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Lifestyle - Beyrouth Insight

Tanya Awad Ghorra, une voix qui a trouvé sa voie

Derrière un timbre reconnaissable entre tous se cache une femme qui puise à présent ses mots et sa force dans la communication non violente.

Tanya Awad Ghorra, une voix qui a trouvé sa voie

Tanya Awad Ghorra puise sa force et sa sérénité dans la non-violence. Photo DR

« Bienvenue à l’Aéroport international de Beyrouth », c’était elle... Et pas, comme beaucoup le pensent, l’incontournable et aujourd’hui si ridicule « Bienvenue à l’aéroport Rafic Hariri, nous sommes heureux et honorés de vous recevoir… » qu’elle espère pouvoir changer un jour. « À part son contenu, il est mal dit, mal prononcé. J’ai supplié la direction de l’aéroport de le remplacer, même gratuitement, ils ne m’ont jamais sollicité ni même répondu… »


Tanya Awad Ghorra à la remise annuelle des diplômes du club Alwan junior. Photo DR

Tanya Awad Ghorra, c’est également et depuis de très nombreuses années la voix d’un très grand nombre d’entreprises officielles et autres administrations qui vous répond au téléphone à travers un message préenregistré; celle de la plupart des hôpitaux libanais, des compagnies de lignes de cellulaires, parmi lesquelles le fameux « Welcome to Cellis », et aujourd’hui Touch et Alfa. Celle qui vous donne les extensions des différents services, les instructions à suivre pour récupérer vos valises à l’aéroport, les « il est interdit de fumer dans cet espace » (jamais respectés) ; les « pour les cliniques privées composez le 0 », « pour les nouveaux services le 4 », ou encore « pour l’arabe tapez 1, l’anglais 2, le français 3 ». Celle enfin qui, à la banque, annonce le n° de ticket d’un client qui a attendu des heures pour passer au comptoir et encaisser son moins que dû… « Je pense qu’ils me détestent pour ça », plaisante-t-elle.


Week-end de formation sur la communication dans le conflit avec un groupe chiite dynamique à Baalbeck. Photos DR

Cette femme communicative et battante, mère de trois enfants, Rayan (16 ans), Nay (17 ans) et Georges (19 ans), le sourire toujours suspendu au bout de ses problèmes, a baigné dans la communication depuis sa jeunesse. En même temps que sa licence en relations publiques et publicité, « avec trois ans de journalisme », elle apparaît pour la première fois à la radio à 18 ans, avec une émission matinale quotidienne sur les ondes de Magic 102. Animatrice mais également productrice d’émissions, les agences de publicité découvrent sa voix et la sollicitent pour de nombreuses campagnes radios, alors très en vogue. Rapidement, elle passe à la vitesse supérieure, la télévision, en devenant reporter au JT en langue arabe à la ICN. « J’étais également productrice des nouvelles, directrice d’émissions et responsable d’une rubrique satirique intitulée Khabbriyett, 3 à 4 minutes après le journal, qui était un peu la concurrente de Pierre Sadek à la LBC. » Durant trois ans, elle exerce ce métier qu’elle aime passionnément avant que la chaîne ne soit forcée en 1994 d’arrêter d’émettre et même scellée à la cire rouge pour des raisons vraisemblablement politiques. Avec la fermeture d’ICN, la MTV, qui créait une nouvelle équipe pour son journal télévisé, la recrute. Multitâche, elle sera productrice d’émissions, fera des reportages sur le terrain et présentera la météo en studio. « En 1999, dit-elle, j’ai quitté l’info pour rejoindre l’équipe de Ghazi Feghali dans une émission intitulée Beyrouth ya Beyrouth. Un magazine culturel qui ressemblait à mes envies. » Tania Awad Ghorra est également chargée de préparer et présenter les « spéciaux de MTV », ainsi que des interviews de personnalités internationales, en direct, parmi lesquelles celle de Placido Domingo, Paul Anka et obtient un scoop avec Sean Connery qui avait refusé toute entrevue aux journalistes. Elle s’en souvient : « J’avais su qu’il était au Musée national, et j’y suis allée en me disant : ça passe ou ça casse. Je l’ai pris de court, sans abuser de son temps alors qu’il dégustait un nougat ! Et il a été charmant. » L’aventure MTV s’achèvera, là aussi, avec la fermeture provisoire de la chaîne en 2002... En 2007, elle rejoint pour deux ans Studiovision, qui appartient à la MTV, et sera chargée du développement de concepts télé. « Pendant ce temps, j’ai continué à prêter ma voix aux compagnies de téléphonie mobile au Liban et dans la région. Je n’ai jamais cessé de le faire, il y a une remise à jour permanente des messages, des tarifs, des offres. »

