la majorité a voté pour les partis traditionnels. Évidemment, la situation a évolué depuis et pourrait conduire à un changement, mais il faut quand même admettre que les expériences passées ne sont pas très rassurantes à ce niveau-là », analyse-t-elle.
« Le momentum est là »
Les formations alternatives étaient toutes convaincues il y a encore quelques semaines que les élections n’auraient pas lieu. Le fait de modifier le calendrier peut également être une tentative de les prendre de court, celles-ci n’étant pas forcément préparées à l’exercice. « Les partis de l’opposition risquent de ne pas être prêts à affronter les partis traditionnels, qui eux ont des machines électorales bien rodées et beaucoup d’expérience en la matière », prévient le chercheur à l’AUB. Du côté du BN, on se veut plus rassurant. « Certes, nous aurions aimé avoir un mois et demi supplémentaire pour mieux nous préparer. Mais nous sommes confiants dans le fait que le momentum est bien là, et que nous pouvons aborder les élections sans problème puisque les Libanais veulent le changement. Selon les sondages à notre disposition, 40 % d’entre eux souhaitent que la classe politique soit remplacée par des réformistes contre 45 % qui voteront probablement comme en 2018. Cela veut dire que le combat dans les urnes se fera à armes égales », estime Antoine Moukheiber.
Sauf qu’avec des élections avancées, les partis de l’opposition auront moins de temps pour achever le chantier engagé depuis un an et demi visant à accoucher d’une liste unifiée, considéré par certains comme étant la clé de la réussite des partis antisystèmes. « En fin de compte, c’est bien eux qui voulaient des législatives anticipées », ironise, en guise de réponse, Mohammad Khawaja.
POURQUOI J,AI ETE CENSURE MESDAMES/MESSIEURS LES DEMOCRATES DE L,OLJ ? EN TOUT CAS IL NE ME RESTE QUE 3 MOIS ENCORE A VOUS SOUFFRIR... ET PAS MOI SEULEMENT.
11 h 51, le 29 septembre 2021