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Économie - Réserves de la BDL

Le Liban pourrait bénéficier de 900 millions de dollars du FMI, selon Wazni

Le prêt sera octroyé à travers des droits de tirage spéciaux à un taux d’intérêt zéro, selon le porte-parole de l’institution, mais n’est conditionné à aucune réforme, ce qui inquiète nombre d’observateurs.

Le Liban pourrait bénéficier de 900 millions de dollars du FMI, selon Wazni

Le Fonds monétaire international (FMI) devrait approuver cette hausse des réserves à fin août. Photo d’archives AFP

La nouvelle s’est rapidement répandue hier sur les réseaux sociaux, présentée par certains comme une véritable bouffée d’oxygène dans un pays en crise dont la classe dirigeante a laissé fondre les réserves de devises de la Banque du Liban (BDL) au point que celles-ci ne sont presque plus constituées aujourd’hui que des réserves obligatoires des banques. Des réserves déjà vitales en temps normal, mais qui ont servi pendant près de deux ans à financer de coûteux mécanismes de subventions qui ont quelque peu contenu jusqu’ici l’impact d’une inflation déjà à trois chiffres liée à la dégringolade de la livre.

Le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, a ainsi annoncé hier que le Liban pourrait recevoir l’équivalent de près de « 900 millions de dollars » sous forme d’allocations de droits de tirages spéciaux (DTS), ou Special Drawing Rights (SDR) en anglais, du Fonds monétaire international (FMI). Un scénario qui pourrait se produire si l’institution internationale accepte, « à fin août », d’augmenter ses réserves et capacités de prêt de 650 milliards de dollars suite à une proposition du G20 (de 500 milliards de dollars) en février. Le président du Parlement Nabih Berry a annoncé hier que le financement pourrait ainsi « être transféré dans le compte de la Banque du Liban (BDL) le 23 septembre ».

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Les DTS permettent de fournir des liquidités aux États afin d’augmenter leurs réserves de devises en se les échangeant à des taux d’intérêt plus faibles que ceux du marché. Dans le cadre de cette augmentation, qui pourrait être la plus importante de l’histoire, les prêts seront accordés « sans intérêts » selon des déclarations faites par le porte-parole de l’organisation, Gerry Rice, la veille du début de l’étude du mécanisme par le conseil d’administration du FMI, qui a commencé vendredi dernier. Son principal but est de « soutenir la reprise mondiale après la crise du Covid-19 », avait précisé la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, le 23 mars dernier.

« Amplifier l’impact des DTS »

Jeudi dernier, Gerry Rice avait explicité le processus de décision de ces allocations, somme toute complexe. Tout d’abord, le conseil d’administration se réunira pour en discuter. Ensuite, la directrice générale, Kristalina Georgieva, préparera un rapport qui devra être approuvé par le conseil d’administration, avant de le présenter au conseil des gouverneurs « à la mi-juillet ». Enfin, ce conseil devra voter sur l’approbation du rapport, ce qui devrait rendre l’allocation des DTS « effective à fin août ».

Ce processus prendra du temps car le FMI planche depuis début juin sur un moyen d’inciter les pays « qui ont des positions extérieures fortes » – en référence à une balance des paiements (la différence entre les flux entrants et sortants du pays) excédentaire – à « volontairement (leur) transférer une partie de leurs DTS ». Cela via le Fonds pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI (Poverty Reduction and Growth Trust-PRGT), qui octroie des prêts « sans intérêts ».

Gerry Rice a indiqué que « 15 milliards de dollars » ont été alloués de cette façon l’année passée, avant d’ajouter qu’il « s’agit d’une des options concernant l’allocation des nouveaux DTS ». Il a ajouté, en paraphrasant des déclarations faites un jour plus tôt par Kristalina Georgiva, que le but était « d’amplifier l’impact de ces allocations pour pouvoir donner 100 milliards de dollars aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables via le PRGT ». Or ces pays ne sont pas ceux qui recevront les plus grandes augmentations d’allocations de DTS, et donc de financements supplémentaires, selon le système en place.

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En effet, ces allocations se sont faites jusqu’à présent en fonction de la quote-part que le FMI attribue à chaque État, ainsi qu’à leur place dans l’économie mondiale, spécialement lors de la création du Fonds en 1944, ce qui implique que ce sont les États-Unis qui en bénéficient le plus. La première puissance mondiale détient 82,99 milliards de DTS, portant son quota à 17,43 %. Le Liban ne possède, lui, que 633,5 millions de DTS, soit 0,13 % du total, et ne peut ainsi prétendre qu’à cette fraction des 650 milliards de dollars liée à l’augmentation de l’allocation aux DTS, soit l’équivalent de 845 millions de dollars selon nos calculs.

À titre de comparaison, les États-Unis recevront à peu près 113,29 milliards de dollars. Un problème de répartition que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a pointé du doigt la semaine passée en indiquant que les 58 pays les plus riches vont capter 438 milliards de dollars de nouvelles réserves, soit plus des deux tiers des nouvelles allocations, alors que ces pays ne représentent que 30,68 % des 189 membres que compte le Fonds.

