Aucun signe d'apaisement dans la crise des carburants qui paralyse le Liban depuis une dizaine de jours. Vendredi, alors que des files monstres devant les pompes à essence provoquaient de gros embouteillages, les stations-service ont mis en garde contre une prochaine "paralysie totale". Les fournisseurs de gaz ont fait savoir pour leur part qu'ils ne pourraient plus approvisionner le marché à partir du 25 août si aucune solution n'était trouvée. Les autorités, elles, semblent toujours incapables de trancher la question de la levée des subventions qui a provoqué l'aggravation de cette crise le 11 août.
Le gaz en rupture de stock dès mercredi
"Le stock de gaz qui se trouve dans les réservoirs des compagnies a atteint des seuils bas et très dangereux", ont ainsi déploré les importateurs d'hydrocarbures dans un communiqué. Ils ont fait savoir qu'ils ne pourront plus fournir de gaz au marché "à partir du mercredi 25 août, si les autorités concernées ne prenaient pas les mesures convenables".
Les importateurs ont indiqué avoir demandé à la Banque du Liban (BDL) de leur donner un accord préalable pour décharger la cargaison d'un navire contenant 5.000 tonnes métriques de gaz, qui se trouve au large du Liban depuis près d'un mois. Selon la chaîne MTV, la BDL a donné en cours d'après-midi son accord pour décharger cette cargaison, ajoutant que les mesures seront prises pour que son contenu soit distribué sur la marché à partir de lundi.
Les importateurs ont toutefois déploré le fait que la Banque centrale n'a toujours pas approuvé d'autres demandes similaires, précisant toutefois qu'un navire qui a déjà reçu un accord préalable arrivera au Liban. Sa cargaison est évaluée à 1.700 tonnes de gaz qui répondront aux besoins du marché pendant 48 heures. Les importateurs ont enfin appelé les autorités concernées à "prendre les mesures nécessaires au plus vite et à fixer le prix du gaz afin d'éviter une rupture de stocks de ce produit sur le marché.
La BDL avait annoncé le 11 août qu'elle ne pouvait plus subventionner au taux actuel les importations ce carburants et que ce mécanisme serait donc arrêté, soulignant qu'elle pourrait toutefois continuer à l'appliquer si une loi était votée au Parlement pour l'autoriser à puiser dans les réserves obligatoires des banques. Une suppression des subventions impliquerait une hausse de plus de 300% des prix des carburants, une nouvelle qui a provoqué la panique de la population. Le Parlement doit se réunir vendredi pour aborder cette question. En attendant, les stocks encore disponibles dans les stations-service sont vendus au tarif toujours en vigueur, parfois sous le contrôle de l'armée libanaise, qui oblige les propriétaires à vider leurs stocks.
Selon notre correspondant au Liban-Sud Mountasser Abdallah, de longues files d'attente se sont formées vendredi devant des stations de gaz dans la localité de Siniq à l'entrée-sud de Saïda. Le syndicat des employés du secteur du gaz avait lancé un cri d'alarme il y a une semaine, mettant en garde contre un épuisement du stock de bonbonnes de gaz dans le pays.
Aucune solution à l'horizon
Sur le plan de l'essence, le porte-parole du syndicat des propriétaires de stations-service, Georges Brax, a révélé vendredi que "la BDL campait toujours sur sa position au moment où le gouvernement refusait sa décision" d'arrêter les subventions. Dans un tweet, le syndicaliste a affirmé qu'"il n'y avait toujours pas de solution pour le moment ", assurant toutefois que les efforts se poursuivaient. "Plusieurs compagnies sont en rupture de stocks et ne livrent plus d'essence. Les files d'attente s'allongeront devant les quelques stations-service qui tiennent toujours", a-t-il prévenu. "Nous nous dirigeons vers un arrêt forcé des ventes dans les stations et une paralysie totale", a enfin regretté M. Brax.
Des queues interminables d'automobilistes s'agglutinaient depuis les premières heures du matin vendredi devant les quelques pompes encore ouvertes. Selon notre correspondant, de longues files d'attente se sont allongées sur des centaines de mètres devant la station-service Total située dans la localité de Adoussiyé sur l'autoroute reliant Saïda à Tyr. Une voie étroite a été ouverte pour débloquer la circulation, alors que d'autres routes sont complètement bloquées dans la région de Saïda. Ces scènes se répétaient un peu partout dans le pays, notamment sur l'autoroute de Damas. Dans le Nord, des protestataires ont manifesté pour dénoncer les pénuries d'essence et de mazout ainsi que la fermeture des stations-service, rapporte l'Ani. Ils ont coupé la route de Denniyé-Tripoli au niveau de la localité de Aachach à l'aide de voitures, ce qui a provoqué d'importants embouteillages. Dans la région de Tyr, l'armée a pour sa part saisi 90.000 litres d'essence stockées illégalement, rapporte l'Ani.
En attendant un ajustement officiel des tarifs, le prix du bidon d'essence explose au marché noir. Dans la Békaa, le bidon de vingt litres d'essence se vendait jusqu'à 450.000 livres libanaises, selon notre correspondante Sarah Abdallah, plus de cinq fois le prix officiel de près de 80.000 LL. Dans le Akkar, on l'achetait pour 400.000 L.L., rapporte pour sa part notre correspondant Michel Hallak.
Toujours à Denniyé, des propriétaires de générateurs privés de la région ont annoncé l'arrêt de leurs groupes électrogènes d'ici la fin de la semaine au plus tard, à la suite de l'épuisement de leurs stocks de mazout. Ils ont affirmé être incapables de se procurer du carburant du marché parallèle en raison de son prix élevé.
Les boulangeries en crise
Les pénuries de carburant n'ont pas épargné les boulangeries qui avaient fermé dans la région de Tripoli au Liban-Nord. C'est dans ce contexte que les services de renseignement de l'armée libanaise et la police de la municipalité de la ville ont supervisé jeudi soir la distribution de 50.000 litres de mazout à des boulangeries et des minoteries de la région, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). La municipalité de Tripoli a toutefois noté que ces quantités ne suffisent que pour quelques jours, appelant les autorités à leur en fournir d'autres prochainement.
Afin de faire face à la crise, le Conseil supérieur de défense avait chargé dimanche l'armée libanaise de surveiller le stockage et la distribution de ces produits pendant un mois. La troupe a annoncé vendredi sur son compte Twitter avoir saisi 19.000 litres d'essence d'une station d'essence dans le village de Rmeich au Liban-Sud. L'armée a fait savoir mardi qu'elle avait confisqué en trois jours plus de 4 millions de litres d'essence et deux millions de litres de mazout.
Jeudi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé qu'un premier navire transportant "des tonnes" de mazout iranien prendra la mer "d'ici quelques heures" en direction du Liban. Les opposants au parti chiite ont critiqué cette initiative qui fait craindre des sanctions américaines contre le Liban. Washington avait pour sa part affirmé, selon la présidence libanaise, vouloir approvisionner le Pays du Cèdre en gaz afin de lui fournir du courant électrique en provenance de Jordanie.
commentaires (5)
Trop fort ce "règne". Il faudrait les faire un peu moins forts à l’avenir…
Gros Gnon
07 h 05, le 21 août 2021