Contrairement à ce qu’on pourrait croire, lorsque les deux responsables concernés par la formation du gouvernement ne se rencontrent pas, cela ne signifie pas que le dossier dort. Au contraire, les contacts discrets s’intensifient pour tenter de trouver des solutions aux obstacles, anciens et nouveaux. C’est ce qui s’est passé avant la treizième rencontre entre Michel Aoun et Nagib Mikati hier, et ce qui se passera jusqu’au prochain rendez-vous, qui n’est pas encore fixé.
Car depuis que les différentes parties censées avoir leur mot à dire au sujet du gouvernement ont compris que, cette fois, les intentions du chef de l’État et du Premier ministre désigné au sujet de la formation du gouvernement étaient sérieuses, elles étudient sérieusement les équilibres au sein du cabinet en gestation, les portefeuilles et les candidats. Dès que l’une de ces forces a le sentiment qu’un des responsables est en train de renforcer son influence au sein du futur gouvernement, elle contacte soit directement soit par le biais d’un émissaire le Premier ministre désigné pour modifier ses exigences.
Les exemples à ce sujet sont nombreux et lassants. Il y a eu ainsi les changements dans la position du président de la Chambre au sujet du candidat pour le portefeuille des Finances. Tantôt il insiste sur le choix de Youssef Khalil, responsable des opérations bancaires à la BDL, et tantôt il accepte de choisir quelqu’un d’autre, mais à condition d’avoir un mot à dire sur le choix d’autres ministrables en dehors de la part dite chiite (cinq ministres, en principe, deux à Berry et deux au Hezbollah, plus le juge Mohammad Mortada commun aux deux formations pour la Culture). Il y a eu ainsi les changements dans la position des Marada, qui ont commencé par accepter deux portefeuilles, revenant à une personnalité maronite et une autre grecque-orthodoxe, avant de réclamer deux portefeuilles revenant à des maronites, le second devant être attribué à Farid el-Khazen, leur allié dans le même bloc parlementaire. Après avoir demandé l’Énergie, la formation de Sleiman Frangié a obtenu les Télécoms. Elle voulait aussi l’Industrie, mais ce n’est pas encore décidé. De même, les tractations se poursuivent au sujet des portefeuilles de l’Économie et des Affaires sociales. Au départ, ces deux ministres devaient être choisis par le chef de l’État. Mais lorsqu’il est apparu qu’avec le ministre des Finances, ces trois responsables participeront aux négociations avec le FMI, qui devraient commencer dès que le nouveau gouvernement aura obtenu la confiance du Parlement, il semblerait que comme les Finances reviennent à Amal, le Premier ministre désigné voudrait désigner le ministre de l’Économie, quitte à le confier à une personnalité chrétienne membre du PSNS, alors que le chef de l’État, lui, choisirait le ministre des Affaires sociales qui devrait être en charge de l’application de la carte d’approvisionnement adoptée récemment par le Parlement. De même, le chef du courant du Futur a choisi au moins 3 des 5 ministres sunnites et M. Mikati (qui a l’Intérieur) ne peut pas accepter ce que Saad Hariri avait refusé.Tous ces détails peuvent paraître inintéressants pour les Libanais qui ne veulent que deux choses : que leurs conditions de vie extrêmement difficiles soient allégées et retrouver un peu d’espoir et de visibilité pour l’avenir. Mais pour les responsables, le processus a la délicatesse et la précision du travail d’un joaillier, tant les enjeux leur paraissent importants.
C’est que pour la plupart des parties concernées, le gouvernement qui devrait voir le jour est appelé à remplir des missions vitales pour le pays. D’abord, il devrait entamer les fameuses réformes attendues par la communauté internationale et qui devraient permettre à celle-ci de recommencer à aider le Liban, sur le plan financier. Ensuite, ce gouvernement est appelé à organiser et à surveiller le déroulement des élections législatives prévues à la fin du mois de mars ou, au plus tard, en avril. Ces élections sont considérées comme cruciales car elles devraient marquer le début d’une nouvelle ère politique, un peu comme celles de mai 2005 après les années de la tutelle syrienne. Pour d’autres enfin, ce gouvernement pourrait rester en place jusqu’à la fin de l’actuel mandat présidentiel (31 octobre 2022) et même au-delà au cas où, pour des raisons inconnues aujourd’hui, les élections législatives n’ont pas lieu, ainsi que l’élection présidentielle, dans une réédition du scénario de novembre 2007 à mai 2008 et de mai 2014 à octobre 2016. Dans ce cas, et en l’absence de perspective claire dans la région et au Liban en particulier, les forces en présence veulent toutes (ou presque) avoir un poids au sein du gouvernement. Pour le président et son camp, la question est encore plus cruciale, car ils ont le sentiment qu’une véritable campagne destinée à les éliminer du paysage politique est menée contre eux depuis quelque temps déjà. Ils sentent que derrière les tractations pour la formation du gouvernement se déroulent de véritables règlements de comptes politiques, qui avaient commencé avec le chef du gourant du Futur et continuent encore sous différentes formes. C’est d’ailleurs pour cette raison que Michel Aoun pèse de tout son poids pour être un partenaire à part entière dans la genèse de ce gouvernement.
De son côté, Nagib Mikati joue lui aussi une partie délicate et importante. Lorsqu’il a accepté de relever le défi de la désignation à une période aussi délicate, il savait que la mission serait remplie d’embûches. Non seulement de la part du chef de l’État et de son camp, mais aussi de la part des autres parties, le chef du courant du Futur par exemple, mais aussi le chef du Parlement et tous ceux qui ont chacun ses propres considérations pour entraver la formation du gouvernement. Mais il avait malgré tout accepté la mission, comptant, comme il l’avait déclaré lui-même, sur l’appui de la communauté internationale, France et États-Unis en tête. Toutefois, en raison de la complexité de la situation régionale, cet appui n’est pas aussi déterminant qu’il le croyait, d’autant que désormais, le Liban est au cœur de la lutte entre les États-Unis et l’Iran. L’arrivée du carburant iranien au Liban, la semaine prochaine, devrait être un test pour le processus de formation du gouvernement. Pour certains, ce rendez-vous pourrait être un incitateur à former rapidement le gouvernement pour ne plus laisser l’initiative au Hezbollah, qui annonce déjà l’arrivée d’autres bateaux. Mais pour d’autres, c’est une entrave de plus, et pas des moindres.
Toutes les forces politiques mettent des bâtons dans les roues pour empêcher la formation du gouvernement sauf bien entendu le CPL et son ex chef et son actuel chef ainsi que le Hezbollah Pour Scarlet Haddad, tout le monde est méchant sauf ses idoles bien entendu.
13 h 23, le 27 août 2021