La voie de la non-violence

Mais c’est ailleurs que Tanya Awad Ghorra trouvera sa voie, en croisant celle de l’Academic University for Nonviolence and Human Rights (AUNOHR), fondée par Walid Slaybi et Ogarit Younan. Lorsque ces derniers lui proposent de reprendre ses études « en tant qu’étudiant pilote » et apprendre ce nouveau langage basé sur la non-violence, elle accepte pour, déjà, « être une meilleure maman et réussir à communiquer ces valeurs à mes enfants ». Quelques années plus tard, elle réussit avec 73 professionnels de la région à décrocher un MBA en médiation et éducation non violente qui inclut dans son programme la communication non violente et la résolution de conflits. Comme un poisson dans l’eau et ravie de découvrir et de faire découvrir les effets de cette méthode, elle devient formatrice, dans les écoles, auprès de jeunes et d’activistes au Liban et dans le monde, et auprès des « call centers » de compagnies et banques locales. En 2013, elle se joint à Adyan Foundation, qui œuvre pour la diversité, la solidarité et la dignité humaine. Se sentant exactement là où elle avait envie d’être, dans un espace de paix et de sérénité, « ça a vraiment cliqué avec l’actuelle directrice Nayla Tabbarah, confie-t-elle. Depuis, je suis membre de la fondation et Senior trainer. Nous œuvrons pour que le discours religieux soit unificateur et tolérant ». « Rendre possible un monde dans lequel les différences entre les individus et les communautés est perçu comme un enrichissement et non une différence ou un obstacle », précise-t-elle. « Nous avons également travaillé sur un programme d’éducation civique que nous utilisons dans les écoles et avons même proposé le curriculum d’un livre d’éducation civique à développer par le centre pédagogique de recherche et développement affilié au ministère de l’Éducation mais qui, hélas, dort encore dans les tiroirs… » Passionnée et curieuse, pleine d’empathie pour l’autre, Tanya Awad Ghorra a enfin participé à Alwan, un programme parascolaire élaboré par Adyan, englobant 70 écoles, « qui introduit les enfants et les jeunes de 15, 16 ans à la diversité et la culture de l’autre. Mieux connaître l’autre, le respecter, l’aimer. Ce vivre-ensemble est le fondement de toute société dans le monde. Et nous en avons grandement besoin… »

Après plus d’une heure d’un discours clair, organisé, impatient, interrompu par une panne de courant (de plus) dans ce café de Beyrouth, elle conclut, sans que rien ne la décourage : « Ce que je fais est un moteur qui me protège du pire. Rien ne peut arriver lorsqu’on participe à l’évolution positive de ce monde. J’y crois fermement. Ce petit élément de changement que je peux offrir aux autres et m’offrir est un cadeau de la vie. C’est comme ça que les choses s’améliorent, espère-t-elle. Lorsque je me change, je change un petit cercle autour de moi, et ainsi de suite, le cercle s’élargit… »

« Bienvenue à l’Aéroport international de Beyrouth », c’était elle... Et pas, comme beaucoup le pensent, l’incontournable et aujourd’hui si ridicule « Bienvenue à l’aéroport Rafic Hariri, nous sommes heureux et honorés de vous recevoir… » qu’elle espère pouvoir changer un jour. « À part son contenu, il est mal dit, mal prononcé. J’ai supplié...

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