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Société - Crise

La seule école pour autistes met la clé sous la porte

L’établissement ne peut plus honorer ses frais de fonctionnement en raison du blocage de son compte bancaire.

La seule école pour autistes met la clé sous la porte

Les locaux de l’école pour autistes One Two Three offrent un environnement stimulant et solidaire. Photo DR

Victime du désastre économique sans précédent causé par des gouvernants sans cœur ni conscience, la seule école pour autistes au Liban, One Two Three Autism School, située à Dbayé, vient de mettre la clé sous la porte, forcée de laisser ses élèves sans accompagnement et d’abandonner leurs parents au désarroi et leurs thérapeutes au chômage.

« En inaugurant l’école il y a deux ans, je ne m’attendais pas à devoir la fermer aussitôt », se désole Sarita Trad, propriétaire de l’établissement et mère de Ricky Sarkis, 12 ans, atteint lui-même d’autisme. Après une dizaine d’années passées aux États-Unis et au Koweït pour procurer à son fils un environnement favorable à travers une insertion dans des écoles spécialisées, elle était rentrée au pays en septembre 2019, soit un mois avant le mouvement de contestation populaire du 17 octobre, pour y transposer le dispositif de scolarisation dont Ricky avait bénéficié.

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« Voulant faire profiter les enfants libanais de l’expérience et du bien-être que Ricky a vécus au cours de son séjour à l’étranger, j’avais décidé d’ouvrir une école en partenariat avec le New England Autism Center, une grande école d’autisme américaine », raconte Sarita Trad, qui évoque « le véritable succès » auprès des enfants et de leurs parents qu’avait généré sa démarche. « Les classes avaient commencé avec onze enfants de 2 à 14 ans, encadrés par une quinzaine d’employés (éducateurs, orthophonistes, psychomotriciens…). Notre ambition était d’accueillir dans un délai de deux ans 25 autres jeunes autistes et faire de notre école la meilleure au Proche-Orient », souligne Sarita Trad.

Argent bloqué

Mais la crise financière en a voulu autrement. « La banque avec laquelle je traite a refusé de libérer ne serait-ce qu’une partie de mon compte qui m’aurait permis de pourvoir aux frais de fonctionnement de l’école », explique-t-elle, indiquant qu’elle ne pouvait plus transférer les redevances dues au New England Autism Center avec lequel elle avait conclu un contrat de collaboration. « Notre partenaire américain, qui nous fournissait notamment les programmes scolaires et de soins et assurait la formation de l’équipe de travail, n’a plus voulu patienter pour le règlement de ses prestations », regrette-t-elle, affirmant que le dernier virement effectué par One Two Three Autism School remonte à mars 2020, en devises fraîches. Un mode de paiement qu’il a été impossible de continuer à adopter lors des échéances suivantes.

« Nous n’avons pas besoin de l’aide des gouvernants, nous voulons juste qu’ils nous laissent disposer de nos fonds », demande Sarita Trad, laissant toutefois entrevoir la possibilité d’une levée de fonds auprès d’associations internationales. « Notre décision de fermeture a alerté nombre d’ONG qui nous ont contactés pour proposer leur soutien », dit elle, confiant cependant que « l’école ne sera en mesure de rouvrir que si les promesses d’aides sont concrétisées ». Notant que les scolarités s’élevaient avant la crise à près de 3 000 dollars mensuels, elle calcule que « les 4 millions de livres que payaient chaque mois les parents ne représentent plus que 200 dollars actuellement ». Outre les scolarités, elle évoque le prix du matériel qui doit être réglé en dollars frais. « L’encre de l’imprimante coûte 500 dollars payables en espèces, un iPad cassé ne peut être remplacé qu’en contrepartie de 300 dollars en monnaie sonnante et trébuchante. Cela sans parler du manque d’électricité et de mazout », énumère-t-elle.

Irritable, agité et frustré

Sarita Trad se donne jusqu’à Noël pour trouver un moyen de financer une réouverture de son établissement. À défaut de quoi, elle affirme n’avoir d’autre choix que de repartir à l’étranger afin que son fils soit à nouveau pris en charge. « Privé du traitement éducatif qui lui était prodigué dans le cadre de notre programme approuvé par l’organisme américain BACB (Behavior Analyst Certification Board), Ricky régresse rapidement », déplore-t-elle, soulignant qu’« il est irritable depuis qu’il a cassé sa routine ». « Il s’énerve, se frappe, se tire les cheveux », explique-t-elle, se consolant quelque peu du fait qu’il décompresse lorsqu’il séjourne dans la résidence de ses grands-parents dotée d’un grand espace aéré.

