Le patriarche maronite Béchara Raï, qui se trouve encore au Vatican au lendemain d'une journée de réflexion avec le pape François, a accusé vendredi les responsables libanais, notamment le président de la République Michel Aoun, de "violer la Constitution". Il a toutefois affirmé qu'il ne réclamait pas la démission de ce dernier, parce que "tout le monde" est responsable de la grave crise socio-économique et politique au Liban.
Le prélat maronite a par ailleurs affirmé que la question du Hezbollah et de la neutralité du Liban ont été évoquées la veille au Vatican avec le pape, même si ces sujets n'ont pas été mentionnés par le souverain pontife durant sa prise de parole.
"Le président n'est pas seul responsable"
"Tout le monde viole la Constitution, notamment le président de la République, à commencer par la manière de former le gouvernement, et jusqu'à sa façon de travailler de manière générale", a regretté le patriarche, dans des propos accordés à la chaîne MTV. "Je suis avec le président de la République et ses prérogatives prévues par la Constitution", a cependant tempéré Béchara Raï. "Je réclame toujours que la Constitution soit la référence. Il existe une démarche constitutionnelle pour la démission du chef de l'État. On ne peut pas crier dans la rue +à bas le président+. Je ne réclame pas sa chute car il n'est pas le seul responsable. Tout le monde l'est", a-t-il estimé.
Saad Hariri, qui a déjà dirigé trois gouvernements, avait été poussé à la démission le 29 octobre 2019 par un mouvement de contestation inédit, lancé le 17 octobre de la même année. Celui-ci réclame toujours le départ de la classe politique, accusée d'incompétence et de corruption. Le gouvernement qui a suivi, et qui est dirigé par Hassane Diab, avait démissionné six jours après la double explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth. En dépit de la désignation de M. Hariri en octobre 2020, le Liban demeure sans cabinet actif en raison d'un bras-de-fer politico-personnel opposant Saad Hariri à Michel Aoun et son camp.
Le patriarche maronite critique régulièrement la classe au pouvoir, y compris le chef de l'État lui aussi de confession maronite, mais se refuse à réclamer sa démission.
Hezbollah et neutralité
Revenant sur la réunion du Vatican, Mgr Raï a affirmé, dans des propos accordés cette fois à la chaîne LBCI, que la question du Hezbollah et de la neutralité du Liban ont été abordées avec le pape François, bien que les communiqués officiels de la rencontre ne mentionnent pas ces sujets. "Je ne sais pas si la présence du Hezbollah empêche le soutien international au Liban", a-t-il dit. Béchara Raï avait accusé le parti chiite à maintes reprises dans ses discours d'"hypothéquer la décision de guerre et de paix" au Liban. Ses relations avec le parti pro-iranien s'étaient nettement dégradées ces derniers mois.
Le prélat maronite a également déclaré avoir demandé au pape François "d'inviter les dirigeants politiques chrétiens et les dirigeants spirituels musulmans à se réunir au Vatican". Il a affirmé qu'il était prêt à les "appeler un par un" afin de mettre en œuvre les conclusions auxquelles ont abouti la réunion de Rome. Le Vatican qui "s'inquiète du destin du Liban" "veut aller jusqu'au bout au niveau diplomatique" pour trouver une solution aux problèmes du pays, a conclu le patriarche.
Le pape François a adressé jeudi un message d'espoir aux Libanais, les suppliant de ne pas se décourager, tout en enjoignant leurs dirigeants politiques de trouver "des solutions urgentes et stables à la crise économique, sociale et politique actuelle". Selon le Vatican, le Saint Père pourrait "peut-être" se rendre au Liban entre la fin 2021 et le début 2022, de préférence en présence d'un gouvernement nouvellement formé.
Réagissant à la journée de réflexion au Vatican, le chef de l'État Michel Aoun a exprimé vendredi au pape sa "gratitude". Il a également souligné que "Les Libanais attendent la visite du souverain pontife" au Liban (...). Pour sa part, le président du Parlement Nabih Berry a plaidé pour "un travail honnête" pour sauver le Liban.
commentaires (6)
La lâcheté est le climat qui prévaut actuellement au Liban. La lâcheté ou la cupidité, parfois les deux.
Christine KHALIL
22 h 02, le 02 juillet 2021