Le nouveau Premier ministre désigné, Nagib Mikati a affirmé qu'il était en faveur de la formation d'un gouvernement purement technocrate, et non techno-politique, affichant, dans un entretien avec le quotidien libanais an-Nahar publié mardi, sa volonté de "dialoguer avec la société civile".
"Il n'est pas possible aujourd'hui de former un gouvernement techno-politique. Il faut un gouvernement purement technocrate", a-t-il estimé, souhaitant que son équipe soit uniquement formée de personnalités non-affiliées aux partis traditionnels. "Nous sommes à quelques mois des élections législatives", a-t-il justifié, soulignant que le futur cabinet devra "pouvoir préparer les décrets d'organisation et les lois nécessaires pour mettre en œuvre l'initiative française, qui aide effectivement le Liban". Le président français, Emmanuel Macron, avait présenté cette initiative le 1er septembre 2020 à Beyrouth, sous forme d'une feuille de route dont le premier point prévoit la mise sur pied d'un "gouvernement de mission" pour sortir le pays de la crise.
Le nouveau Premier ministre désigné a également fait part de "sa volonté de dialoguer avec la société civile", invitant à "davantage de coopération". "Je sais qu'il y a au sein de la société civile des personnalités constructives, qui œuvrent dans l'intérêt du Liban", a-t-il affirmé.
Eviter l'effondrement
Il a par ailleurs évoqué des "garanties internationales et américaines" pour éviter un effondrement du Liban, alors que le pays connaît des pénuries massives de carburant, d'électricité et de médicaments, compliquant la vie quotidienne et le travail de tous les secteurs. "J'ai senti que l'administration américaine ne veut pas que le Liban s'effondre. Elle a commencé à fournir une assistance à l'armée libanaise - la cinquième armée étrangère à bénéficier de l'aide de Washington", a encore indiqué M. Mikati. Des propos qui font écho à sa brève allocution depuis le palais de Baabda lundi, lors de laquelle il s'était engagé à former un cabinet, "en coopération avec le chef de l'Etat, Michel Aoun". Il avait affirmé être en possession de "garanties extérieures", sans quoi, il n'aurait "pas accepté cette mission".
Chargé lundi de former le prochain gouvernement après avoir obtenu les voix de 72 députés sur 118 lors des consultations parlementaires contraignantes, M. Mikati a entamé mardi ses concertations avec les différents groupes parlementaires, en vue de mettre sur pied un nouveau gouvernement, attendu depuis près d'un an dans un pays en plein effondrement socio-économique. Dans son entretien avec le Nahar, il a indiqué qu'il se rendrait dès la fin des concertations au palais de Baabda pour "commencer à former le gouvernement". "Le président de la République, Michel Aoun, veut sérieusement sauver le pays. Nous sommes tous les deux attachés à la Constitution et à l'accord de Taëf", a assuré M. Mikati.
Il s’agit désormais pour ce vétéran politique de 65 ans, deux fois Premier ministre, de réussir là où son prédécesseur Saad Hariri a échoué. Désigné Premier ministre en octobre dernier, M. Hariri avait renoncé mi-juillet à former un gouvernement en raison de désaccords insurmontables, à ses yeux, avec le président Aoun, sur fond d'interminables marchandages politiciens. Les tractations politiques pour la formation du cabinet s'annoncent déjà ardues, des nœuds persistant, notamment sur la nomination des ministres chrétiens.
La désignation du milliardaire sunnite, visé par des soupçons d'"enrichissement illicite", n'a pas été au goût de tous. Dans sa ville d'origine, à Tripoli, des protestataires ont bloqué plusieurs routes hier soir et ce matin, dont la place el-Nour. Dimanche soir, des dizaines de personnes avaient déjà manifesté devant sa résidence de Beyrouth, l'accusant de corruption et de népotisme.
commentaires (8)
Un gouvernement purement technocrate, donc formé de personnes compétentes, intègres et indépendantes? Mais c'est ce que les libanais réclament depuis bientôt deux ans! Et il peut être formé en trois jours puisque l'on n'a plus, dès lors, à marchander avec les uns et les autres. C'est ce qu'avait voulu faire Adib, mais Aoun, à l'époque, ne voulait pas en entendre parler. Aurait-il été touché par la grâce et opéré sa conversion? Il est, malheureusement permis d'en douter. Quant aux déclarations des chefs de partis voulant participer à ce gouvernement, elles viennent doucher ces espoirs.
Yves Prevost
07 h 20, le 28 juillet 2021