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Société - Enquête / Port

Mandat d’arrêt de Bitar contre Fenianos, qui compte contre-attaquer

Les avocats de l’ancien ministre des Travaux publics envisagent de recourir contre le juge d’instruction pour qu’il soit dessaisi de l’affaire.

Mandat d’arrêt de Bitar contre Fenianos, qui compte contre-attaquer

Le port, après la double explosion, le 4 août 2020. Photo AFP/Stringer

Le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, a émis hier un mandat d’arrêt par défaut à l’encontre de l’ancien ministre des Travaux publics Youssef Fenianos, pour non-comparution à l’audience qu’il lui avait fixée en vue de l’interroger dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020. L’émission d’un tel mandat entre dans la procédure habituelle suivie contre tout prévenu qui refuse de répondre à une convocation pour une audience consécutive à celle de sa présentation d’exceptions de procédure. Mais dans ce cas précis, l’initiative du juge complique davantage une affaire qui n’en finit plus de s’enliser dans les sables mouvants de la politique. Le bras de fer entre le magistrat et l’ancien ministre des Travaux, qui a déjà refusé de comparaître devant lui, semble se durcir. Les avocats de M. Fenianos envisagent de présenter un recours contre le juge pour qu’il soit dessaisi du dossier, en invoquant un non-respect d’une série de procédures.

Les avocats, Tony Frangié et Nazih Khoury, avaient en l’espèce présenté le 6 septembre un recours devant le juge Bitar pour plusieurs vices de forme, en l’absence de leur client. Parmi les points invoqués, le fait que la Cour d’appel de Tripoli n’a pas encore rendu son arrêt concernant un recours en annulation de l’autorisation donnée par l’ordre des avocats de Tripoli auquel M. Fenianos est affilié, pour poursuivre ce dernier. Selon les deux avocats, le procès ne peut se poursuivre tant que la Cour d’appel n’a pas statué sur cette requête.

Un autre point invoqué par la défense est que la Cour de justice est incompétente pour se pencher sur les actes reprochés à l’ancien ministre, car ils relèvent selon elle, de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres.

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Lorsque le juge d’instruction prend acte des exceptions de procédure, il les transmet en règle générale au parquet de cassation pour avis. « En l’espèce, le procureur général, Ghassan Khoury, s’est réservé le droit de donner plus tard son avis demandant, dans un document présenté hier à Tarek Bitar, de l’informer d’abord s’il se considère compétent pour poursuivre des ministres », révèle Me Frangié. Il estime à ce propos que le juge d’instruction aurait dû indiquer s’il reprend à son compte ou non la décision rendue en novembre 2020 par son prédécesseur Fadi Sawan, dans laquelle ce dernier avait demandé à la Chambre des députés de déterminer elle-même les responsabilités ministérielles. « Avant de donner son avis sur les vices de forme invoqués, le parquet de cassation attend de savoir si, à l’instar de son prédécesseur, M. Bitar se juge incompétent de poursuivre les ministres ou si au contraire il se juge compétent », explique l’avocat de Youssef Fenianos. Or on sait que Fadi Sawan ne s’était pas considéré incompétent pour cette tâche, puisque, constatant une absence de réponse du Parlement, il avait décidé en décembre 2020 de poursuivre lui-même les ministres impliqués, dont Youssef Fenianos.

Interrogé par L’Orient-Le Jour, un avocat des victimes de la double explosion au port de Beyrouth considère que la demande adressée par le parquet à M. Bitar « est inopportune », puisque selon lui « en convoquant l’ancien ministre à une audience qu’il a lui-même fixée, le juge d’instruction se déclare de facto compétent ».

Concernant le recours pour vice de forme selon lequel l’arrêt de la Cour d’appel pour infirmer ou confirmer l’autorisation de l’ordre des avocats de poursuivre M. Fenianos n’a pas été encore rendu, Ghassan Khoury déplore dans le même document qu’il n’a été notifié de la réponse de l’ordre que mercredi, soit la veille de l’audience. Ce qui ne lui avait pas donné le temps de communiquer son avis sur ce point et constitue « une tentative d’ignorer le parquet », selon lui. « En n’accordant pas de délai au procureur pour émettre son avis, Tarek Bitar a commis une faute lourde », estime Me Frangié.

Dans les milieux des plaignants, on estime à l’opposé que le parquet « use d’atermoiements qui tardent à faire transparaître la justice ».

