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Société - Drame du Akkar

Le corps d’une nouvelle victime découvert, la colère couve dans la région

Les familles des victimes n'ont pas encore enterré leurs proches, dont certains sont difficiles à identifier tant les corps sont carbonisés.

Le corps d’une nouvelle victime découvert, la colère couve dans la région

Un soldat supervisant le lieu de l'explosion qui a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche au Akkar, au Liban-Nord. REUTERS/Omar Ibrahim

En plein naufrage économique, le Liban observe lundi un deuil national après la mort de 29 personnes, brûlées vives dans l'explosion d'une citerne d'essence alors qu'elles cherchaient à se procurer désespérément du carburant. La tragédie, qui a frappé dans la nuit de samedi à dimanche la région du Akkar, dans le nord du Liban, vient illustrer l'ampleur de l'effondrement économique, dans un pays où la population est quotidiennement confrontée à de multiples pénuries, d'essence, d'électricité et même de pain.

Lundi, le corps d’une nouvelle victime a été découvert lundi matin, méconnaissable, par l’armée et les secouristes de la Croix-Rouge libanaise, rapporte notre correspondant dans la région Michel Hallak, ce qui porte le bilan provisoire du drame à 29 morts. La colère gronde dans l'une des régions les plus pauvres du Liban, après l’explosion dans le village de Tleil de cette citerne, apparemment destinée à la contrebande vers la Syrie. Le drame a fait au moins 80 blessés, dont plusieurs grands brûlés dans un état grave. Plusieurs personnes restent portées disparues.  Alors que des tests ADN sont en cours, le bilan des victimes pourrait être revu à la hausse, les équipes devant s'occuper de sacs mortuaires contenant plusieurs morceaux de corps, a indiqué lundi à l'AFP un responsable du ministère de la Santé.

"Trois enfants ont été touchés dans l'explosion de la nuit de samedi à dimanche", a de son côté annoncé l'agence de l'ONU pour l'enfance, l'Unicef, dans un communiqué, précisant qu'un, dont l'âge et le sexe n'ont pas été confirmés, était décédé, un avait disparu et un autre était blessé. L'Unicef déplore également "le grand nombre" d'enfants qui ont perdu un parent ou un proche, qualifiant la tragédie "d'évitable". Elle a appelé à ce que les enfants du Liban soient protégés "à tout moment, surtout dans le contexte de crise actuel".

Plusieurs blessés graves, dont des soldats, devaient être transportés à l’étranger, au Koweït, en Turquie ou en Égypte, pour y être soignés, la situation des hôpitaux au Liban étant devenue catastrophique. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé l'envoi dans les prochaines heures de médicaments et de fournitures médicales pour soigner jusqu'à 3.000 patients mais aussi 250 malades souffrant de brûlures. Un avion d'aides médicales jordaniennes est par ailleurs arrivé à Beyrouth, à destination de l'hôpital militaire de Beyrouth. 

Dans plusieurs hôpitaux, des correspondants de l'AFP ont vu dimanche des dépouilles enveloppées dans des linceuls blancs, tandis que résonnaient dans les couloirs les hurlements de douleur des familles. "Il y a beaucoup (...) de corps que nous n'avons pas pu identifier", indiquait une source sécuritaire à l'AFP, précisant que des tests ADN avaient débuté.

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Dans le village de Tleil, le calme régnait lundi au lendemain de la tragédie  et l’armée a établi un cordon de sécurité autour du lieu de l’explosion, selon notre correspondant. Les familles des victimes n’ont pas encore organisé les funérailles, certains étant encore à la recherche de proches, d’autres attendant de les identifier au moyen de tests d’ADN tant les corps ont été carbonisés. En concertation avec les dignitaires de la région, les familles pourraient organiser des funérailles collectives, selon notre correspondant. Une seule victime, Mohammad Ahmad Khodr, dont la famille a pu identifier le corps, a été enterrée dimanche après-midi dans son village de Koueichra et ses proches continuaient de recevoir les condoléances lundi.

Photo Michel Hallak

Tensions confessionnelles
Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances de l'explosion qui intervient dans un contexte de pénurie de carburant paralysant tout le pays. Le réservoir d'essence, vraisemblablement stocké par son propriétaire à des fins spéculatives, avait été "confisqué" par l'armée pour que l'essence soit distribuée aux citoyens. L'explosion aurait eu lieu après des bagarres entre des habitants qui cherchaient à se procurer de l'essence, selon l'Agence nationale d'information (ANI).

Dans la région, les habitants étaient partagés lundi entre la tristesse et la colère, rejetant sur les politiciens dont ils estiment qu'ils couvrent les trafiquants de carburants la responsabilité du drame. Dans ce contexte, les dignitaires locaux ont appelé à conclure rapidement l’enquête et infliger le juste châtiment aux personnes qui en sont responsables. Une réunion groupant les dignitaires religieux et de la société civile de la région devait se tenir au siège de la municipalité du village de Tleil.