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C’est que le désir de se promener augmente pour un enfant autiste lorsqu’il perd ses repères. Rania Makhoul, avocate et présidente de l’ONG Vio qui se consacre à l’autisme, en sait quelque chose. « Élève de One Two Three, mon fils Sylvio, 11 ans, avait l’habitude de se rendre à l’école chaque jour de 8h30 à 14h30; maintenant qu’il n’y va plus, il a besoin de sortir en permanence. Il se réveille en pleine nuit et m’entraîne vers la voiture pour aller faire un tour, un tour qu’il ne veut pas voir finir », précise-t-elle, évoquant au passage la difficulté de le satisfaire en cette période de pénurie de carburants. Mme Makhoul regrette le temps où Sylvio rentrait « souriant » de l’école. « À présent, il est agité, ne sait pas ce qu’il veut, tourne en permanence sur lui-même, émet des sons inintelligibles et se frustre davantage de ne pouvoir s’exprimer », se désole-t-elle, décrivant la situation à la maison comme « très stressante ». D’autant, confie Rania Makhoul, que cela a un impact négatif sur sa fillette de 9 ans, qui se mure parfois dans son silence.

Interrogée par L’Orient-Le Jour, Zalfa Tazanios Mehanna, psychologue clinicienne et psychothérapeute, affirme que « lorsqu’une personne atteinte d’autisme voit sa routine brusquement brisée, elle risque d’être perturbée et d’avoir des sentiments de gêne, de peur, pouvant conduire à d’immenses crises d’angoisse ». La spécialiste explique plus particulièrement qu’« en n’allant plus à son école comme il en avait habitude, un élève atteint d’autisme perd les repères qui l’aidaient à réduire son taux de stress et d’anxiété face à un environnement et un entourage perçus par lui comme déstabilisateurs en raison de leur imprévisibilité ».

Face à tant de difficultés, les parents d’élèves de One Two Three s’accrochent à l’espoir de voir l’école rouvrir ses portes, essayant dans le même temps de trouver des alternatives. « J’ai contacté quelques centres pour autistes », indique Rania Makhoul, inquiète toutefois de devoir changer la méthodologie éducative qui était adoptée à l’école. Elle pense entre autres solutions à la scolarisation à domicile, mais se ravise en affirmant qu’il est nécessaire que l’enfant sorte. « Je suis perdue, je ne sais pas quoi choisir », avoue-t-elle, tout en faisant constater que « le changement pour Sylvio est fatal ».

Victime du désastre économique sans précédent causé par des gouvernants sans cœur ni conscience, la seule école pour autistes au Liban, One Two Three Autism School, située à Dbayé, vient de mettre la clé sous la porte, forcée de laisser ses élèves sans accompagnement et d’abandonner leurs parents au désarroi et leurs thérapeutes au chômage. « En inaugurant l’école il y...

commentaires (3)

Sauf erreur de ma part, il ne s'agit pas de la seule école pour enfants autistes au Liban. L'accompagnement et le soutien des personnes handicapées ou à besoins spéciaux constitue un véritable sujet au Liban comme ailleurs. Cela demande un véritable investissement humain et financier et s'inscrit dans un véritable projet de société. Au Liban il n'existe que des projets partisans, communautaires, etc...

Georges Olivier

20 h 07, le 06 septembre 2021

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Commentaires (3)

  • Sauf erreur de ma part, il ne s'agit pas de la seule école pour enfants autistes au Liban. L'accompagnement et le soutien des personnes handicapées ou à besoins spéciaux constitue un véritable sujet au Liban comme ailleurs. Cela demande un véritable investissement humain et financier et s'inscrit dans un véritable projet de société. Au Liban il n'existe que des projets partisans, communautaires, etc...

    Georges Olivier

    20 h 07, le 06 septembre 2021

  • Quel malheur! A cause de nos idiots demeurés de politiciens nos frères et sœurs autistes perdent un support essentiel ! Laka yaomoun ya zalim...

    Wlek Sanferlou

    16 h 59, le 06 septembre 2021

  • le summum des crimes sur nous. que le Diable emporte les "rulers" d ici et leur partenaires la-bas.

    Marie Claude

    08 h 43, le 06 septembre 2021

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