Solidarité du chef des Marada

À l’annonce du mandat d’arrêt, Sleimane Frangié, chef du courant Marada auquel l’ancien ministre est affilié, a exprimé sa solidarité avec lui, tout en affichant son respect de la loi. « Nous nous tenons aux côtés de Youssef Fenianos qui se défend de manière juste, dans le cadre des lois en vigueur », a affirmé le député de Zghorta sur son compte Twitter. Selon un observateur, la position « responsable » de Sleimane Frangié est interprétée comme une volonté de « ne pas faire de faux pas », d’autant que ce dernier est un candidat potentiel à la présidence de la République. D’ailleurs dans les milieux des Marada, on évalue la décision d’arrêter l’ancien ministre sous l’angle politique. « Les mises en cause sélectives s’inscrivent dans la bataille entre les leaderships maronites », dénonce-t-on, jugeant que « cette bataille s’inscrit dans une logique d’élimination ».

L’ancien ministre des Travaux publics Youssef Fenianos. Photo d’archives AFP

Refus de désistement

Prié de commenter la déclaration du chef des Marada, qui affiche son attachement aux voies légales, Me Tony Frangié affirme qu’il étudie en effet la possibilité d’une demande de récusation de M. Bitar, ou d’un recours pour suspicion légitime devant la Cour de cassation, ou encore d’une action en responsabilité de l’État pour les actes des magistrats devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.

L’avocat indique qu’il a d’ailleurs demandé hier séance tenante à Tarek Bitar de se désister de l’affaire, estimant qu’« il est partial et a des préjugés », mais ce dernier avait répondu en affirmant son « attachement à suivre le dossier jusqu’au bout ».

Entre-temps, quel serait le sort du mandat d’arrêt ? « Le parquet de cassation doit le faire exécuter en le transmettant aux forces de l’ordre », indique un avocat interrogé par L’OLJ, soulignant que « s’il le garde sans suite, il ferait obstruction au cours de la justice ». « Le parquet doit rester l’avocat de la communauté libanaise », ajoute-t-il, soulignant qu’« il lui revient de réconcilier la population avec la justice plutôt que d’accorder des immunités confessionnelles et politiques », en référence à l’ancien chef de gouvernement Hassane Diab, et aux anciens ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter poursuivis également par M. Bitar, qui ne parvient pas à les interroger en raison des barrières constitutionnelles érigées devant la procédure qu’il a engagée contre eux. « Ce même parquet avait par le passé requis la compétence de la justice ordinaire plutôt que du Parlement pour des crimes reprochés à l’ancien chef de gouvernement Fouad Siniora, et aux ministres Chahé Barsoumian et Ali Abdallah », note l’avocat interrogé, déplorant qu’« il adopte à présent une position diamétralement opposée ».

En parallèle à l’audience, des parents de victimes s’étaient rassemblés devant le Palais de justice, accusant eux aussi le parquet de cassation de tergiverser et de ne pas remplir son rôle de représentant des victimes. Ghassan Khoury fait depuis fin août l’objet d’un recours pour suspicion légitime, présenté par l’ordre des avocats de Beyrouth, qui semble douter de son indépendance.

« Nos larmes et notre douleur quotidiennes nous poussent à recourir à l’escalade », a averti, au nom des proches des victimes, Ibrahim Hoteit, lors du sit-in.

Le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, a émis hier un mandat d’arrêt par défaut à l’encontre de l’ancien ministre des Travaux publics Youssef Fenianos, pour non-comparution à l’audience qu’il lui avait fixée en vue de l’interroger dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020. L’émission d’un tel mandat entre...

commentaires (12)

JUGE BITAR, DE GRACE ! DITES-NOUS LE NOM DU PROPRIETAIRE ET UTILISATEUR DU NITRATE. CE NE SONT CERTES PAS DIAB, FENIANOS, ABBAS IBRAHIM ET TOUS CES SUBALTERNES QUE VOUS POURSUIVEZ. LE NOM DU PROPRIETAIRE ET UTILISATEUR POUR APAISER LES AMES DES INNOCENTS MORTS ET DE LEURS PARENTS DANS L,ANGOISSE DE L,INJUSTICE.

