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Économie - Crise au Liban

Le Parlement adopte la carte d'approvisionnement

Les mécanismes de financement de ce projet relèvent de la responsabilité du gouvernement, affirme Nabih Berry. 

Le Parlement adopte la carte d'approvisionnement

Le chef du Législatif, Nabih Berry (c), présidant une réunion du Parlement, le 30 juin 2021 au palais de l'Unesco. Photo Parlement Libanais/Ali Fawaz

Le Parlement, réuni mercredi en séance plénière, a adopté le projet de carte d'approvisionnement à destination de familles défavorisées. Un dispositif qui devrait leur permettre de recevoir un montant mensuel moyen qui variera entre 93,3 et 126 dollars par mois pour survenir à leurs besoins, alors que le Liban souffre d'une grave crise socio-économique qui a poussé plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté. Le financement de ce projet d'une durée d'un an et dont le coût s'élèverait à 556 millions de dollars, n'est toujours pas clair.

Selon le projet approuvé en commissions il devrait être financé par l'ouverture d'une ligne de crédits exceptionnelle provenant, des réserves obligatoires en devises que les établissements bancaires du pays doivent conserver sur leurs comptes à la banque centrale. Selon une source gouvernementale interrogée par l'AFP, le gouvernement souhaite emprunter environ 300 millions de dollars auprès de la Banque mondiale, et couvrir le montant restant par le biais de la banque centrale.

Cette carte devra être distribuée à 500.000 familles, sélectionnées selon une série de critères qui seront fixés par une commission ministérielle. Ces familles devront s'inscrire sur une plateforme spécifique. La carte leur permettra de recevoir un montant moyen entre 93,3 et 126 dollars par mois, qui sera calculé en fonction du nombre de membres de la famille. Il n'est toujours pas clair en quelle monnaie la carte serait libellée, dans un pays où la livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur face au billet vert.

Selon notre correspondante Hoda Chédid, les familles titulaires d'un compte en banque dont le solde est inférieur à 10.000 dollars pourront bénéficier de la carte et le secret bancaire sera levé sur les comptes des personnes demandant à obtenir la carte, afin de vérifier s'ils répondent bien aux critères d'éligibilité.

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La crise libanaise est marquée par la chute de la livre libanaise sur le marché parallèle, qui s'échangeait ce matin aux alentours de 17.000 LL pour un dollar, l'hyperinflation des prix et la paupérisation de la population qui voit son pouvoir d'achat s'écrouler. C'est pour compenser la chute de la monnaie nationale que la Banque du Liban octroyait, depuis octobre 2019, des subventions permettant d'importer des produits de nécessité comme les carburants, les médicaments et un panier alimentaire défini au taux officiel de 1.507,5 LL pour un dollar. Toutefois, les réserves de la banque centrale ayant rapidement fondu et atteint un seuil critique, ces subventions doivent être rationalisées, voire levées. Le mécanisme pour les importations de carburant a d'ailleurs été modifié cette semaine et les produits hydrocarbures sont désormais importés au taux de 3.900 LL. C'est dans ce contexte que le gouvernement a mis sur pied son projet de carte, pour permettre aux familles de continuer à s'approvisionner malgré la hausse des prix qu'une levée des subventions ne manquera pas de provoquer. 

Engagement du gouvernement
En début de séance parlementaire, et après l'élection d'un membre du Conseil constitutionnel, le président de la Chambre, Nabih Berry, a lu une lettre envoyée par le Premier ministre sortant, Hassane Diab, qui n'était pas présent à la séance, et dans laquelle il s'engage à mettre en application un "programme de rationalisation de subventions", qui est toutefois lié à l'adoption de la carte d'approvisionnement. Le gouvernement souligne dans cet engagement que tout amendement des montants octroyés via cette carte aura un impact sur le programme de rationalisation des subventions. Rappelons, dans ce contexte, que les montants mensuels qui seront versés aux familles concernées étaient plafonnés dans le projet du gouvernement à 126 dollars mensuels mais ont été revus à la hausse par les commissions parlementaires à 137 dollars. "Le Parlement s'engage à débattre du projet de carte d'approvisionnement et à l'adopter, mais ses mécanismes de financement relèvent de la responsabilité du gouvernement", a par ailleurs ajouté M. Berry. 

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Une alternative à ce financement via les réserves de la Banque du Liban a toutefois été évoquée par M. Berry et le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni. Ce dernier a en effet expliqué, dans son exposé des sources possibles de financement de la carte d'approvisionnement, que le Fonds monétaire international (FMI) l'avait averti d'une possible allocation au Liban de ses droits de tirage spéciaux (DTS), d'un montant de près de 900 millions de dollars. Ce mécanisme permet de fournir des liquidités aux États-membres du Fonds pour augmenter leurs réserves de devises, alors que celles de la BDL ont atteint un niveau critique. "Ces fonds peuvent être transférés immédiatement à la BDL et utilisés pour financer la carte d'approvisionnement", a affirmé M. Berry à ce propos. 