Conversion en vrais dollars

Tout le processus dans lequel le FMI vient de se lancer permettrait alors de contrer ce que le financier Mike Azar a pointé du doigt hier sur Twitter, à savoir le fait que pour convertir cet instrument financier en « vrais dollars, le Liban devra trouver un pays qui acceptera d’acheter (ses) DTS ». Si les choses suivent leur cours, le pays du Cèdre pourra directement avoir accès à un financement, sans avoir besoin de trouver un pays intéressé par ses DTS. Le PDG de FFA Private Bank, Jean Riachi, a lui mis en garde sur Twitter contre la possibilité que ces fonds finissent par ne servir qu’à « compenser l’épuisement des réserves de la BDL » sans être injectés dans l’économie réelle et a appelé à un débat public sur la question. Lors de la séance parlementaire d’hier, le député Hassan Fadlallah, du Hezbollah, a souhaité que l’utilisation de ces fonds soit régie par une loi.Selon une source proche du dossier, la question de savoir qui aurait les prérogatives pour décider de l’allocation de ces fonds, qu’il s’agisse du gouverneur de la BDL, Riad Salamé seul, du conseil central, ou encore d’une commission de la BDL et certains ministres, n’est pas clairement tranchée. Le Code de la monnaie et du crédit et la Banque des règlements internationaux (BRI, considérée comme la Banque centrale des banques centrales), restent muettes à ce sujet, mais semblent considérer que les réserves appartiennent à la Banque centrale, et que c’est à elle d’en décider l’allocation. Cette même source émet également des doutes quant à un financement donné à taux zéro et sans conditions au Liban, compte tenu du niveau de corruption élevé qui y règne.

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Or le souci, c’est que selon les procédures que suit le FMI, les financements accordés via les DTS seront transférés de manière automatique aux banques centrales des 189 pays membres, d’où la peur de Mike Azar qu’au final, cette arrivée de fonds n’incite le Liban « à ajourner les réformes (… ou encore à) prolonger des subventions non soutenables ». Même son de cloche de la part du chef du parti des Kataeb sur Twitter, Samy Gemayel, qui « refuse que (ces fonds) soient gaspillés ».

Les DTS ont été créés en 1969 pour suppléer les réserves officielles des pays membres, l’or et les devises ne suffisant plus à soutenir la croissance mondiale, et à ne pas recourir à l’or dans ce but, dont le taux dans les réserves est stable, permettant d’éviter les fluctuations de prix de la matière première la plus utilisée en tant que valeur refuge. Les DTS servent également d’unité de mesure au FMI et à certaines autres organisations pour pouvoir octroyer des prêts par exemple, et sont libellés en fonction d’un panier de devises fortes : le dollar (41,73 %), l’euro (30,93 %), la livre sterling (8,09 %), le yen (8,33 %) et le renminbi (yuan chinois à 10,92 %), ajouté depuis octobre 2016.

Les droits de tirage spéciaux, dont la valeur varie chaque jour en fonction des fluctuations de chaque monnaie, sont aussi des actifs qui engendrent des intérêts – le taux est déterminé à un rythme hebdomadaire (0,05 % actuellement) – pour les pays membres, le FMI et certaines institutions officielles. Ce n’est pas de la monnaie mais plutôt des demandes potentielles pour accéder quasi gratuitement à des devises de la part des autres pays membres, qui se les échangent volontairement à travers le VTA (Arrangement d’échanges volontaires). Chaque pays possède des « SDR allocations », pour lesquels l’État reçoit des intérêts, et les « SDR holdings » pour lesquels il en paye. Le Liban possède 193,29 millions d’allocations DTS et 195,81 holdings DTS, soit une différence de 2,52 millions de DTS.

La nouvelle s’est rapidement répandue hier sur les réseaux sociaux, présentée par certains comme une véritable bouffée d’oxygène dans un pays en crise dont la classe dirigeante a laissé fondre les réserves de devises de la Banque du Liban (BDL) au point que celles-ci ne sont presque plus constituées aujourd’hui que des réserves obligatoires des banques. Des réserves déjà...

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Le FMI doit superviser l’argent qui donne au Liban et ne pas le laisser aux mains des responsables libanais

Eleni Caridopoulou

20 h 23, le 02 juillet 2021

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Commentaires (7)

  • Le FMI doit superviser l’argent qui donne au Liban et ne pas le laisser aux mains des responsables libanais

    Eleni Caridopoulou

    20 h 23, le 02 juillet 2021

  • C'est Riad qui doit etre content : Enfin, des sous que lui, la canaille politichienne et les crapules bancaires vont pouvoir se partager. Il y a un moment que la source etait tarie.

    Michel Trad

    18 h 20, le 01 juillet 2021

  • Ils faut coudre les poches de ces voyous.

    Christine KHALIL

    15 h 39, le 01 juillet 2021

  • ÇA SERA LA SANCTION TANT PROMISE, MAIS CONTRE LE PEUPLE ET POUR PERMETTRE À LA MAFIA DE CONTINUER À SURVIVRE POLITIQUEMENT. SI CONFIRMÉ, ON POURRA FÉLICITER TOUS CES MERCENAIRES QUI NOUS GOUVERNENT ETQUI ONT APPLIQUÉ À LA LETTRE LES RÔLES QU'ON LES A DONNÉ.

    Gebran Eid

    15 h 12, le 01 juillet 2021

  • Puisque, c'est Wazni qui le dit, on est certain de n'avoir rien, car il appartient à ceux qui refusent carrément les réformes, sauf par bla bla bla.

    Esber

    11 h 33, le 01 juillet 2021

  • Si cette information s’avère authentique et que l’argent sera avancé sans conditions et mis dans les mains de ces mafieux, ce sera la plus grosse connerie que le FMI aurait commis de toute son existence. Leur but est noble certes, aider le Liban et les libanais à se relever mais avec cette mafia aux commandes les libanais ne verront pas l’ombre d’une aide ou alors toujours les mêmes miettes chèrement taxées et payées pour engraisser les mêmes.

    Sissi zayyat

    11 h 05, le 01 juillet 2021

  • ..."""Le PDG de FFA Private Bank, Jean Riachi, a lui mis en garde contre la possibilité que ces fonds finissent par ne servir qu’à « compenser...""" d'ou Kellon pourront continuer a en profiter eux memes, certainement pas au profit des citoyens.

    Gaby SIOUFI

    09 h 23, le 01 juillet 2021

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