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Société - Double explosion au port

Le barreau de Beyrouth intente un procès contre Savaro Ltd devant la justice britannique

Immatriculée au Royaume-Uni, la société avait importé le nitrate d’ammonium à l’origine du cataclysme.

Le barreau de Beyrouth intente un procès contre Savaro Ltd devant la justice britannique

Une vue du port, après la double explosion du nitrate d’ammonium, le 4 août 2020. Mohammad Azakir/Archives Reuters

Le bureau de plaintes au sein du conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth a annoncé lundi avoir introduit auprès de la justice britannique une action en justice contre Savaro Ltd, une société immatriculée au registre de commerce anglais (Companies House), qui avait importé le stock de nitrate d’ammonium dont l’explosion a ravagé plusieurs quartiers de Beyrouth le 4 août 2020.

« Dans son action pour soumettre à la justice et à la reddition des comptes toute personne physique ou morale responsable de manière directe ou indirecte du drame du 4 août, le Conseil de l’ordre vient de présenter une action civile contre la société Savaro Ltd auprès du tribunal de 1re instance de Londres (High Court of Justice) », a affirmé lundi le bâtonnier de Beyrouth Melhem Khalaf, soulignant dans une déclaration que cette démarche vise à « obtenir des indemnités pour les dommages humains et matériels » causés par la négligence de l’entreprise. Elle est lancée parallèlement à l’enquête que mène le juge d’instruction près la cour de justice, Tarek Bitar, laquelle devrait faire la lumière sur toute l’affaire de l’acheminement et du stockage de nitrate, en commençant par déterminer pour le compte de qui cette matière explosive avait été acquise. Les frais du procès seront couverts par l’ancien ministre Camille Abousleiman, avocat au barreau de Londres, que Melhem Khalaf a remercié, ainsi que le cabinet juridique Dechert LLP (dont M. Abousleiman est un membre principal), pour « avoir pris en charge l’affaire sans contrepartie d’honoraires ».

L'éditorial de Issa Goraïeb

Le crime le plus long

« Il s’agit d’une action en responsabilité civile et non pénale », commente pour L’Orient-Le Jour un avocat proche du conseil. « Le contrat d’achat du nitrate d’ammonium est enregistré au nom de Savaro Ltd, qui après avoir payé la marchandise à une usine géorgienne, Rustavi Azo, l’a importée », note-t-il, soulignant qu’« elle est donc la propriétaire officielle du stock d’explosifs ». « La société doit ainsi réparer les préjudices provoqués, d’autant qu’elle a abandonné dès novembre 2013 ces produits dangereux sans se soucier des conditions de leur entreposage », poursuit l’avocat interrogé. « Toute personne est civilement responsable des dommages causés par le bien dont elle est propriétaire », insiste-t-il. Le juriste déclare que « pour définir en l’espèce la responsabilité civile de Savaro Ltd, il n’est pas nécessaire de savoir si l’entreprise a agi en tant que courtier, ni pour le compte de qui le nitrate d’ammonium a été effectivement acquis ».

Les bénéficiaires économiques

Grâce aux demandes formulées notamment par le conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth et par deux parlementaires britanniques, Margaret Hodge et John Mann, la Companies House avait décidé de suspendre le 6 février dernier pour une période de 6 mois la radiation volontaire réclamée par la société Savaro au registre du commerce. « Nous sommes mobilisés pour empêcher la compagnie d’échapper à sa responsabilité, sachant qu’une société radiée ne peut être poursuivie », affirme Camille Abousleiman à L’Orient-Le Jour. « L’action civile que nous intentons à présent permet de suspendre la radiation pour une nouvelle période de 6 mois », ajoute-t-il, souhaitant que d’ici là, « un jugement ordonnant la réparation des dommages sera rendu ». « Au cas où la société poursuivie ne s’acquitte pas des sommes que le tribunal lui aura imposées, un administrateur judiciaire pourrait lui être nommé, ce qui permettrait un accès à tous ses dossiers », indique M. Abousleiman. « Je suis d’ailleurs confiant que nous finirons par connaître les noms des bénéficiaires économiques de l’entreprise », ajoute-t-il, en référence au fait que l’administratrice (lituanienne) de Savaro Ltd sert de prête-nom aux véritables actionnaires. Selon l’ancien ministre, ceux-ci pourraient alors être ajoutés aux personnes qui devront verser des indemnités aux victimes et à leurs proches.Selon des informations recueillies par L’OLJ, outre le conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth, Paul et Tracy Naggear, parents de la petite Alexandra fauchée lors de la catastrophe, se sont porté demandeurs, ainsi qu’Élie Mallahi, père du jeune pompier Ralph, tué alors qu’il remplissait son devoir, et Inaam el-Kayal, une jeune victime rescapée. « La liste des plaignants devrait s’allonger lorsque les résultats du procès commenceront à être tangibles », conclut Camille Abousleiman.

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Sur un autre plan, un avocat informé évalue à plusieurs centaines de milliers de livres sterling les honoraires desquels se sera désisté le bureau d’études Dechert LLP, au cas où le procès sera mené à son terme, et à plusieurs dizaines de milliers de livres les frais de procès offerts par M. Abousleiman.

Le bureau de plaintes au sein du conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth a annoncé lundi avoir introduit auprès de la justice britannique une action en justice contre Savaro Ltd, une société immatriculée au registre de commerce anglais (Companies House), qui avait importé le stock de nitrate d’ammonium dont l’explosion a ravagé plusieurs quartiers de Beyrouth le 4 août...

commentaires (5)

Enfin une lueur d'espoir pour tous les victimes. Les politiques votre tour viendra ...

TAHA Hicham

17 h 26, le 04 août 2021

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Enfin une lueur d'espoir pour tous les victimes. Les politiques votre tour viendra ...

    TAHA Hicham

    17 h 26, le 04 août 2021

  • Excellente action. Je me demande juste pourquoi avoir attendu 1 an pour la mener...

    Kaikati Paul

    12 h 38, le 04 août 2021

  • Merci au barreau de Beyrouth et au batonnier Melhem Karam ainsi qu’à Camiile Abou Sleiman pour leur engagement dénué de tout intérêt. Tant qu’il y aura des gens de cœur et d’humanisme la vérité finira par apparaître. Bon courage à vous et à Tarek Bitar qui ne baissera pas les bras.

    Georges Breidy

    10 h 24, le 04 août 2021

  • Merci à tous les justes qui s'investissent physiquement, professionnellement, émotionnellement et financièrement pour que cette enquête -et d'autres- aboutisse, nous, les vrais libanais, sommes tous avec vous. MERCI.

    Christine KHALIL

    08 h 08, le 04 août 2021

  • Enfin une action serieuse et consequente, devant un tribunal respectable qui ne laissera personne echapper a la justice!

    Michel Fayad

    05 h 51, le 04 août 2021

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