Financement de l'étranger
Le projet de carte d'approvisionnement, dans toutes ses composantes, a fait débat lors de la séance. Le député Hadi Aboulhosn, membre du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, a ainsi souligné que si sa formation est "en faveur" de la carte, elle craint que cette loi ne connaisse le même sort que celle sur le "dollar étudiant", qui n'a jamais été appliquée. "Il faut assurer son financement de l'étranger et non pas compter sur des sources internes", a-t-il ajouté à propos de ce dispositif, rejetant donc à demi-mot toute atteinte aux réserves de la BDL. Il a encore estimé que ce projet devrait être assumé par le nouveau gouvernement, attendu depuis près de onze mois. 

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Le député Hassan Fadlallah, du Hezbollah, a indiqué que son parti était également en faveur de la carte "à condition qu'elle soit liée à une levée des subventions". Il a ajouté que les 900 millions de dollars du FMI ne pourraient être dépensés "qu'en vertu d'une loi adoptée par la Chambre". 

Demandant la parole lors de cette période de débat à la Chambre et alors que cela lui avait été préalablement refusé par Nabih Berry, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a pris le chef du Parlement à partie, lui demandant s'il "ne peut pas le supporter" au point de ne pas lui accorder la parole. "J'ai dû beaucoup te supporter. Vas-y, parle !", lui a répondu M. Berry. Lors de son intervention, le chef du CPL a appelé à ce que les montants prévus par la carte d'approvisionnement soient versés aux bénéficiaires en livres libanaises et non en dollars. Il a en outre critiqué le fait que des "appareils sécuritaires, députés et responsables politiques sont actuellement impliqués dans des réseaux de contrebande transfrontalière" vers la Syrie. De telles opérations de trafic de produits subventionnés ont été à de nombreuses pointées du doigt comme étant l'une des causes de l'échec de la politique de subventions. 

"Gagner du temps"
Son collègue au sein du groupe parlementaire aouniste, Alain Aoun, a de son côté souligné que la carte d'approvisionnement ne pouvait pas être considérée comme une "solution" ni un "accomplissement" face à la crise, mais qu'il s'agissait plutôt d'une façon de "gagner du temps" et d'éviter de prendre des mesures radicales. "Nous sommes comme une personne qui est blessée et saigne de tous les membres de son corps et à qui l'on pose un pansement sur une seule de ses blessures", a-t-il estimé. Il a encore critiqué le fait que les subventions sont financées "à partir des poches des gens". La rationalisation ou la levée des subventions est "une responsabilité partagée", a-t-il poursuivi.

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Ibrahim Kanaan, le président de la commission parlementaire des Finances, a pour sa part appelé le gouvernement à lancer les procédures officielles requises pour permettre à la Banque mondiale de réallouer au financement de la carte des prêts préalablement adoptés par la Chambre mais qui n'ont jusqu'à présent pas été utilisés. Cela permettrait d'éviter d'avoir à puiser dans les réserves obligatoires de la banque centrale, a estimé le député. La possibilité d'une réallocation de 959 millions de dollars de la BM, sur un total d'1,6 milliard octroyé au pays du Cèdre, avait été évoquée mi-juin lors d'une réunion entre la commission dirigée par M. Kanaan et une délégation de la BM. "C'en est assez de donner de l'espoir aux gens et de ne rien mettre en application", a encore lancé le député aouniste. 

Après avoir adopté une extension, jusqu'à la fin de l'année 2021, de la loi prolongeant les délais accordés pour le remboursement de prêts et l'exemption de certaines taxes, ainsi que la loi sur les marchés publics, Nabih Berry a levé la séance. Les députés ont toutefois poursuivi leur réunion à 18h, approuvant plusieurs autres textes de loi. Ils ont ainsi adopté, entre autres, une loi dotée du caractère de double urgence visant à faire soumettre tous les bénéficiaires des subventions gouvernementales en dollar américain ou son équivalent en devises étrangères à un audit externe.

Le Parlement, réuni mercredi en séance plénière, a adopté le projet de carte d'approvisionnement à destination de familles défavorisées. Un dispositif qui devrait leur permettre de recevoir un montant mensuel moyen qui variera entre 93,3 et 126 dollars par mois pour survenir à leurs besoins, alors que le Liban souffre d'une grave crise socio-économique qui a poussé plus de la moitié...

commentaires (2)

Parlement libanais = CDI (Club des Inutiles)...

Wlek Sanferlou

22 h 28, le 30 juin 2021

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Commentaires (2)

  • Parlement libanais = CDI (Club des Inutiles)...

    Wlek Sanferlou

    22 h 28, le 30 juin 2021

  • L'incompétence est tellement lamentable qu'il est inutile de commenter.

    PPZZ58

    21 h 31, le 30 juin 2021

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