LA LIBRE EXPRESSION

00 h 39, le 18 septembre 2021

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Commentaires (12)

  • JUGE BITAR, DE GRACE ! DITES-NOUS LE NOM DU PROPRIETAIRE ET UTILISATEUR DU NITRATE. CE NE SONT CERTES PAS DIAB, FENIANOS, ABBAS IBRAHIM ET TOUS CES SUBALTERNES QUE VOUS POURSUIVEZ. LE NOM DU PROPRIETAIRE ET UTILISATEUR POUR APAISER LES AMES DES INNOCENTS MORTS ET DE LEURS PARENTS DANS L,ANGOISSE DE L,INJUSTICE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 39, le 18 septembre 2021

  • Mandat d’arrêt de Bitar contre Fenianos, qui compte contre-attaquer biensur c est logique. en arrivant à l air port de beyrouth vous lisez: souriez vous etes au Liban : pauvre pays

    barada youssef

    18 h 58, le 17 septembre 2021

  • J,ATTENDS TOUJOURS DU JUGE BITAR LES NOMS DU PROPRIETAIRE, DE L,UTILISATEUR ET DE CEUX PRELEVAIENT DES QUANTITES DE NITRATE A INTERVALS. LE PLUS SIMPLE ET LE PLUS FACILE ET DE LES POURSUIVRE. QU,ATTENDEZ-VOUS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 39, le 17 septembre 2021

  • Fenianos ferait mieux de se taire.

    Esber

    15 h 42, le 17 septembre 2021

  • A force de se dérober du juge Bitar, Finianos se métamorphose-t-il en Fagin?? L'épilogue nous le dira! Mais...les familles des victimes et celles to tout Libanais s'en souviendront bien ...

    Wlek Sanferlou

    13 h 54, le 17 septembre 2021

  • A nos yeux,ils sont désormais tous coupables jusqu’à preuves du contraire!

    Wow

    13 h 40, le 17 septembre 2021

  • Et les députés alors? Qu’en pensent ils de ce drame qui se joue sous leurs yeux? Eux les représentants du peuple qui se montrent serviables et dévoués lors des votations et qui renoncent à leur rôle pour sauver le pays,par couardise ou par intérêt personnel. Sont ils tous vendus et pourris? Arrivent ils à dormir alors que par leur lâcheté ils propulsent les assassins et fossoyeurs de la nation au rang des décideurs incontournables? Que raconteraient ils à leurs enfants lorsque notre pays ne ressemblera plus à la nation pour laquelle nos ancêtres ont perdu la vie pour que ce pays reste souverain, indépendant et ouvert à toutes les cultures et au monde civilisé? Il est temps de faire un examen de conscience et de se ressaisir pour sauver ce qui reste de ce beau pays qui je leur rappelle est celui des leurs aussi. Assez de trahison et de lâcheté, rassemblez-vous pour le ressusciter.

    Sissi zayyat

    12 h 59, le 17 septembre 2021

  • On est, dans cette affaire, dans le pire de ce que les libanais peuvent montrer de leur « être profond ». Les arguties ridicules avancées par les ministres mis en cause, sous couvert d’un prétendu respect des formes, les montrent tels qu’ils sont - je le crois ferment - c’est à dire des personnes absolument méprisables , sans aucun courage, indignes de se prétendre « libanais » et qui devraient disparaître à tout jamais de ce pays.

    JB El catalán

    11 h 54, le 17 septembre 2021

  • Pas besoin que les avocats de Fenianos essaient de dessaisir le juge du dossier, le chef du parlement le fera pour eux..

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 41, le 17 septembre 2021

  • Les politiques vont tout faire pour étouffer l’enquête afin d’éviter la potence. Ceux qui n’ont rien à se reprocher doivent comparaître devant le juge et donner leur version, le fait qu’ils se dérobent à la Justice tend à prouver leur implication et donc leur culpabilité. Le comble de l’insolence est venu de l’ex PM qui a fui vers les USA pour aller voir ses enfants alors que de nombreuses familles ont perdu leur enfant lors de l’explosion au port due partiellement à sa négligence.

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 52, le 17 septembre 2021

  • "Les avocats de l’ancien ministre des Travaux publics envisagent de recourir contre le juge d’instruction pour qu’il soit dessaisi de l’affaire."... et ainsi de suite! N'est-ce pas ce qu'on pourrait appeler : "diluer la vérité"?

    Yves Prevost

    07 h 24, le 17 septembre 2021

  • C’est triste de voir la justice ballottée de la sorte, à tort ou à raison. Cela veut dire qu’au Liban, il n’y a pas de justice digne de ce nom.

    PPZZ58

    00 h 22, le 17 septembre 2021

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