C’est avec un scepticisme prévisible que les groupes d’opposition du mouvement de contestation du 17 octobre ont accueilli la formation du gouvernement de Nagib Mikati hier. Un gouvernement qui est loin de répondre aux aspirations d’un public qui exigeait majoritairement des ministres spécialistes et indépendants de la classe dirigeante actuelle. Même si les impératifs d’une gestion viable de la crise actuelle priment, plusieurs opposants interrogés par L’OLJ doutent déjà de la capacité d’un cabinet issu d’un partage du gâteau traditionnel à résoudre les problèmes qui minent le quotidien des Libanais.
« Ce gouvernement a été formé exactement de la même manière que les précédents, suivant la logique de partage du gâteau, fait remarquer Camille Mourani, activiste de l’opposition issue du 17 octobre. Je ne vois pas comment il pourrait résoudre la crise ou apporter quoi que ce soit de nouveau. » Il ajoute : « Je comprends que certains y voient un signe positif, mais il ne faudrait pas être très optimiste, pour moi, c’est un faux espoir. »
Pour Nada Sehnaoui, membre du parti Beyrouth madinati, il ne fait pas de doute que ce nouveau gouvernement est loin du compte. « Ce cabinet est supposé faire des réformes. Or, comment le pourrait-il quand ce sont toujours les mêmes corrompus au pouvoir, qui sont à l’origine de la crise actuelle ? » se demande-t-elle. « Nagib Mikati lui-même, avec d’autres députés, a mené une politique qui a protégé les très riches aux dépens de la majorité des déposants, poursuit-elle. Ces ministres ne pourront prendre que des mesures cosmétiques à mon avis. Et même s’il y a, dans cette nouvelle équipe, des noms respectables, il faut voir aux mains de qui est la décision politique. Dans un tel gouvernement, ces personnes-là ne pourront rien réaliser. »
Ziad el-Sayegh, directeur exécutif du Civic Influence Hub, un groupe qui fait lui-même partie d’un rassemblement plus vaste, dénonce un malaise profond et prône une lutte « existentielle » contre cette classe politique. « Le débat n’a jamais porté sur le programme du gouvernement, mais sur la distribution des parts, et on est loin du cabinet de spécialistes indépendants qui était promis, fait-il remarquer. De plus, la déclaration du Premier ministre Nagib Mikati à Baabda aujourd’hui (hier) n’augure rien de bon : pourquoi un Premier ministre se contente-t-il de décrire une situation que nous connaissons tous au lieu de nous annoncer ce qu’il compte faire ? »
Il poursuit : « À mon avis, la formation de ce gouvernement n’a pas respecté l’esprit de la Constitution. Il existe une partie qui a gelé la naissance de cette équipe durant treize mois jusqu’à modifier l’équilibre des forces en sa faveur, et c’est le Hezbollah. Voilà pourquoi je pense que le pouvoir de décision ne sera pas aux mains de ce gouvernement, mais ailleurs. »
Une « nécessité » malgré les réticences
« Nous avons très peu d’espoir que les choses changent vu la manière dont ce gouvernement a été formé et le clientélisme qui continue de l’emporter sur l’intérêt national, renchérit Naji Abou Khalil, coordinateur politique du Bloc national. Nous ne pouvons parier sur un gouvernement qui a attendu un feu vert régional et international pour voir le jour, et c’est pour cela que nous répétions sans cesse qu’il nous faut un cabinet de spécialistes indépendants. » Pour lui, « ce qui est scandaleux, c’est que l’effondrement s’est nettement aggravé durant la longue période de formation du gouvernement, faisant de cette crise la pire au monde dans un pays qui n’est pas en état de guerre, alors que c’était évitable ».