Les habitants de la région et certains proches des victimes avaient mis le feu dimanche à la villa de Georges Ibrahim Rachid, l’entrepreneur propriétaire du terrain où se trouvait la citerne d’essence qui a explosé. L’homme a été arrêté dimanche soir, quelques heures après son fils. Plusieurs témoins rencontrés sur place à Tleil ont assuré à notre journaliste Patricia Khoder qu’un proche du propriétaire des lieux a tiré trois fois sur la citerne, provoquant le drame. Mais cette piste n'est pas confirmée de sources officielles.

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Les bâtonniers de l’Ordre des avocats de Beyrouth, Melhem Khalaf, et de Tripoli, Mohammad Mrad, s’étaient rendus dimanche après-midi sur les lieux de la catastrophe avant d’aller au chevet des blessés dans les hôpitaux de Tripoli et Halba. M. Mrad avait souligné la nécessité "d’une enquête transparente (...) pour que soient arrêtées et traduites en justice toutes les personnes et mafias impliquées". Les deux bâtonniers avaient également pris part à une réunion de dignitaires religieux musulmans et chrétiens de la région dimanche après-midi au département des Waqfs du Akkar, visant à contenir les tensions confessionnelles suscitées par ce drame. Dans un communiqué, les participants à la réunion ont appelé à éviter "toute exploitation confessionnelle" de la tragédie. La localité de Tleil dans le Akkar est principalement chrétienne, mais une grande partie des victimes vient des villages sunnites environnants. Réagissant au drame, l'Ordre des avocats a encore souligné la nécessité que la Cour de justice, une instance d'exception dont les jugements sont sans appel, enquête sur le "crime" du Akkar. "Les familles des victimes et des blessés ont le droit de suivre l'enquête afin que les faits soient complètement élucidés et que les responsabilités soient bien définies, et elles ont également le droit à un procès juste", a-t-il noté dans un communiqué. "Les ordres des avocats de Beyrouth et de Tripoli se tiennent à la disposition des familles des victimes, des blessés et des personnes touchées par cette tragédie. Ils sont prêts à nommer des avocats pro bono pour suivre cette affaire jusqu'au bout", a précisé le bâtonnier Khalaf, dans un communiqué.

Lundi, le patriarche maronite, Béchara Raï, a appelé à s'opposer à toute exploitation politique ou confessionnelle de l'explosion meurtrière dans le Akkar, qui a ravivé les tensions communautaires dans cette région. "La catastrophe de Tleil peut être exploitée pour provoquer des événements plus douloureux encore, que le Liban et son peuple ne pourraient plus supporter ou même absorber", a averti le prélat, plaidant pour que ce drame ne soit pas instrumentalisé politiquement ou sur le plan confessionnel. Ces propos interviennent alors que quelques heures après la tragédie, le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et le courant du Futur (dirigé par l'ex-Premier ministre Saad Hariri) relançaient la polémique qui les opposent et  les échanges d'accusations.

La diplomatie française a de son côté affirmé que "la France se tiendra aux côtés des Libanais dans cette nouvelle épreuve sur laquelle toute la lumière devra être faite". "Alors que la crise sociale et humanitaire devient chaque jour plus dramatique, la France appelle l'ensemble des responsables libanais au sursaut et à prendre sans délai les décisions qui s'imposent pour le relèvement du pays", a ajouté la porte-parole du Quai d'Orsay, lors d'un point presse.


En plein naufrage économique, le Liban observe lundi un deuil national après la mort de 29 personnes, brûlées vives dans l'explosion d'une citerne d'essence alors qu'elles cherchaient à se procurer désespérément du carburant. La tragédie, qui a frappé dans la nuit de samedi à dimanche la région du Akkar, dans le nord du Liban, vient illustrer l'ampleur de l'effondrement ...

commentaires (1)

Pourquoi tant de mystère entoure les fautifs??? Probablement car ceux qui se disputent en apparence sont par ailleurs complices?? Car tous sont impliqués dans le traffic vers la Syrie? Cela me rappelle vaguement Les Dix Petits Nègres (alias Ils étaient dix) d'Agatha Christie

C EL K

23 h 41, le 16 août 2021

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Commentaires (1)

  • Pourquoi tant de mystère entoure les fautifs??? Probablement car ceux qui se disputent en apparence sont par ailleurs complices?? Car tous sont impliqués dans le traffic vers la Syrie? Cela me rappelle vaguement Les Dix Petits Nègres (alias Ils étaient dix) d'Agatha Christie

    C EL K

    23 h 41, le 16 août 2021

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