Entre le président de la République, Michel Aoun, et les leaders de la communauté sunnite au Liban, rien ne va plus. Le fossé entre les deux camps est tellement béant que certains observateurs les voient très mal parvenir à un compromis politique d’ici à la fin du mandat Aoun, en octobre 2022.
Concrètement, cela signifie que le bras de fer actuellement engagé entre Baabda et le leadership sunnite – incarné par ce qu’il est convenu d’appeler le club des anciens Premiers ministres (Saad Hariri, Nagib Mikati, Tammam Salam et Fouad Siniora) – autour de la formation du gouvernement serait appelé à durer, et que la future équipe ne verrait pas le jour dans un avenir proche.
Car, pour les aounistes, la bataille que le chef de l’État mène actuellement est celle de « la préservation du prestige de la présidence et de ses prérogatives constitutionnelles », pour reprendre les termes d’un député du Courant patriotique libre qui a requis l’anonymat. « Ceux qui pensent qu’ils peuvent briser Michel Aoun à un an de la fin de son mandat ont tort », lance-t-il, excluant ainsi toute possibilité de voir le chef de l’État modifier sa position en matière de formation du gouvernement. « D’autant qu’il n’est pas dans notre intérêt de permettre que la toute dernière prérogative du président de la République (avoir son mot à dire au sujet de la composition de l’équipe ministérielle) lui soit arrachée », souligne le parlementaire.
C’est donc sous l’angle de la rhétorique aouniste articulée autour de la notion du « président chrétien fort » et de la préservation des « droits des chrétiens », slogan si cher à Michel Aoun et son camp, que le CPL perçoit le bras de fer avec le leadership sunnite. Une querelle qui remonte à plusieurs années, le général Aoun ayant principalement axé une grande partie de son discours politique sur une farouche opposition au sunnisme politique, que le courant du Futur a incarné dans la période de l’après-guerre civile.
Le compromis présidentiel conclu entre M. Aoun et le leader du courant du Futur, Saad Hariri, en octobre 2016, qui avait mené le général, alors député du Kesrouan, à la présidence de la République, n’a semblé être qu’une parenthèse durant laquelle Saad Hariri s’est entendu avec le chef de l’État et son camp, notamment le leader du CPL et gendre de Michel Aoun, Gebran Bassil. Mais avec la démission de M. Hariri de la présidence du Conseil, dans la foulée du mouvement de contestation d’octobre 2019, la guerre politique entre les deux camps a repris de plus belle. Elle a atteint son paroxysme avec la récusation du leader du Futur, en juillet dernier, après avoir échoué à former une nouvelle équipe ministérielle. Pendant dix longs mois, Saad Hariri s’écharpait avec Baabda autour de la nomination des ministres chrétiens et du fameux tiers de blocage au sein d’un cabinet qui pourrait être appelé à gérer le pays dans la prochaine phase, surtout en cas de non-tenue des élections législatives et présidentielle de 2022. Ne voulant pas céder aux exigences de la présidence et du leader du CPL, il s’est trouvé forcé de rendre son tablier.
La contre-attaque n’a pas tardé. Comme pour confirmer son entrée de plain-pied dans le camp de l’opposition, M. Hariri a annoncé fin juillet que son groupe parlementaire a préparé une proposition de loi prévoyant la suspension de tous les textes constitutionnels et des lois accordant des immunités aux responsables politiques, pour qu’ils soient susceptibles de poursuites en justice. Une démarche visant clairement le chef de l’État qui, pour les haririens et les ex-chefs de gouvernement, devrait être interrogé au sujet du cataclysme au port de Beyrouth, au même titre que le Premier ministre sortant, Hassane Diab. Ce point était au centre de la diatribe à laquelle s’étaient livrés MM. Hariri, Siniora, Mikati et Salam, en fin de semaine dernière, contre Michel Aoun, remettant ainsi à zéro les compteurs gouvernementaux.
« Si M. Aoun ne renonce pas… »
Avec Nagib Mikati, ce sont les mêmes obstacles qui continuent d’entraver le processus. Le courant du Futur et les ex-Premiers ministres, perçus comme le groupe représentant le pouls de la communauté sunnite, en sont conscients et ne semblent pas prêts à céder aux desiderata de la présidence. Cette impression, le Premier ministre désigné l’a confirmée lui-même dans son interview accordée vendredi soir à la chaîne saoudienne al-Hadath. Il avait alors implicitement accusé le chef de l’État d’empiéter sur ses prérogatives (…).
« Si Michel Aoun ne renonce pas à obtenir le tiers de blocage, aucun gouvernement ne sera formé sous son mandat », lance Moustapha Allouche, vice-président du courant du Futur. Une affirmation qui en dit long sur l’état d’esprit des leaders sunnites face à Baabda. D’ailleurs, Fouad Siniora est très clair à ce sujet : « Il ne faut pas que le président puisse contrôler le gouvernement. » Comprendre : pas de cabinet au sein duquel la présidence obtiendrait la minorité de blocage.
Tout comme ils convergent sur ce point, MM. Siniora et Allouche insistent sur le fait que le problème n’est pas entre Michel Aoun et les sunnites, mais entre un président qui ne veut pas appliquer la Constitution et tous les Libanais. « Ce ne sont pas uniquement les sunnites qui souffrent des conséquences de la crise économique, mais aussi les chrétiens », rappelle Fouad Siniora. Et l’ex-Premier ministre d’ajouter : « Les banques, les principales écoles et universités, les plus grands hôpitaux frappés de plein fouet par la crise sont gérés par des chrétiens. » « Ce n’est pas à nous de sauver le mandat. C’est du devoir du chef de l’État lui-même », déclare encore M. Siniora.
FALLAIT D,ABORD DEMANDER SI ENTRE AOUN ET SON GENDRE ET TOUS LES AUTRES CHRETIENS UNE ENTENTE OU MEME UN COMPROMIS EST-IL POSSIBLE. ILS SONT RENIES DANS LEUR PROPRE APPARTENANCE, S,IL APPARTENAIENT A LA COMMUNAUTE DONT ILS PRETENDENT.
21 h 49, le 31 août 2021