Trois avocats ont appelé hier le président du Conseil d’État (CE), Fadi Élias, à se désister du dossier de la suspension de la circulaire n° 151 émise par la Banque du Liban sur le « lollar » (dollars libanais coincés dans les banques et échangés au taux de 3 900 LL pour un dollar, NDLR), au sujet de laquelle ils avaient présenté un recours. En cause, la réunion convoquée au palais de Baabda par le chef de l’État, Michel Aoun, jeudi dernier avec le juge Élias, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé, en présence du conseiller du président, Salim Jreissati. À l’issue de cette rencontre, M. Salamé avait annoncé que la suspension décidée par le Conseil d’État ne serait pas appliquée immédiatement. Organisée au lendemain de la suspension de la circulaire n° 151 par le CE, cette réunion avait provoqué un vif tollé auprès de nombreux observateurs qui y ont vu une ingérence flagrante du pouvoir exécutif dans la justice. Émise à la suite d’une plainte déposée par les avocats Pascal Daher, Charbel Chbeir et Jessica Kosseifi, selon laquelle les montants présents dans les comptes bancaires doivent être retirés dans la devise du dépôt, la décision du Conseil d’État avait suscité la panique parmi la population déjà affaiblie par la crise économique aiguë. Si la suspension de la circulaire avait été appliquée, les Libanais auraient en effet été contraints de retirer leurs lollars au taux « officiel » de 1 507,5 LL et non plus au taux de 3 900 LL. Au lendemain du jugement, la BDL avait publié une information dans laquelle elle avait exprimé son respect de la décision du CE. La réunion au palais présidentiel semble donc avoir eu pour but de trouver un arrangement visant à apaiser les inquiétudes de l’opinion publique. À son issue, les Libanais ont ainsi appris de M. Salamé que la décision du CE ne serait pas tout de suite appliquée, au motif que, d’une part, la notification à la BDL avait été effectuée sans l’apposition d’un sceau du CE et, d’autre part, que la Banque centrale avait présenté un recours comportant de nouveaux éléments susceptibles de faire revenir la juridiction sur sa décision.
Décision politico-judiciaire
Les avocats Daher, Chbeir et Kosseifi n’ont pas tardé à réagir. Dénonçant « une violation du principe de la séparation des pouvoirs », ils ont exhorté hier le président du Conseil d’État à se désister du dossier. À défaut de quoi, ont-il affirmé, ils présenteraient un recours pour « suspicion légitime de sa partialité devant le Conseil du contentieux », une instance au sein du CE chargée de statuer sur une telle question.
Selon une source informée, leur demande est formulée dans une lettre déposée au greffe du CE, qui critique « la décision politico-judiciaire » qu’a annoncée M. Salamé « depuis le palais présidentiel ». Les requérants ont qualifié d’« inhabituelle et non conforme à la loi » la réunion sous la houlette du chef de l’État entre une partie prenante dans une affaire et un magistrat en charge de la même affaire. Toujours selon la source précitée, les avocats auraient par ailleurs reproché à M. Élias de « violer son devoir d’ingratitude à l’égard de l’autorité politique qui l’avait nommé à son poste », en référence à la célèbre formule de l’ancien garde des Sceaux français Robert Badinter, lorsqu’il avait été désigné président du Conseil constitutionnel par l’ancien président français François Mitterrand.
L’action pour l’annulation de la circulaire n° 151 étant pendante, des avocats interrogés par L’Orient-Le Jour ont souhaité garder l’anonymat en donnant leurs avis sur la démarche de leurs collègues. Certains l’appuient fermement, se disant « choqués » par la facilité avec laquelle la réunion au palais présidentiel a eu pour effet de suspendre la décision du Conseil d’État. « La scène au palais présidentiel était douloureuse, donnant l’impression que le dossier judiciaire est entre les mains des autorités politiques et financières », indique un avocat, décrivant le tableau comme « un enterrement du pouvoir judiciaire ».
À l’opposé, un avocat spécialisé en droit public juge qu’« il n’est pas inhabituel pour des représentants des instances de l’État de se réunir afin de se concerter sur des décisions à retombée nationale ». « Il n’y aurait pas en l’espèce une violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, à condition que l’autorité représentant le pouvoir exécutif ne tente pas de faire modifier la décision du magistrat », nuance le juriste. « On ne peut spéculer que la réunion a constitué une atteinte à la justice, tant qu’on ne connaît pas la teneur de la décision qu’émettra le CE à la suite du recours présenté par la BDL », explicite-t-il. En d’autres termes, tant que le Conseil d’État ne revient pas sur sa décision de surseoir à la circulaire de la BDL.
Considérant qu’il aurait été souhaitable que le chef de l’État s’entretienne séparément avec MM. Salamé et Élias, et qu’en tout état de cause, la médiatisation de la réunion est « inopportune », un politicien, avocat de profession, juge que « dans la forme », le principe de la séparation des pouvoirs a été « bafoué ». Tout en reconnaissant par ailleurs que le CE, haute juridiction administrative, a « un rôle consultatif et non seulement juridictionnel », il estime que « le président Aoun n’a pas convoqué Fadi Élias pour une consultation mais pour une décision judiciaire que ce dernier avait signée ». « C’est là où le bât blesse », note-t-il.
Ils insufflent le chaud et le froid pour calmer la colère de la population qui croit encore en leur mensonges et s’apaise aussitôt qu’il lui donne le poison puis son anti-dote jusqu’au moment où l’anti-dote ne fonctionne plus sur eux puisqu’il s’agit d’un simple placebo et que la population crève les yeux ouverts pendant que eux iront profiter de l’argent qui leur ont volé sous d’autres cieux. Si ce n’est pas de la lâcheté généralisée je ne sais pas ce que c’est.
14 h 41, le 08 juin 2021