« Non seulement ce gouvernement n’apporte rien de nouveau, mais il fait partie intégrante, à notre sens, d’un plan qui visait, depuis la démission du précédent, à accélérer l’effondrement économique du pays afin de faire assumer à la population et aux petits déposants le poids des pertes économiques et financières, et d’en dispenser les banques et les cartels, affirme pour sa part Mohammad Bzeih, du Parti communiste. Preuve en est, les premières déclarations de Nagib Mikati sur la levée des subventions considérée comme inévitable. Nous pensons que les pressions de toutes sortes sur la population libanaise vont augmenter. »
Exprimant un point de vue légèrement différent, le général à la retraite Khalil Hélou, président du conseil de Convention Lebanon, se dit « convaincu que ce gouvernement est une nécessité, malgré toutes les réticences que l’on pourrait avoir à l’encontre de tout cabinet formé dans les circonstances actuelles ». « Seul un gouvernement peut freiner la dégringolade actuelle, car toute aide étrangère est tributaire de cela, poursuit-il. On est certes loin du cabinet de mission qu’exigeaient les Français, eux-mêmes n’ayant plus d’autre exigence que la formation de n’importe quel gouvernement, ce qui prouve l’entente avec l’Iran. »
L’ancien général convient cependant que la politique générale de cette équipe ne différera pas beaucoup du passé. « Mais quelle autre perspective aurions-nous pu espérer alors que le Hezbollah contrôle les deux tiers du Parlement avec ses alliés, que le monde arabe n’exerce aucune pression en faveur d’un contrepoids, que le monde occidental a d’autres priorités et que les groupes de la contestation n’ont pas encore pu s’imposer ? » dit-il.
Les yeux rivés vers les législatives
Les groupes de la contestation, justement, ont-ils une marge de manœuvre quelconque alors que la classe politique continue d’imposer ses diktats ? Malgré les critiques qu’ils sont parfois les premiers à formuler, les activistes s’accordent à dire que même si le gouvernement est un fait accompli, ils gardent le cap sur les législatives de mai 2022. Ziad el-Sayegh estime même que le gouvernement est un « détail » dans la grande lutte pour le changement qui ne peut avoir lieu qu’à travers les urnes. « Nous allons surveiller de près les actions du cabinet censées résoudre les problèmes de la vie quotidienne, mais notre principal combat à venir reste celui des élections législatives du 8 mai prochain, une échéance dont nous devons à tout prix empêcher le report, car c’est là que réside le réel changement », résume Naji Abou Khalil.
commentaires (11)
Chat échaudé craint l’eau froide ! Un gouvernement copie conforme que tous ses précédents. Je dirai même, copié collé de tous les gouvernements depuis plusieurs décennies. Où sont les experts tant espérés ? Les seuls qui se prétendent comme tels, sont les affiliés aux mêmes chefs qui ont ruiné le pays. Le Hezbollah-Amal-CPL-Joumblatt-Arslan et, la cerise sur le gâteau, j’ai failli dire sur les gâteux, ils ont rajouté le PSNS. L’important c’est d’avoir un gouvernement prétendent-ils pour recevoir les aides internationaux. Ceci pour endetter plus le pays et se mettre plein les fouilles avec leurs magouilles. Le mouvement du 17 octobre a raison de ne pas accorder sa confiance à un gouvernement fantoche, de surcroit commandité et commandé par l’Iran, avec l’aval de la Syrie, qui revient en force et par la grande porte. En venant au secours d’un Liban aux abois sans Electricité, ni gaz, ni fioul, qui seront importé d’Egypte, Jordanie en passant simplement par la Syrie qui ne déboursera pas un centime. Bachar, nous fait le même coup que son Père, quand il a écarté les Palestiniens qui nous massacraient ! L’histoire se répète inlassablement, et le peuple Libanais crédule qu’il est, obéi au doigt et à l’œil aux ordres des étrangers qui ont toujours rêvé d’envahir le Pays du cèdre. Aoun/CPL/Bassil l’ont déjà à plusieurs fois vendu, aujourd’hui tout le monde demande sa part de la tambouille qui est une belle farce, pour le dindon qu’est devenu le peuple Libanais. Allons vite voter !
Le Point du Jour.
00 h 57, le 13 septembre 2021