Le Hezbollah semble avoir décidé de passer à la vitesse supérieure dans ses tentatives de faire pression sur le juge d’instruction chargé d’enquêter sur la double explosion au port de Beyrouth, Tarek Bitar, qu’il a accusé à maintes reprises de politiser l’enquête, en contestant le bien-fondé de sa décision de poursuivre en justice des personnalités politiques et sécuritaires. Selon des sources judiciaires concordantes, le magistrat a reçu des menaces à peine voilées de la formation chiite.
« Nous pourrions te déboulonner. » Telle est l’essence du message parvenu à Tarek Bitar. L’information diffusée sur son compte Twitter par un journaliste de la chaîne LBCI, Edmond Sassine, a été confirmée à L’Orient-Le Jour par ces sources.
« Le Hezbollah a envoyé au juge Bitar un message de menaces par l’intermédiaire de Wafic Safa (patron de la sécurité au sein du parti), dans lequel il lui fait part de son “ras-le-bol’’ », a écrit le journaliste. « Si les moyens légaux s’épuisent, nous allons te déboulonner », aurait averti le cadre partisan, toujours selon M. Sassine. « Ce n’est pas grave, quelle que soit la manière de m’extirper », aurait répondu M. Bitar. Une riposte qui n’est « pas surprenante », commente pour L’OLJ un juge, affirmant que son confrère n’est pas du genre à se laisser intimider. « Sa priorité est de faire paraître la vérité coûte que coûte, avec pour armes les moyens légaux dont il dispose », ajoute le magistrat interrogé.
Ce n’est pas la première fois que le Hezbollah tente d’exercer une pression contre le juge d’instruction. Le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, avait critiqué en juillet son action, évoquant « une politisation du dossier », avant de lui demander de « clôturer la partie technique de son investigation ». Une requête vraisemblablement faite en vue de faire prôner la thèse de l’accident dû à une négligence, au détriment de l’hypothèse d’un acte de sabotage ou d’une attaque israélienne. Car le Hezbollah est pointé du doigt : d’aucuns estiment que le stock de nitrate d’ammonium à l’origine de la double explosion était sous son contrôle et destiné à être expédié au régime syrien de Bachar el-Assad pour être utilisé dans les attaques contre les rebelles et les populations civiles.
Revenant à la charge, Hassan Nasrallah avait réitéré ses accusations de politisation au lendemain de la première commémoration de la tragédie. Il avait alors demandé au juge d’instruction de « fournir des preuves pour étayer sa décision de convoquer et d’interroger des responsables », évoquant déjà l’option de le faire dessaisir du dossier. « Soit il doit travailler de manière claire, soit la justice doit trouver un autre juge », avait-il tonné.
Le message du Hezbollah ne serait pas parvenu à Tarek Bitar durant un face-à-face, selon des informations recueillies par notre journal, alors que d’autres médias rapportaient que Wafic Safa se serait rendu au bureau du juge, au Palais de justice.
Signe de la gravité de l’incursion flagrante du Hezbollah, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, a demandé hier au juge Bitar de lui dresser un rapport écrit sur les menaces de Wafic Safa. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, s’est contenté pour sa part d’affirmer ne pas être au courant des menaces dont ferait l’objet le juge Bitar, ajoutant que « l’instruction est secrète » et qu’il n’a « pas le droit de s’enquérir de sa teneur ».
Le chantage du Hezbollah contre le magistrat est intervenu quelques heures après l’audience fixée lundi par le juge d’instruction pour interroger l’ancien chef de gouvernement Hassane Diab. Objet d’un mandat d’amener, celui-ci n’avait pas comparu. À noter également que la manœuvre tombe quelques jours après le mandat d’arrêt par contumace prononcé le 16 septembre contre l’ancien ministre Youssef Fenianos.
Opportunité
Malgré l’énorme moyen de dissuasion utilisé par le Hezbollah, Tarek Bitar a continué hier sur sa lancée, fixant de nouvelles dates d’audience aux députés et anciens ministres Ali Hassan Khalil (30 septembre), Ghazi Zeaïter et Nouhad Machnouk (1er octobre).
Les trois hommes font l’objet de poursuites qu’avait d’abord entamées le prédécesseur de M. Bitar, Fadi Sawan, lequel avait d’ailleurs été dessaisi du dossier suite à un recours judiciaire pour suspicion légitime présenté par MM. Zeaïter et Khalil, députés du mouvement Amal. Quelque temps après avoir accédé à son poste, Tarek Bitar avait demandé au Parlement de lever les immunités parlementaires de ces mêmes députés, sans toutefois obtenir gain de cause. La Chambre des députés se trouvait alors en session extraordinaire, du fait que l’ancien gouvernement était démissionnaire. Selon la Constitution, aucun membre de la Chambre ne peut pendant une session parlementaire être poursuivi ni arrêté pour infraction à la loi pénale sauf avec l’autorisation de la Chambre, à l’exception du cas de flagrant délit. Celle-ci en avait profité pour ne pas statuer sur la demande d’autorisation, réclamant à M. Bitar davantage d’indices pour compléter ceux qu’il avait mentionnés dans le document qu’il lui avait adressé. Mais ce dernier avait refusé, jugeant que le secret de l’enquête risquait d’être ainsi divulgué.
Hier donc, le juge a saisi l’opportunité du vote de confiance accordé au nouveau gouvernement par le Parlement, lequel est de facto hors session jusqu’à l’ouverture de sa session ordinaire, prévue le 19 octobre. Les députés peuvent durant cette période faire l’objet de poursuites pénales puisqu’ils ne bénéficient plus de leur immunité parlementaire.
Tarek Bitar ne semble pourtant pas au bout de ses peines. Le camp du chef du législatif Nabih Berry étudie les recours possibles contre la décision de convocation. De nombreux députés avaient d’ailleurs invoqué l’incompétence de la Cour de justice pour juger les anciens ministres, considérant que les faits reprochés à MM. Machnouk, Zeaïter et Khalil sont des manquements à leur devoir de ministres et relèvent donc de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. « Nous étudions les solutions légales qui s’offrent à nous », affirme à L’Orient-Le Jour Kassem Hachem, député d’Amal. Il critique ensuite implicitement M. Bitar, assurant que « la Constitution et la loi ne sont pas des points de vue » et que les parlementaires se « conforment à la loi ». Il n’écarte pas dans ce cadre l’éventualité que les prévenus se présentent devant le juge pour lui présenter un recours quant à son incompétence. Les avocats de l’ancien ministre Youssef Fenianos avaient soumis à Tarek Bitar cette exception de procédure, mais ce dernier l’avait rejetée avant de décerner son mandat d’arrêt contre M. Fenianos.
La justice doit rester souveraine. HN et son Hezbollah n’arrêtent pas de la matraquer car ILS sont l’état. Aoun, basil sont silencieux tandis que Berry monte aussi au créneau…et ce foutu peuple libanais, que fait-il ?????????il reste silencieux et léthargique au lieu de descendre dans la rue par centaines de milliers pour défendre le juge Bitar qui mérite d’être soutenu à fond, mais j’ai peur que ça soit peine perdue, trois quarts de libanais sont complices de leurs zaims.
21 h 39, le 22 septembre 2021